LoiLATMP
TitreII LA NOTION DE LÉSION PROFESSIONNELLE: ART. 2, 25 À 31
Section5. Récidive, rechute ou aggravation: art. 2, al. 14
5.06 Date de la récidive, rechute ou aggravation
Titre du document5.06 Date de la récidive, rechute ou aggravation
Mise à jour2011-11-01


En 1993, le travailleur est victime d'un accident du travail, lui causant des lésions discales au niveau lombaire. Il subit deux discoïdectomies et la réparation d'une déchirure à la dure-mère consécutive à la seconde discoïdectomie. Des séquelles permanentes sont reconnues. En octobre 1997, il allègue une rechute. Une foraminectomie majeure et une autre discoïdectomie sont ensuite pratiquées en mai 1998. La CSST accepte la récidive, rechute ou aggravation à compter de cette date seulement. Or, en octobre 1997, le travailleur est mis en arrêt de travail en raison d'un diagnostic de fail back, pour lequel il a été opéré à plusieurs reprises sans succès. Lors de la réparation de la déchirure de la dure-mère, intervention dont la relation avec l'accident du travail initial a été reconnue, le chirurgien a indiqué la problématique lombaire pouvant en découler. Le rapport médical d'octobre 1997 et l'invalidité suggérée se situent directement en continuité avec cette problématique. Toutes les investigations médicales effectuées à compter de cette date font partie des conséquences de l'accident du travail de 1993 et doivent être reconnues au même titre que celles qui ont précédé chacune des interventions chirurgicales. Celles-ci se situent dans le contexte d'une reprise évolutive d'une symptomatologie invalidante associée étroitement à la lésion professionnelle initiale. Le travailleur a droit à l'IRR à compter d'octobre 1997: Marshall et Adam Lumber inc., [1998] C.L.P. 1216.

À la suite de l'amputation de la 3ième phalange de l'index droit, le travailleur souffre d'un névrome pour lequel il doit subir une intervention chirurgicale. Cette intervention chirurgicale ne constitue pas en elle-même une RRA mais en est plutôt la conséquence. Il s'agit d'un traitement médical additionnel nécessaire qui n'est pas en soi l'événement. Aggravation reconnue à la date où les douleurs sont devenues incapacitantes. Lésion reconnue: Hashempoor et Or massif et Grossiste de l'argent, 132108-73-0002, 00-08-14, D. Sams.

Lorsque la reconnaissance d'une lésion professionnelle se fonde sur la nécessité d'une chirurgie, la date de la RRA n'a pas à être établie au seul moment où l'intervention chirurgicale est pratiquée. En effet, l'investigation qui précède une telle intervention est aussi en relation avec la lésion professionnelle. En l'espèce, c'est au moment où le médecin du travailleur a constaté une détérioration de l'état de santé du travailleur, alors qu'il concluait à une lésion incapacitante nécessitant une chirurgie, que le travailleur a subi une RRA: Desrosiers et Protection incendie Laval inc., 123941-61-9909, 01-07-18, G. Morin.

En 1998, le travailleur est victime d'un accident du travail. La CSST lui reconnaît le droit de recevoir une IRR pour recherche d'emploi jusqu'au 17 juillet 2002. Le 21 janvier 2002, on diagnostique une dépression majeure et, le 26 juillet 2002, le travailleur dépose une réclamation pour RRA. La CSST reconnaît que le travailleur a subi une rechute à compter du 15 juillet 2002. Le travailleur consteste cette décision, invoquant que cette rechute remonte au 15 juillet 2001. La CSST en révision administrative maintient sa première décision au motif que le travailleur a reçu une indemnité pour recherche d'emploi jusqu'au 17 juillet 2002. Or, cette décision fait en sorte que le travailleur perd un droit s’il est établi que la nouvelle lésion professionnelle est survenue avant que la période de recherche d’emploi ne soit complétée et l’a empêché justement de rechercher un emploi. L’article 267 établit que c’est l’attestation médicale qui fait foi de la survenance d’une lésion professionnelle. C’est donc sur cette base que doit être déterminée la date de la survenance de la lésion professionnelle. N’ayant pas d’emploi lorsque l’aggravation de son état est survenue, le travailleur n’avait toutefois pas à soumettre une attestation médicale à un employeur. Il y a lieu de retenir la date de la consultation pour un problème d'anxiété, soit le 21 janvier 2002, date que le travailleur a d'ailleurs lui-même indiquée sur sa réclamation pour RRA: Cyr et Investissements Vinsteve, 211895-63-0307, 04-02-25, R. Brassard.

Comme la CLP a le pouvoir de déterminer la date d’une lésion professionnelle dont on lui demande la reconnaissance, elle retient le 3 mai 2001 puisque c’est à cette date que sont survenues la reprise évolutive et l’aggravation de la lésion du travailleur, qu’il a consulté un médecin et qu’il est devenu moins fonctionnel, et ce, même s'il a attendu au 17 juin 2002 pour déposer sa réclamation: Côté et Bombardier Prod. récréatifs inc., [2005] C.L.P. 958.

Il y a lieu de retenir comme date de la RRA le moment de la constatation médicale d'une détérioration objective de l’état de santé du travailleur, même si la chirurgie n’a été pratiquée qu'un mois plus tard. La date d’une RRA n’a pas à être établie au seul moment de l’intervention chirurgicale: Samuel et CSST, 253674-01B-0501, 05-09-06, J.-F. Clément; Brouillette et Équipements R. Poulin inc., 393336-31-0911, 10-09-08, C. Lessard, (modification de l'état de santé du travailleur).

L’admissibilité de la réclamation de la travailleuse pour RRA à compter du 18 août 2004 n’est pas en corrélation avec la preuve médicale. Cette date retenue par la CSST correspond à une consultation pour une seconde opinion. Il est davantage approprié de retenir la date du 15 janvier 2004, soit le point de départ des consultations médicales menant à une nouvelle investigation qui prouve l’aggravation de la condition de la travailleuse et qui justifie l’intervention chirurgicale projetée: Giroux et Canadian Tire, 260764-71-0504, 05-11-02, L. Crochetière.

Comme la CLP a le pouvoir de déterminer la date d’une lésion professionnelle dont on lui demande la reconnaissance, le tribunal retient que le travailleur a subi une RRA le 10 mars 2004 puisque c’est à cette date qu'il a consulté son médecin qui a alors décidé de la nécessité d’une nouvelle chirurgie. Que le travailleur ait été sur la liste d’attente de l’établissement de santé pendant un an et qu’il n’ait subi la chirurgie qu'en 2005 ne change rien au fait que, dès mars 2004, la détérioration de sa condition avait été constatée par son médecin: Rousseau et Société de transport de l'Outaouais, [2006] C.L.P. 85.

Toute la preuve factuelle et médicale, incluant les témoignages du travailleur et de son médecin, démontre que le travailleur a subi une RRA, non pas comme l’a reconnu la CSST, le 3 octobre 2005, date de l'intervention chirurgicale, mais le 18 novembre 2004, date où cette chirurgie était déjà envisagée et acceptée par le travailleur, lequel était déjà inscrit sur une liste d’attente: Rémillard et Carrier & fils paysagistes, 255236-03B-0502, 06-05-10, R. Savard.

La détérioration de l'état de santé d'une personne n'apparaît pas, à moins d'un événement particulier, en une journée ou à une date précise. Il est difficile de déterminer à partir de quand il y a détérioration de la condition d'un travailleur, laquelle détérioration est nécessaire à la reconnaissance d'une RRA. «En fait, la question en est souvent une de preuve qui se résume généralement comme suit: à quelle date un médecin constate-t-il une détérioration de la condition du travailleur pour la première fois ? La situation n’est d’ailleurs pas bien différente pour les maladies professionnelles dont la date est fixée de façon un peu aléatoire, généralement en fonction de la date des premiers rapports médicaux pertinents»: Couture et Autobus Couture & Cahill inc., 285535-01B-0603, 06-09-15, L. Desbois.

L'omission de la CLP de disposer de la date de la RRA, comme le demandait le travailleur à l'audience, constitue une erreur manifeste et déterminante sur le sort du litige et il y a lieu de réviser sa décision et de rendre celle qui aurait dû être rendue. Puisque la date qui doit être retenue est celle de la détérioration objective de l’état de santé du travailleur, il y a lieu de retenir le 25 octobre 2002, soit la date où un premier rapport médical établit un diagnostic de dépression entraînant des limitations fonctionnelles temporaires et la reprise des antidépresseurs, et non celle du 18 février 2003, date de la réclamation. Le travailleur a droit au versement de l’IRR à compter de cette date: Marcoux et Forage Moderne (1985) ltée, 214993-08-0308, 06-12-12, M. Carignan, (06LP-225) (décision accueillant la requête en révision).

La CLP ne peut retenir comme date de la RRA la période de décembre 2002, ni la date de l’opération subie par le travailleur le 27 janvier 2004. C’est donc le 29 septembre 2003 qui est retenu comme date de la RRA. Cette conclusion est retenue par la plupart des médecins qui ont examiné le travailleur après septembre 2003 tout en établissant la relation médicale probable entre les problèmes au niveau du diaphragme gauche et l’accident du travail de 1969, ayant causé une contusion thoracique et de multiples lésions. En outre, on ne pourrait faire rétroagir la date de la RRA avant le 29 septembre 2003, puisque les raisons invoquées par le travailleur ne démontrent pas un motif raisonnable pouvant expliquer son retard à produire sa réclamation dans le délai prévu aux articles 270 ou 271: Groleau et Garage Lucien Groleau, 273540-03B-0510, 07-05-11, R. Savard, (07LP-55).

À compter du mois de décembre 2004, la CSST avait en sa possession des documents médicaux faisant état d'une atteinte psychologique attribuable aux conséquences de la lésion professionnelle du travailleur, soit une dermite irritative des mains. La CLP ne voit pas de quelle façon le fait pour le travailleur de remplir un formulaire de réclamation aurait été utile à la CSST pour procéder à l'analyse des informations factuelles et des documents médicaux. La CLP modifie la décision de la révision administrative qui reconnaissait que le travailleur avait subi une rechute le 23 octobre 2006, soit un trouble d'adaptation avec humeur anxiodépressive, pour retenir plutôt que cette rechute est en date du 14 décembre 2004: Rousseau et Service de camion des Cantons enr., 314015-63-0703, 08-11-18, D. Besse, (08LP-170).

La CLP a le pouvoir de déterminer la date d'une lésion professionnelle. La date correspond au moment où il y a une reprise évolutive et aggravation objective de la condition du travailleur. Le travailleur a produit sa réclamation pour une RRA qui serait survenue le 15 septembre 2008, soit à la date où son médecin lui a prescrit des travaux légers. L'instance de révision de la CSST a retenu la date du 10 juin 2009, qui correspond à celle où le médecin qui a charge a envoyé le travailleur en orthopédie en vue d'une éventuelle chirurgie. En l'espèce, la date de la RRA est plutôt le 26 janvier 2007. C'est à ce moment que des traitements sont devenus nécessaires pour traiter l'aggravation de la coxarthrose gauche. Le travailleur a demandé le remboursement de ces traitements ce que la CSST a fait. La CSST a donc implicitement reconnu que la RRA est survenue à cette date: Bruneau et Ministère des transports, 2011 QCCLP 4064.

La date de la RRA correspond à la détérioration objective de la condition ou de l'état de santé d'un travailleur. En présence d'une intervention chirurgicale, alors que des investigations médicales avaient commencé auparavant, la jurisprudence a reconnu qu'il fallait tenir compte de l'ensemble de cette situation. C'est la résonance magnétique pratiquée le 14 décembre 2009 qui a objectivé l'aggravation de la lésion initiale par l'ajout du diagnostic de déchirure du labrum. La reprise des investigations médicales, en décembre 2009, permet d'établir que la travailleuse subissait alors une aggravation réellement objectivée. Avant cette date, seuls des constats de douleur sans objectivation avaient été retenus par le médecin qui a charge. C'est donc à compter du 14 décembre 2009 qu'il y a eu objectivement une RRA au sens de l'article 2, laquelle donne droit au versement d'une IRR: Blais et Atelier du Martin-Pêcheur inc., 2011 QCCLP 5586.