LoiLATMP
TitreII LA NOTION DE LÉSION PROFESSIONNELLE: ART. 2, 25 À 31
Section3. Présomption de lésion professionnelle: art. 28
3.2 Éléments constitutifs de la présomption
3.2.2 Qui arrive sur les lieux du travail
Titre du document3.2.2.2 Notion de « qui arrive »
Mise à jour2011-11-01


NB : Voir la section 3.1 de ce titre sur l'application de la présomption.

Les douleurs sont ressenties le lendemain de l'incident alors que l'on diagnostique une entorse. Cet événement n'a pas entraîné une blessure: Boisvert et Construction André Boucher inc., 25178-03-9011, 92-08-06, R. Ouellet, (J4-15-05).

L'entorse lombaire étant une blessure non visible qui se manifeste simplement par une douleur, la preuve du moment de la survenance de la blessure ne peut reposer exclusivement sur le moment de l'apparition de la douleur, puisque la survenance du phénomène douloureux ne correspond pas nécessairement dans le temps à la survenance de la blessure elle-même. Le geste décrit par le travailleur est un geste normal. La description des circonstances entourant la survenance de la douleur ne démontre aucun mouvement brutal de distorsion susceptible de causer une entorse. Ainsi, l'apparition de la douleur ne correspond pas dans le temps à la survenance de l'entorse. Comme on ne peut établir que l'entorse est survenue au moment décrit par le travailleur, la présomption ne peut s'appliquer. Lésion non reconnue: Payment et Ville de Verdun, 54402-62-9310, 94-11-28, R. Brassard, (J7-01-02).

Entorse lombaire d'une travailleuse alors qu'elle était grimpée à quatre pattes sur un comptoir pour examiner l'arrière de celui-ci en étirant le bras droit en vue de récupérer une bouteille qui y serait tombée. En l'absence de manoeuvre de torsion ou de mouvement brutal de distorsion, en somme du mécanisme de production d'une entorse lombaire sur les lieux du travail, la présomption ne s'applique pas. Il n'y a pas de preuve que l'entorse s'est produite sur les lieux du travail. En l'instance, la symptomatologie présentée par la travailleuse, alors qu'elle était sur les lieux de son travail, relève beaucoup plus d'une manifestation spontanée de sa condition personnelle: Sauvé et Hôpital St-Luc, 43868-60-9208, 95-02-06, B. Lemay, (J7-02-07), révision rejetée, 95-07-10, A. Leydet.

Hernie discale. On ne peut conclure, du seul fait que la douleur est apparue au travail, que la blessure est survenue au travail. Lésion non reconnue: Chassé et Air Satellite inc., 69467-60-9505, 96-06-17, A. Leydet.

Bien que le diagnostic d'entorse lombaire lie la CLP en vertu de l'article 224 et qu'il soit établi qu'un diagnostic d'entorse correspond à la définition de blessure, il ne peut être question d'une blessure survenue sur les lieux du travail, alors que le travailleur est à son travail. Le travailleur n'incrimine aucun mouvement ou geste particulier précis à l'origine de sa douleur. Il allègue une apparition graduelle de douleurs depuis deux semaines en raison d'un surplus de travail. Il semble plus probant de croire que les douleurs étaient reliées à la condition personnelle de dégénérescence discale multi-étagée: Les services ménagers Roy ltée et Massie, 84336-07-9611, 98-08-26, B. Lemay.

Entorse cervicale. Technicienne ambulancière. Douleur cervicale irradiant vers les omoplates alors qu'elle était assise à l'arrière d'un véhicule de type «top kick». Le raisonnement soumis par l'employeur aux fins de déterminer si la travailleuse a démontré que sa blessure «est arrivée» au travail se rapproche de celui voulant que l'absence d'un événement imprévu et soudain permette le renversement de la présomption. Il n'y a pas lieu d'interpréter plus avant l'expression «est arrivée» au travail puisqu'il s'agit simplement pour la travailleuse d'offrir un témoignage crédible et plausible des circonstances de sa blessure: Poisson et Urgences Santé, [1999] C.L.P. 869.

Contremaître général. Le travailleur ne peut bénéficier de la présomption de l'article 28 puisque les faits ne révèlent pas que la radiculite, ou pincement de la racine L5 droite, diagnostiquée le 14 mai 1993 soit survenue sur les lieux du travail le 17 mars 1993. Les observations personnelles du travailleur entre le 17 mars et la consultation du 28 mars ne font pas état d'une symptomatologie associable à celle qu'il a vécue à compter du 28 mars. La radiculite n'est pas arrivée au travail. Le travailleur relate deux autres événements qui ont pu entraîner cette condition, soit l'événement du ski-doo et celui du déménagement: Fortin et SECAL, 79110-02-9605, 99-06-28, P. Ringuet, requête en révision judiciaire rejetée, [2000] C.L.P. 687 (C.S.).

En l'absence d'un mouvement brutal de distorsion d'un ligament à l'origine de l'entorse diagnostiquée, le travailleur n'a pas fait la preuve que l'entorse est survenue en exécutant les tâches d'opérateur de balayeuse: Later et J.M. Asbestos inc., 109937-05-9902, 00-03-01, F. Ranger.

Selon la preuve médicale prépondérante, le geste que la travailleuse décrit comme étant la cause de la lésion n'a pu causer l'entorse dorsale diagnostiquée. Ainsi, la relation médicale nécessaire pour conclure que la blessure est arrivée sur les lieux du travail alors que la travailleuse est à son travail n'est pas démontrée: Emballages Somerville et Binette, 123181-62-9909, 00-04-18, R.-L. Beaudoin.

On ne peut appliquer la présomption lorsque le travailleur éprouvait les mêmes douleurs lombaires auparavant, bien qu'elles soient plus fortes en intensité au moment de la réclamation. L'entorse lombaire n'est pas survenue au moment décrit: Liquidation Choc et St-Onge, 127372-32-9911, 00-05-10, G. Tardif.

Le travailleur n'a pas prouvé que sa blessure est survenue sur les lieux du travail. Devant les nombreuses imprécisions dans la preuve, il n'est pas possible de savoir ce qui s'est véritablement passé. La présomption ne peut s'appliquer. Le travailleur ne s'est pas déchargé de son fardeau de prouver un des éléments de la présomption, soit que la lésion est survenue au travail: Canadawide inc. et Khoury, 125531-72-9910, 00-06-15, L. Landriault, révision rejetée, 01-02-19, C.-A. Ducharme.

L'employeur a allégué que l'entorse n'était pas arrivée sur les lieux du travail puisque le travailleur n'a pas fait la démonstration que le mouvement effectué était susceptible d'entraîner ce type de lésion. L'article 28 n'exige que la preuve des trois éléments constitutifs pour bénéficier de l'application de la présomption: Parent et Sidbec-Dosco inc., 129705-62B-0001, 00-06-16, J.-M. Dubois.

Contremaître en charge des parcs et pelouses. Le travailleur allègue avoir ressenti des douleurs lombaires en conduisant un camion dont le siège usé l'obligeait à adopter une mauvaise posture. Les différents diagnostics posés par les médecins du travailleur sont imprécis, ne permettent pas d'identifier de façon claire la présence d'une blessure et ne sont pas compatibles avec la description de l'événement. De plus, même en retenant les diagnostics les plus susceptibles de constituer une blessure, soit un étirement ou une élongation musculaire, aucun faux mouvement ni étirement ne sont allégués pour permettre de conclure que ces diagnostics imprécis sont des blessures survenues sur les lieux du travail: Lafrenière et Ville de Senneterre, 119217-08-9906, 00-08-10, Monique Lamarre.

Entorse cervicale. La travailleuse n'a pu démontrer que cette blessure est survenue sur les lieux du travail alors qu'elle était à son travail. En effet, elle devait démontrer qu'elle a posé un geste ou un mouvement, lorsqu'elle a exercé son activité de travail, susceptible de provoquer l'apparition d'une entorse cervicale. La travailleuse associe l'apparition de ses symptômes au fait qu'elle a travaillé sous des ventilateurs en fonction qui déplaçaient de l'air froid. Or, cet événement n'est pas un mécanisme reconnu comme étant susceptible de provoquer l'apparition d'une entorse: Lafrenière et Wal-Mart Canada inc., 137073-63-0005, 01-01-17, M. Gauthier.

Le travailleur n'a subi aucun coup ou contrecoup au travail le 14 juin 1999 et aucune force ou impact n'a pu engendrer un transfert d'énergie sur sa personne, pouvant provoquer une entorse cervicale. Dans ces circonstances, la présomption ne doit pas s'appliquer car l'entorse cervicale n'est pas arrivée au travail alors que le travailleur était à son travail: Desjardins et Piscines Trévi inc., 125809-61-9910, 01-02-27, S. Di Pasquale (décision sur requête en révision).

En utilisant les mots «alors que» à l’article 28, le législateur a exigé la preuve d’une corrélation temporelle entre le moment de survenance de la blessure et l’exécution par la victime de son travail, pas davantage ni rien d’autre. Interpréter les termes de l’article 28 comme obligeant le travailleur à prouver l’existence d’un lien de causalité entre son travail et sa lésion revient à exiger de lui une démonstration dont l’article vise justement à le dispenser. L’article 28 permet en effet de présumer que la lésion subie est professionnelle, donc qu’elle est en lien direct avec le travail. Exiger la preuve du lien de causalité que requiert l’article 2 revient à stériliser et rendre inutile la présomption prévue à l’article 28: Campeau et Ville de Montréal, [2002] C.L.P. 866.

En rédigeant l’article 28, le législateur a choisi d’utiliser des termes qui font en sorte qu’il n’est pas suffisant de démontrer que la blessure s’est manifestée sur les lieux du travail ou que des douleurs ont été ressenties à cet endroit. Il a bel et bien requis la preuve que la blessure est «arrivée sur les lieux du travail». Or, pour qu’une entorse arrive sur les lieux du travail, il faut être en présence d’un mouvement de distorsion brusque comme le mentionnent les définitions d’usage et la jurisprudence du tribunal. La présomption de lésion professionnelle ne peut s'appliquer puisque la preuve ne démontre pas que l'entorse dorsale est «arrivée sur les lieux du travail»: Centre de protection et de réadaptation de la Côte-Nord et Lefrançois, [2004] C.L.P. 536

Les termes «arriver» ou «se manifester» ne sont pas si différents. Selon les définitions des dictionnaires, une blessure peut arriver, survenir ou se manifester sur les lieux du travail et nous parlerons toujours du même fait qui s'est passé ou qui s'est produit. Par ailleurs, comme la preuve non contredite indique que l’entorse cervicodorsale subie le 20 mai 2004 est arrivée ou s’est manifestée sur les lieux du travail, alors qu’elle était à son travail, la travailleuse est donc dispensée de faire la preuve d’un événement imprévu et soudain ou de prouver un mouvement de distorsion brusque ce qui, pour le tribunal, est similaire: White et Provigo division Loblaws Québec, [2004] C.L.P. 1472.

Fracture de la cheville et du péroné. Malgré que le travailleur n’ait pas à faire la preuve d’un événement imprévu et soudain, il faut donner un sens aux termes «qui arrive sur les lieux du travail alors que le travailleur est à son travail». Les termes «qui arrive» renvoient à la nécessité d’une concomitance entre les trois éléments constitutifs de la présomption qui doivent être démontrés. Il faut que la preuve permette de conclure que la blessure s’est produite sur les lieux du travail alors que le travailleur est à son travail. En l'espèce, le travailleur ne peut dire à quel moment la blessure est survenue. La preuve est trop imprécise pour permettre de conclure que la blessure est survenue au travail alors que le travailleur est à son travail: Services Matrec inc. et Béliveau, 293281-71-0607, 07-10-17, Anne Vaillancourt.

Bien qu’il soit reconnu que le diagnostic d’entorse en soit un de blessure, le travailleur ne s’est pas déchargé de son fardeau de preuve en ce qui concerne les deux autres éléments de la présomption, à savoir que cette blessure est survenue sur les lieux du travail alors qu’il est à son travail. Malgré que le travailleur n’ait pas à faire la preuve d’un événement imprévu et soudain au stade de l’application de la présomption, il faut toutefois donner un sens aux termes «qui arrive sur les lieux du travail alors que le travailleur est à son travail». Les termes «qui arrive» renvoient à la nécessité d’une concomitance entre les trois éléments constitutifs de la présomption qui doivent être démontrés. Il faut que la preuve permette de conclure que la blessure s’est produite sur les lieux du travail alors que le travailleur est à son travail. Une preuve trop imprécise quant aux circonstances de la survenance de la blessure ne permet pas de conclure qu’elle est survenue au travail alors que le travailleur était à son travail. En l'espèce, la preuve est non seulement imprécise, mais très contradictoire. En l’absence d’explications de la part du travailleur qui ne s’est pas présenté à l’audience, la CLP ne peut conclure à la survenance de l’entorse sur les lieux du travail alors que le travailleur effectuait son travail: Bossé et Atelier Gérard Laberge inc., 333544-62A-0711, 09-02-24, M. Auclair, (08LP-276).

Les diagnostics d'entorse cervicale, d'entorse acromioclaviculaire et d'étirement du trapèze constituent une blessure au sens de l'article 28. Cependant, compte tenu des nombreuses imprécisions et discordances qui ressortent tant du dossier que du témoignage du travailleur, et en raison du délai de 11 jours qui s'est écoulé avant la première consultation médicale, il est impossible de conclure que cette blessure «s'est produite sur les lieux du travail alors qu'il est à son travail». Ainsi que le soulignait la CLP dans Bossé et Atelier Gérard Laberge inc.,les termes «qui arrive» renvoient à la nécessité d'une concomitance des trois éléments constitutifs de la présomption, laquelle est absente en l'espèce: Abmast inc. et Bossé,362269-62B-0811, 09-12-18, M. Watkins, (09LP-167).

Les termes «qui arrive» exigent uniquement une corrélation temporelle entre le moment de la survenance de la blessure et l’accomplissement par le travailleur de son travail. Cela n’implique aucunement de faire la démonstration d’une relation causale et la preuve de la survenance d’une blessure sur les lieux du travail, alors que le travailleur est à son travail, fait présumer l’existence d’une lésion professionnelle sans que le travailleur ait à faire la démonstration d’un événement particulier: Boies et C.S.S.S. Québec-Nord, 2011 QCCLP 2775, [2011] C.L.P. 42 (formation de trois juges administratifs); Dénommé et Personnel Outaouais, 2011 QCCLP 3368.

La version du travailleur revêt une force probante et démontre que la blessure, soit une hernie discale L5-S1, est arrivée sur les lieux du travail alors que le travailleur était à son travail. D’ailleurs, les termes «qui arrive» utilisés à l’article 28 et tels qu’interprétés dans Boies et C.S.S.S. Québec-Nord,exigent uniquement une corrélation temporelle entre le moment de la survenance de la blessure et l’accomplissement, par le travailleur, de ses tâches. Cela n’implique aucunement la démonstration d’une relation causale. En l’espèce, plusieurs indices identifiés dans cette décision militent en ce sens, notamment l'absence de délai entre le moment de la survenance de la prétendue blessure et la première déclaration à l'employeur ainsi que l'absence d’antécédents et de condition personnelle préexistante importante au niveau lombaire. La présomption s'applique et le travailleur a subi une lésion professionnelle: Morin et Habitations Boivin, 2011 QCCLP 3494.