LoiLSST
TitreXVII L'INSPECTION: ART. 19, 20, 24, 49 À 67, 177 À 194, 216 À 219, 221 ET 236
Section2. Pouvoirs de l'inspecteur et critères d'intervention: art. 180, 182, 183 et 186
2.1 Pouvoirs de l'inspecteur: art. 180 et ss.
Titre du document2.1.1 Étendue du pouvoir d'intervention de l'inspecteur
Mise à jour2011-11-01


Généralités

La loi confère à l'inspecteur des pouvoirs considérables. Ses fonctions ne se bornent pas à vérifier si les règlements sont respectés. Il doit veiller à ce que l'objectif de la loi soit atteint dans la mesure du possible. Parmi ces pouvoirs se trouve l'utilisation d'une façon de procéder propre à la LSST, l'avis de correction: Domtar inc. c. CALP, [1990] C.A.L.P. 989 (C.A.); Provigo Distribution inc. et Syndicat des travailleuses et travailleurs des magasins Provigo de Port-Cartier (C.S.N.), [1991] C.A.L.P. 539; Service de prévention des incendies de la Ville de Montréal et Ranger, [1998] C.L.P. 1370; CHUM Campus Hôtel-Dieu et Syndicat des employés de l'Hôtel-Dieu de Montréal, [2000] C.L.P. 475, requête en révision judiciaire rejetée, C.S. Montréal, 500-05-060928-007, 01-03-29, j. Décarie.

Les pouvoirs de l'inspecteur ne sont pas affectés par l'exclusion prévue à l'article 19.6.1 de la Loi sur les services correctionnels restreignant certains droits prévus par la LSST, dans le cas des travailleurs incarcérés dans un établissement de détention. Il peut exercer ces pouvoirs pour effectuer une visite des lieux et émettre un avis de correction s'il constate une dérogation à l'obligation prévue à l'article 51(11) LSST: CSST et Buanderie Bordeaux, [1996] C.A.L.P. 1584.

L'inspecteur ne peut, du seul fait que la méthode de travail est déficiente à un poste de travail, imposer à l'employeur l'obligation de revoir l'organisation du travail à tous les postes, pour s'assurer que les pièces manipulées ne compromettent pas la santé et la sécurité des travailleurs parce qu'elles seraient lourdes ou surdimensionnées. En effet, rien dans la preuve dont disposait l'inspecteur ne démontre qu'aux autres postes de travail les pièces semblables sont manipulées dans les mêmes conditions. Il ne pouvait conclure comme il l'a fait sans enquêter davantage sur les conditions de travail prévalant aux autres postes. Même si des refus de travail ont été antérieurement reconnus, on ne peut en déduire qu'il y a là une situation problématique générale justifiant la mesure imposée. Si l'inspecteur désirait que l'employeur s'adjoigne des ressources spécialisées pour évaluer les postes à risque, il aurait pu lui en faire la suggestion, mais il ne peut pas lui imposer cette mesure sur la base d'une enquête ne concernant qu'un ou deux postes de travail: Giroux et Bestar inc., [2001] C.L.P. 636.

Malgré l'étendue de ses pouvoirs, l'inspecteur n'a pas la compétence pour transformer un droit de refus en plainte selon l'article 227: Larivière et Commonwealth Plywood ltée, 173763-07-0111, 02-02-01, Anne Vaillancourt.

Un inspecteur peut émettre un avis de correction à un tiers employeur dans le cadre du paragraphe 8 de l'article 51, bien qu'il ne soit pas l'employeur des travailleurs dont la santé et la sécurité sont menacées: Cégep Bois-de-Boulogne et Éco centre l'Acadie, [2002] C.L.P. 192, requête en révision judiciaire rejetée, [2002] C.L.P. 968 (C.S.), requête pour permission d'appeler rejetée, C.A. Montréal, 500-09-013112-032, 03-03-06.

Le rapport d'intervention de l'inspecteur ne comporte aucun ordre et l’inspecteur n’a pas non plus rendu une décision en indiquant dans son rapport d’intervention que l’employeur a commis une infraction à la LSST. Il donne simplement son opinion sur des faits en litige après avoir fait enquête. Son opinion sur cette question n’a pas de valeur juridique et il n’a pas l’autorité pour trancher la question. Il appartient au Tribunal du travail de décider si l’employeur a ou non commis une infraction à la LSST. En l'espèce, l'inspecteur s'est formé une opinion sur la culpabilité de l'employeur, mais comme il ne lui appartient pas d'en juger, malgré ses vastes pouvoirs, on ne peut dire qu'il en a décidé. Son opinion sur cette question n'a pas de valeur juridique et il n'a pas l'autorité pour trancher la question. L'inspecteur n'ayant rendu aucune décision, le contenu de son rapport d'intervention ne peut être révisé: Industries Océan inc. et CSST, 161413-32-0105, 02-11-25, G. Tardif, (02LP-148).

Intervention d'un inspecteur qui impose une planche de signalisation routière sur un chantier de réfection d'une route. Même s'il est acquis que le travail de l’inspecteur ne se limite pas à vérifier si les règlements sont respectés, l'inspecteur peut conclure qu'un employeur ne s'est pas acquitté de ses obligations prévues à l'article 51. Cependant, l’inspecteur ne pouvait se contenter de mentionner l’existence d’un risque potentiel, mais il devait également motiver sa décision, documenter son analyse et démontrer que l’utilisation de certaines planches de signalisation routière n’était pas sécuritaire en raison de la persistance d’un danger. Or, cette décision est peu étayée et ne permet pas de conclure de façon probante que les planches suggérées par l'employeur représentent un danger pour les travailleurs. De plus, l’inspecteur ne pouvait émettre une ordonnance visant tous les chantiers futurs sans que ni l’employeur ni lui-même n’aient en mains toutes les données nécessaires pour décider si une planche est plus adéquate qu’une autre, selon les caractéristiques de l’environnement routier propre à chaque chantier. L’ordonnance est annulée: Ministère des Transports du Québec et CSST, [2003] C.L.P. 341.

La doctrine du functus officio doit être interprétée avec souplesse lorsqu’il s'agit de tribunaux administratifs ou de fonctionnaires chargés de veiller à l’application d’une loi et qui peuvent exercer les pouvoirs d’un commissaire nommé en vertu de la Loi sur les commissions d’enquête. L’intervention de 1996 (alors que l'inspecteur confie aux parties le fardeau de régler entre elles leurs divergences sur certains sujets et de prendre en charge leur milieu pour élaborer la solution qu'elles pourraient juger adéquate eu égard aux circonstances) ne peut avoir eu pour effet de décharger l’inspecteur de sa fonction quant à la résolution de cette question. Par la suite, les parties ayant été dans l’impossibilité pendant plus de deux ans d’en venir à une entente sur cette question, l’inspecteur pouvait de nouveau intervenir et déposer un avis de correction. Cette interprétation de la doctrine du functus officio dans le contexte particulier de la Loi sur la santé et la sécurité du travail et dans le contexte des circonstances propres à ce litige, était à la fois motivée et non déraisonnable, voire raisonnable: Association des pompiers de Montréal c. C.L.P., [2003] C.L.P. 1833 (C.A.).

Le rôle d’un inspecteur de la CSST est d’intervenir dans une situation où la santé et la sécurité des travailleurs peuvent être mises en cause, et ce, que ce soit dans le cadre d’un droit de refus, d’une plainte ou de son propre chef. Les deux parties voulaient l’intervention d’un inspecteur pour régler le litige. L'employeur ayant apporté une mesure correctrice à la suite du droit de refus effectué, l’inspecteur a décidé de traiter le dossier comme une plainte. Il était tout à fait approprié qu'il utilise ses pouvoirs d’intervention, de faire enquête et de rendre une décision sur ce litige. Il n’a donc pas outrepassé sa compétence et sa décision est tout à fait valide: Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec et Sécurité publique-Palais de justice de Drummondville, [2003] C.L.P. 1092.

Que ce soit dans le cadre d’un droit de refus, d’une plainte ou de son propre chef, le rôle de l'inspecteur est d’intervenir dans les situations où la santé et la sécurité des travailleurs peuvent être mises en cause. Nonobstant la décision qu’il rendra quant au droit de refus, il peut exiger que l’employeur apporte des corrections dans le délai qu’il détermine: Denis et Hydro-Québec, [2004] C.L.P. 276.

En vertu de l'alinéa 3 de l’article 51, l’inspecteur ne peut émettre un avis de correction qui génère des obligations à l’employeur à l’égard des travailleurs d’un autre employeur. En effet, les définitions d’«employeur» et de «travailleur» à la LSST réfèrent au concept traditionnel de la personne qui utilise les services d’un travailleur dans le cadre d’un contrat de travail et les obligations que la LSST impose à l’employeur sont à l’égard de ses propres travailleurs. Ainsi, le fait pour certains camionneurs de l’employeur de ne pas signaler leur présence à toutes les bornes de kilomètre à la «radio CB» ne doit constituer un danger probable que pour les camionneurs de l’employeur: Coopérative forestière du Nord-Ouest et CSST, 171384-08-0110, 04-07-02, P. Prégent, (04LP-87)

Le 8 novembre 2001, l’inspecteur concluait que l’éradication des plants de cannabis représentait un travail dangereux et que l’organisation déficiente du travail et le manque d’effectifs pour la surveillance accroissaient le niveau de danger. La Procédure d’éradication de juillet 2002 est un élément nouveau qui s’inscrit dans l’évolution de la problématique en santé et sécurité opposant l’employeur et les policiers qui justifiait une nouvelle intervention de l’inspecteur. On ne peut opposer la chose jugée à la décision du 24 juillet 2002 et invoquer que l'inspecteur étaut functus officio, puisque ce nouvel élément n’existait pas lors de la décision du 8 novembre 2001. Devant l’impossibilité des parties à s’entendre en 2002 sur l’élaboration d’une procédure d’éradication de cannabis conforme à la LSST suivant le droit de refus exercé légitimement par les policiers en 2001, l’inspecteur de la CSST était fondé d’intervenir le 24 juillet 2002 et de décider de la conformité à la LSST de la procédure d’éradication soumise par l’employeur: Morin et Sûreté du Québec, [2005] C.L.P. 1369.

À la suite d’un accident au cours duquel une travailleuse s’est blessée en nettoyant un convoyeur, un inspecteur décide d’intervenir dans l’entreprise, conformément aux articles 179 et 180. Le fait que l’employeur n’avait pas l’obligation d’aviser la CSST de l’accident ne prive en rien l’inspecteur de procéder à une inspection et de s’informer sur les circonstances entourant cet accident: Maplehurst Bakeries (Canada) inc. et Pâtisserie Fortin inc., [2007] C.L.P. 1271.

Même si l’employeur se conforme à la loi et aux règlements, cela n’exclut pas que l’inspecteur, doté de vastes pouvoirs, l’oblige à prendre des mesures supplémentaires afin de respecter le but et l’objectif de la loi et de ses règlements. Ainsi, l'inspecteur de la CSST n’avait pas à prouver qu’il y avait de l’amiante du côté ouest des étages 2 et 3 de l'édifice pour conclure que l’ensemble des travaux sur ces niveaux doit se faire en «mode amiante» vu la présence d’échantillons positifs du côté est: Commission scolaire Région-de-Sherbrooke et Comité SST C.S.R. de Sherbrooke, [2007] C.L.P. 1873.

L'inspecteur pouvait prendre appui sur le pouvoir général qui lui est dévolu par l’alinéa 5 de l'article 180 afin d'exiger du maître d'oeuvre une attestation de solidité des ponts temporaires installés sur les chemins d'exploitation des chantiers forestiers qui avaient cours. Le fait que les entrepreneurs forestiers soient responsables de la solidité des ponts temporaires, selon les termes des contrats d'entreprises intervenus entre eux et le maître d’oeuvre, ne change rien au pouvoir de l'inspecteur qui peut émettre son ordonnance aussi bien envers l'employeur, l'entrepreneur ou le maître d'œuvre: Hydro-Québec et Bétonnière La Tuque inc., 298535-04-0608, 07-04-02, G. Tardif.

Aucune circonstance nouvelle en octobre 2006 ne justifiait l'inspecteur d'intervenir de nouveau, et la demande de l'employeur de ne pas être désigné comme maître d'oeuvre du chantier est donc une demande de révision hors délai d'une décision du 17 mai 2006 le désignant comme tel: Construction Polaris et C.P.Q.M.C., 307299-31-0701, 07-04-24, G. Tardif, (07LP-39), révision rejetée, 08-02-25, A. Suicco.

L’article 182 accorde à l’inspecteur un pouvoir discrétionnaire lui permettant d’émettre un avis de correction s’il l’estime opportun. Le fait pour l’inspecteur de ne pas émettre d’avis de correction dans le cadre des pouvoirs que lui confère cet article n’est pas assimilable au fait de rendre une décision. En effet, l’inspecteur bénéficie d’un pouvoir d’enquête et d’inspection sans avoir obligatoirement à rendre un ordre ou une décision. Si l’exécution de sa discrétion doit être assimilée dans tous les cas à rendre une décision, cela revient à ignorer cette discrétion qui lui est accordée. Le rapport d’intervention doit toutefois être transmis aux personnes concernées, conformément à l’article 183, mais il ne peut faire l’objet d’une contestation: S.E.A.B. et Aluminerie de Bécancour inc., 332086-04-0711, 09-04-20, D. Lajoie, (09LP-43).

En présence d'un bâtiment incendié et dont le toit a été démoli en partie, un danger réel, immédiat, sérieux et intolérable existait et l'inspecteur était justifié d'ordonner la suspension des travaux jusqu'à ce qu'une attestation de solidité émise par un professionnel qualifié, en l'occurrence un ingénieur ou un architecte, soit fournie. L'inspecteur a le pouvoir d'exiger cette attestation en vertu du paragraphe 5 de l'article 180: Leclerc et C.P.Q.M.C., 397221-31-0912, 10-05-10, G. Tardif.

Exposition au béryllium. L’inspecteur décide que les vêtements portés par les travailleurs comme couche extérieure sont contaminés et doivent être lavés par l’employeur. Cependant, à l’égard des vêtements portés sous une veste ou une chemise, l’inspecteur refuse d’émettre un avis de correction avant l’obtention de plus amples informations. Cette dernière situation se distingue de celles où des inspecteurs refusent ou omettent de formuler des avis de correction alors que la situation le commande. En l’espèce, l’inspecteur n’a pas terminé son processus d’analyse. Le tribunal retourne le dossier à l’inspecteur plutôt que d’utiliser son pouvoir selon l’article 377 LATMP. La CLP accorde 30 jours à l’inspecteur pour rendre sa décision: Syndicat des Métallos (local 9700) et Aluminerie de Bécancourt inc., 2011 QCCLP 4494, révision rejetée, 2012 QCCLP 3135, requête en révision judiciaire pendante, C.S. Québec, 200-17-016502-122.

Alors que 17 rapports d’intervention ont précédé ceux en litige, l’inspecteur modifie la détermination du maître d’œuvre, à la suite d’une rencontre avec celui-ci et à sa demande. Tenant compte des enseignements de la Cour d’appel dans CSST et Hydro-Québecil est possible pour l’inspecteur de prendre en considération des situations factuelles, nouvelles et postérieures à l’ouverture du chantier afin de modifier le statut de maître d’œuvre d’un entrepreneur. Cependant, les larges pouvoirs qui lui sont dévolus ne vont pas jusqu’à lui permettre de revoir sa décision sans que la situation ait présenté un caractère évolutif. Il peut se prononcer de nouveau sur la question du maître d’œuvre en cours de chantier si des faits sont suffisamment sérieux et déterminants pour témoigner d’une réelle évolution de la situation. En l’espèce, pour certaines situations déjà analysées, l’inspecteur était functus officio, puisque des avis de correction avaient déjà été émis et qu’aucune situation évolutive n’a été constatée en lien avec celles-ci. Pour les autres situations, sur lesquelles l’inspecteur n’avait jamais émis d’avis de correction, il n’est pas établi que les faits étaient déterminants et sérieux au point de justifier la modification de l’identification du maître d’œuvre: Ministère des Transports du Québecet Simard-Beaudry Construction inc., 2011 QCCLP 6891.

L'inspecteur peut apprécier le danger pour la santé mentale

Il est périlleux d’interpréter une disposition législative à partir du constat des qualifications professionnelles des intervenants prévus à la loi. Faute de précision législative quant à la nature de la compétence professionnelle des inspecteurs, il appartient à l’administration, à partir des objectifs de la LSST, de choisir et de former ceux-ci. Bien que l’objectivation des dangers pouvant compromettre la santé mentale d’un travailleur puisse nécessiter une analyse plus soutenue, l’inspecteur est qualifié pour apprécier les faits et conclure à l’existence ou non d’un danger. Il n’est pas nécessaire d’être psychologue et encore moins psychiatre pour apprécier ces faits, aucun diagnostic n’ayant à être déterminé à cette étape: Forget Chagnon et Marché Bel-Air inc., [2000] C.L.P. 388.

L'inspecteur ne peut apprécier le danger pour la santé mentale

L'inspecteur ne peut intervenir dans le cadre de l'exercice d'un droit de refus par un professeur qui prétend que ses conditions de travail le perturbent psychologiquement alors que l'employeur, un collège, impose une tutelle professionnelle à ce dernier. Le rôle de l'inspecteur est de vérifier l'existence d'un danger objectif et objectivable et il n'a aucune compétence professionnelle pour déterminer si la santé mentale d'un individu est menacée. De plus, il serait difficile d'imaginer, dans un tel cas, quelles mesures de correction pourrait suggérer l'inspecteur, celui-ci n'ayant d'ailleurs pas le pouvoir d'empêcher un employeur d'exercer son droit de gérance: Imbeau et Collège Maisonneuve, [1995] C.A.L.P. 262.