LoiLATMP
TitreVI PROCÉDURE D'ÉVALUATION MÉDICALE: ART. 199 À 233 ET 448 ET SUIVANTS
Section1. Les éléments de l'article 212
1.5 Les limitations fonctionnelles: art. 212 (5)
Titre du document1.5.04 Les limitations fonctionnelles et les douleurs chroniques
Mise à jour2011-11-01


«...En fait, l'existence d'une atteinte permanente peut être déduite de la reconnaissance par le médecin traitant de l'existence de limitations fonctionnelles permanentes, sur l'allégation de douleur par un individu qui serait clairement reliée aux séquelles de la lésion professionnelle.»: Côté et C.S. Brooks Canada inc., [1993] C.A.L.P. 300.

«...Les allégations de symptômes douloureux persistants ne peuvent, à elles seules et sans autre signe objectif, laisser conclure à l'existence de limitations fonctionnelles en relation avec la lésion professionnelle.»: Bélanger et Solibec inc., 37755-60-9203, 95-06-14, A. Leydet; Longo et Ida Construction ltée, [1998] C.A.L.P. 73.

L'extériorisation d'un état pathologique peut parfois être perçue uniquement sous forme de symptômes. Il peut arriver qu'une déficience soit reconnue en l'absence de signes cliniques objectifs ou de résultats anormaux obtenus à la suite d'un examen quelconque. En l'espèce, les médecins ayant examiné le travailleur rapportent que ce dernier se plaint d'un phénomène douloureux. Il y a suffisamment d'éléments pour conclure que celui-ci conserve des limitations fonctionnelles en raison de la douleur résiduelle résultant de la lésion professionnelle, douleur l'empêchant de reprendre son travail: Gauthier et Gastier Mécanique inc., 42100-62-9207, 96-02-27, S. Lemire; Roy et Entreprises SHT enr., 116143-01A-9905, 99-09-07, Y. Vigneault.

L'attribution de limitations fonctionnelles peut se justifier en présence de séquelles douloureuses objectivées. La douleur doit être objectivée, consécutive à la lésion professionnelle, incapacitante et justifiée par plausibilité raisonnable: Beaulieu et Arboréal Québec ltée, 88381-32-9705, 99-05-17, C. Lessard.

Le caractère continu de la douleur et son effet sur le comportement du travailleur sont incompatibles avec tout travail régulier. Les douleurs du travailleur ont une base organique de sorte qu'elles ne reposent pas sur des éléments purement subjectifs. Elles sont devenues une maladie chronique avec des conséquences fonctionnelles sur les plans physique et psychique qui perturbent son fonctionnement global et justifient la limitation fonctionnelle de classe IV: Martin et Ville de Lennoxville, 131930-05-0002, 00-07-04, M. Allard.

Il est possible de conclure à la présence de limitations fonctionnelles en l'absence d'atteinte permanente lorsque la preuve démontre l'existence de séquelles susceptibles de restreindre le travailleur dans son emploi ou dans ses activités quotidiennes. La présence de séquelles douloureuses en l'absence d'une atteinte permanente peut justifier dans certains cas l'octroi de limitations fonctionnelles. En l'espèce, on doit conclure à la présence de limitations fonctionnelles même si aucune atteinte permanente n'a été reconnue au travailleur. En effet, les douleurs chroniques résiduelles qu'il présente sont suffisamment objectivées. La douleur étant ce qu'elle est, on ne peut, par des moyens empiriques, démontrer qu'elle existe. Toutefois, des moyens indirects permettent de l'objectiver. Lorsque le travailleur décrit toujours la douleur de la même manière, qu'il le dit à plusieurs médecins examinateurs qui le rapportent dans leur rapport, et que, lors des examens objectifs, la palpation permet de mettre en relief cette douleur à plus d'une reprise, celle-ci commence à être plus objective. Il en est de même lorsque les activités de la vie professionnelle ou quotidienne qui sont limitées par cette douleur correspondent effectivement à la douleur décrite, à son site anatomique et aux fonctions qui peuvent effectivement en être perturbées: Boulevard Dodge Chrysler Jeep 2000 et Bevilacqua, 207397-72-0305, 04-02-26, Anne Vaillancourt.

Un syndrome douloureux peut donner lieu à la reconnaissance de séquelles permanentes, et ce, même en présence d'un examen objectif normal. Cependant, il faut démontrer que la douleur est réelle et incapacitante. Le tribunal n'a aucune raison de douter du témoignage du travailleur qui a décrit sensiblement de la même façon à tous les examinateurs les sensations et les douleurs éprouvées à son pied droit. Il y a donc lieu de reconnaître à titre de limitation fonctionnelle celle de porter des souliers protecteurs adaptés plutôt que des bottes de travail et il faut conclure qu'il est incapable d'exercer son emploi: Jomphe et Aciers Inoxydables Atlas (Slater), 251803-62B-0412, 06-01-11, N. Blanchard.

Puisque la LATMP prévoit qu'un travailleur a droit d'être compensé pour les séquelles de sa lésion professionnelle, on doit également tenir compte d'une condition personnelle qui est devenue symptomatique lors d'un accident du travail. En l'espèce, bien que l’examen objectif n’ait pas révélé de séquelle fonctionnelle objectivée, tous les médecins reconnaissent que le travailleur présente des douleurs chroniques qui varient selon les activités. Le travailleur conserve donc des limitations fonctionnelles causées par les douleurs chroniques rendues symptomatiques par son accident du travail, ce qui entraîne des difficultés dans les activités de la vie professionnelle: Entreprises Arseneault inc. et Trottier, 254686-04B-0502, 06-11-22, M. Carignan, (06LP-168).

Il est possible de conclure à la présence de limitations fonctionnelles en l'absence d'un DAP sur le plan neurologique ou articulaire lorsque la preuve démontre l'existence de séquelles douloureuses susceptibles de restreindre le travailleur dans son emploi ou ses activités quotidiennes. Dans un tel cas, les douleurs chroniques doivent être suffisamment objectivées par des moyens indirects telles une description constante par le travailleur de ses douleurs aux médecins examinateurs qui en font état dans leurs rapports et la mise en relief des douleurs par la palpation lors des examens objectifs. Il y a également objectivation des douleurs lorsque les activités de la vie quotidienne ou professionnelle qui sont limitées correspondent à la douleur décrite, à son site anatomique et aux fonctions qui peuvent en être perturbées. En l'espèce, le travailleur a décrit le même tableau douloureux à tous les médecins examinateurs qui ont tous signalé une douleur à la palpation de la région lombaire. Il n'y a donc pas lieu de douter de la crédibilité du travailleur; malgré une exagération involontaire, les douleurs chroniques sont bien réelles. En outre, le rapport d'ergothérapie révèle une diminution des capacités fonctionnelles du travailleur, eu égard à sa région lombaire, dans sa vie quotidienne et au travail en raison de ses douleurs lombaires, ce qui est confirmé par ses propos aux médecins examinateurs et son témoignage. Sont retenues les limitations fonctionnelles de classe 1 déterminées par le BEM pour les séquelles douloureuses chroniques correspondant à un problème mécanique découlant de la lésion professionnelle: Automobiles Val Estrie et Tanguay, 271538-05-0509, 07-03-07, M. Allard.

Le fait qu'il n'y ait pas augmentation de l'atteinte permanente ne permet pas de conclure automatiquement en l'absence d'une augmentation des limitations fonctionnelles. La demande de la travailleuse de faire reconnaître des limitations fonctionnelles de classe IV, au lieu de celles moindres attribuées par le membre du BEM, et ce, en l'absence d'une augmentation de l'atteinte permanente, repose davantage sur la présence et l'objectivation de douleurs qui demeurent continuelles au point d'entraver la reprise de tout travail régulier.  Dans ces circonstances, le tribunal ne doit donc pas limiter son analyse à la seule présence de séquelles fonctionnelles relevant de l'attribution d'un DAP et d'une atteinte permanente, mais doit procéder à une analyse plus approfondie du dossier, en vue d'établir et d'objectiver la présence continue de douleurs qui entraînent une modification du comportement et de la capacité de concentration de la travailleuse comme l'exige l'IRSST. En l'espèce, la travailleuse consomme une quantité importante de médicaments de nature opioïde en vue de contrôler ses douleurs et le dossier démontre l'existence d'une sciatalgie invalidante démontrée par des signes d'irritation radiculaire objectifs, avec douleurs neuropathiques. Il y a lieu de reconnaître l'existence de limitations fonctionnelles de classe IV: Bénard et Hôpital Sacré-Coeur de Montréal, 330033-64-0710, 09-01-22, R. Daniel.

Des douleurs, non confirmées et corroborées par des signes objectivables ne sont pas indemnisables en vertu de la loi. Il en va de même quant à l'existence de limitations fonctionnelles. Une symptomatologie persistante ne peut suffire pour justifier l'octroi de limitatons fonctionnelles surtout en l'absence de séquelles fonctionnelles objectivables: Commission scolaire Marie-Victorin et Dugas, 321412-62A-0706, 09-11-27, C. Burdett, (09LP-168.).

L'attribution de limitations fonctionnelles peut se justifier par la présence de séquelles douloureuses qui ont pour effet de restreindre un travailleur dans l'exercice de son emploi ou de ses activités quotidiennes, ou encore lorsque celui-ci présente un risque de RRA compte tenu de la fragilité découlant de sa lésion. En l'espèce, compte tenu de la preuve, la travailleuse ne conserve pas d'atteinte permanente de sa lésion professionnelle, mais conserve cependant des limitations fonctionnelles pour les deux pouces, soit éviter des mouvements répétitifs de flexion et des mouvements répétitifs de pince, et éviter de soulever des poids de plus de 5 kg de façon répétitive: Compagnie A et M...G..., 370193-62-0902, 10-03-30, M. Auclair, (09LP-232).

Les limitations fonctionnelles supplémentaires retenues par le médecin qui a charge sont essentiellement motivées par la présence des douleurs chroniques de la travailleuse et sont nécessaires afin d'éviter que ces douleurs — qui sont soulagées par une médication — n'augmentent. Des limitations fonctionnelles peuvent être retenues de façon préventive. Toutefois, la notion de douleur étant grandement suggestive, ce phénomène doit être «suffisamment objectivé». La possibilité d'imposer des limitations fonctionnelles malgré la présence d'un examen clinique négatif existe. Il est alors nécessaire d'apprécier si les douleurs chroniques sont suffisamment objectivées par des moyens indirects, telle une description constante par la travailleuse de ses douleurs aux médecins examinateurs qui en font état dans leur rapport et la mise en relief de ces douleurs lors des examens. En l'espèce, tous les médecins ont retenu que la travailleuse se plaignait de douleurs à l'épaule. Ses allégations de douleur sont sérieuses et crédibles. Elles sont documentées par plusieurs questionnaires normalisés. Il y a lieu de retenir une limitation fonctionnelle supplémentaire à celle reconnue par le BEM dans le but d'éviter l'augmentation de la douleur et les risques de RRA: Dion et Def. Nat. Ctre serv. Ress. Hum.Est, 2011 QCCLP 6027.