LoiLATMP
TitreXII LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES: ART. 359, 359.1, 367 À 429.59, 450 ET 451
Section3. La procédure
3.4 Autres ordonnances et incidents de procédure: art. 429.15, 429.24, 429.27, 429.28, 429.29 et 429.33 à 429.35
Titre du document3.4.2 Recours abusif ou dilatoire: art. 429.27
Mise à jour2011-11-01


Généralités

Pour qu'un appel soit abusif et dilatoire, il faut qu'un examen sommaire des motifs d'appel en fasse voir la futilité: CSST et Boisclair, 27897-62-9103, 91-09-16, Y. Tardif, (J3-18-12); Corbin et CSST, [1991] C.A.L.P. 1025.

Un appel pourra être rejeté conformément à l'article 399 si le requérant démontre l'un des quatre critères suivants: 1) à sa face même, l'appel n'a aucune chance de succès; 2) son caractère futile et dilatoire saute aux yeux; 3) il n'est pas susceptible d'un débat raisonnable; ou 4) il est fait sans droit apparent et ne vise qu'à retarder le processus administratif ou judiciaire. En l'espèce, l'appel interjeté par l'employeur n'est pas abusif ni dilatoire: J.M. Asbestos inc. et Ronald Gagnon (Succession), [1996] C.A.L.P. 1040; Clermont et Fromagerie de Corneville (Agropur), 209391-62B-0305, 04-03-19, Alain Vaillancourt.

L'obligation légale d'un tribunal administratif est de respecter les principes de justice naturelle dont la règle audi alteram partem. Dans ce contexte, les dispositions permettant de déclarer un recours abusif et dilatoire constituent une mesure exceptionnelle et doivent être interprétées avec beaucoup de réserve: Leclerc et Ville de St-Constant, 104889-62C-9808, 99-09-15, M. Denis.

Les contestations de la travailleuse, et particulièrement la dernière, sont abusives. Ainsi, la requête de l'employeur afin de faire cesser les procédures abusives est accueillie, mais en partie seulement, considérant que les contestations répétées de la travailleuse concernant les suites de l'accident du travail de mai 1998 sont vouées à l'échec et constituent un gaspillage de temps, d'énergie et d'argent, autant pour le tribunal que la partie qui doit faire valoir son opposition et présenter une défense. De tels agissements sont assimilables à de l'abus de procédure. Cependant, dans un souci de ne pas empêcher un recours qui pourrait, à sa face même, apparaître fondé, il y a lieu d'ordonner: 1) à la travailleuse de ne pas introduire de nouveaux recours concernant les suites de l'accident du travail de mai 1998, à moins d'avoir obtenu au préalable l'autorisation écrite du président de la CLP ou d'un commissaire désigné par lui; 2) à tout préposé ou agent du greffe de la CLP de ne pas recevoir de nouveaux recours de la travailleuse ni d'ouvrir de dossier concernant les suites de l'accident du travail de mai 1998, à moins que celle-ci n'ait obtenu au préalable l'autorisation écrite du président de la CLP ou d'un commissaire désigné par lui: Nolan et Services de gestion Menrose inc., 260521-71-0504, 07-11-29, G. Robichaud.

constitue un appel abusif et dilatoire

Le travailleur, après avoir interjeté appel devant la CALP, reçoit un avis de convocation. Il rencontre son représentant syndical à la sortie de la cafétéria et lui demande de faire remettre l'audience en raison d'un voyage en Floride. Le travailleur ne fait aucune autre démarche même si son représentant syndical ne lui donne aucune nouvelle. Ce dernier oublie la demande du travailleur. La veille de l'audience, réalisant son oubli, il communique avec la secrétaire du commissaire et interprète ses paroles comme un acquiescement à la demande de remise. Le lendemain, l'employeur et le commissaire se présentent à l'audience. La demande de remise est refusée, le travailleur n'ayant pas fait montre de la diligence à laquelle on est en droit de s'attendre de la part d'une personne qui en appelle d'une décision dont elle se croit lésée. Le travailleur ayant fait preuve d'une insouciance totale, son appel sans être qualifié d'abusif est du moins dilatoire et doit être rejeté: Dupras et Général Motors du Canada ltée, 05903-64-8801, 90-01-05, G. Gendron, révision rejetée, [1990] C.A.L.P. 1222.

Avant le début de l'audience, le représentant du travailleur communique avec ce dernier pour s'assurer de sa présence à l'audience. Le travailleur indique qu'il ne se présentera pas en raison d'un autre rendez-vous. L'insouciance totale dont une partie fait preuve à l'égard de son appel, plus particulièrement à l'égard de sa convocation pour l'audition de son appel, fait en sorte que cet appel peut être qualifié d'abusif, sinon de dilatoire. En l'espèce, le travailleur exprime par son comportement une indifférence remarquable face à son appel, à son représentant, et au tribunal lui-même. Il cherche sans doute à repousser l'échéance de la détermination finale des questions soulevées dans son appel. Or, il est inadmissible qu'une partie fasse retarder les procédures sans qu'une explication raisonnable soit adressée de façon appropriée au tribunal: Rollin et Général Motors du Canada ltée, 34446-60-9111, 95-03-14, A. Leydet, (J7- 03-02); Audet et C.U.M., 50390-60-9304, 95-06-27, N. Lacroix.

Le recours du travailleur est abusif car il n'a aucune chance de succès. En effet, le droit de refus qu'il a exercé l'a été sans droit apparent car il ne peut donner un exemple concret et précis d'un danger objectif et réel auquel il a été exposé au travail en février 2002: Henrichon et Ville de Montréal, [2003] C.L.P. 53.

L’existence d’une transaction dûment signée par l’employeur et le travailleur rend abusif et dilatoire le recours déposé par le travailleur. En effet, à sa face même, le recours du travailleur n’a aucune chance de succès et il n’est pas susceptible d’un débat raisonnable: Morel et Rovibec inc., 173667-04B-0111, 03-04-29, J.-F. Clément, (03LP-34).

La CLP, plutôt que de rejeter la contestation du travailleur faute de preuve, lui a donné la possibilité de produire des documents pour compléter sa preuve en précisant les éléments nécessaires aux fins de l'enquête. Or, les documents que le travailleur a soumis sont incomplets parce qu'il y manque, entre autres, les notes cliniques du psychologue, et altérés parce qu'il a masqué des sections touchant notamment ses antécédents et des éléments de diagnostic. Son refus d’obtempérer à l’ordonnance du tribunal est à lui seul suffisant pour rejeter sa contestation et accueillir la requête de l’employeur pour rejet de recours parce qu'abusif et dilatoire: Cloutier et Citoyenneté Immigration Canada, 222672-72-0312, 05-05-06, G. Robichaud, (05LP-32).

La contestation de l'employeur est abusive car elle vise à demander au tribunal de modifier la classification qui lui a été attribuée depuis plusieurs années et qui a toujours été confirmée lors de ses contestations antérieures, dont à deux reprises par la CLP. Comme les activités de l'employeur n'ont pas changé et que l'unité de classification attribuée n'a pas subi de modification non plus, les chances de l'employeur de réussir dans sa démarche sont nulles: Tel-Aide Québec inc. et CSST, 257072-31-0503, 05-10-28, R. Ouellet, (05LP-176).

L'objectif du travailleur vise encore une fois à faire reconnaître que l'emploi retenu en 2002 n'est pas un emploi convenable. Or, la CLP l'ayant débouté à plusieurs reprises dans ses demandes, les décisions concernant ce sujet sont devenues finales et sans appel. La requête du travailleur déposée en 2010 n'a donc aucune chance de succès, n'est pas susceptible d'un débat raisonnable, un examen sommaire des motifs en laisse voir la futilité et, en ce sens, elle constitue une procédure abusive ou dilatoire au sens de l'article 429.27: Kolliniatis et Bistro-Bar Toulon, 2011 QCCLP 5224.

En l'espèce, par sa décision du 2 mars 2010, la CLP a statué sur l'absence de lien entre l'événement initial et la fracture costale, et le législateur n'a pas prévu qu'on puisse interjeter appel d'une décision du tribunal. Cette décision est finale. En avril 2010, le travailleur a allégué une récidive, rechute ou aggravation à la suite d'un diagnostic de pseudarthrose et de brachialgie, la CSST a refusé sa réclamation et le travailleur n'a pas contesté cette décision. Il a plutôt choisi d'adresser une demande de réouverture de son dossier à la directrice régionale de la CSST. Or, cette dernière est liée par la décision finale du 2 mars 2010. Il est vrai que la CSST détient un pouvoir de reconsidération de ses décisions, dans certaines circonstances prévues à l'article 365. Cependant, compte tenu du libellé de l'article 358.3, ce pouvoir ne peut plus être exercé une fois que l'instance de révision a statué sur la question, ce qui est le cas en l'espèce. Par ailleurs, si le travailleur disposait d'une nouvelle preuve, inconnue au moment de l'audition initiale et qui aurait pu justifier une décision différente si elle avait été connue, il aurait pu présenter une demande en vertu de l'article 429.56. Or, il ne l'a pas fait. La contestation du travailleur doit donc être rejetée parce qu'elle est abusive: Veilleux et Industries Blais inc., 2011 QCCLP 6624, révision pendante.

ne constitue pas un appel abusif et dilatoire

L'appel interjeté par l'employeur n'est pas abusif ni dilatoire. Tant à l'époque du dépôt de la déclaration d'appel que pendant les années où le dossier est demeuré en attente d'être porté au rôle, la succession n'a pas jugé pertinent de présenter une requête. Elle ne l'a fait qu'à la suite d'une conférence préparatoire, en raison des propos alors tenus par l'employeur pour clarifier l'administration de sa preuve à l'enquête. Le motif soumis par la succession pour demander le rejet de l'appel n'est pas issu de la déclaration d'appel, mais des clarifications alors données par l'employeur. À lui seul, ce cheminement démontre que le caractère futile et dilatoire de la déclaration d'appel ne saute pas aux yeux. D'autre part, l'employeur a un droit apparent à faire valoir puisqu'il cherche à faire trancher la question de savoir si le travailleur est décédé des suites de sa maladie professionnelle et si des indemnités de décès peuvent être versées. Or, cette question est susceptible d'un débat raisonnable: J.M. Asbestos inc. et Ronald Gagnon (Succession), [1996] C.A.L.P. 1040.

En plus des critères déjà élaborés, on doit, pour déterminer si un recours est abusif, constater qu'il est fait sans droit et qu'il ne vise qu'à retarder le processus administratif ou judiciaire. En l'instance, il ne s'agit pas d'un recours fait sans droit apparent puisque le travailleur dispose du droit le plus strict de contester une décision de la CSST entérinant l'avis du membre du BEM qui ne retient pas l'opinion de son médecin. De plus, on doit évaluer la preuve médicale pour disposer de la question, ce qui nécessite l'étude du dossier sur le fond. À la face même du dossier, il n’est pas permis de conclure que ce recours n’a aucune chance de succès ou n’est pas susceptible d’un débat raisonnable. Quant au critère futile et dilatoire, la CLP estime qu’il ne saute pas aux yeux et qu’aucune preuve prépondérante ne lui permet d’en conclure ainsi. Le fait que le travailleur ne se soit pas présenté à deux examens médicaux ne peut servir de fondement à la requête de l'employeur puisque rien n'obligeait le travailleur à subir ces examens. Enfin, la CLP ne connaît pas les raisons de l'absence du travailleur à l'audience et ne peut donc en tirer quelque conclusion que ce soit: Lachapelle et Industries d'acier Spectra, [1999] C.L.P. 487.

L’employeur soutient que le présent recours est abusif, car le rôle de la CLP n’est pas d’offrir une seconde chance à une personne qui fait défaut d’adopter les mesures appropriées pour obtenir gain de cause devant la CSST. La CLP, en procédant de novo, peut recevoir toute nouvelle preuve qu’elle juge pertinente. Ainsi, ce n’est pas parce que la travailleuse a choisi de ne pas assister à l’audience devant la CSST quant à sa plainte déposée en vertu de l’article 32 qu’elle ne peut se faire entendre devant la CLP ou qu’elle peut être empêchée de produire de nouveaux éléments de preuve. D’ailleurs, aucune disposition législative ne forçait la travailleuse à se présenter devant la CSST pour étayer les allégations qui figurent dans sa plainte. Enfin, le simple fait pour la travailleuse de renoncer à assister à l’audience devant la CSST, en l’absence de son représentant retenu dans une autre cause devant la CLP, ne peut conduire à reconnaître que le recours qu’elle dépose contre la décision qui s’ensuit est abusif ou dilatoire: Larocque et Centre hospitalier et d’hébergement Memphrémagog, 109892-05-9902, 99-07-09, F. Ranger, (99LP-112), révision rejetée, 00-05-29, P. Brazeau.

La requête s'apparente à une plaidoirie quant au fond. Or, l'appréciation des faits demeure de la compétence de la CLP et l'analyse objective du dossier se déroulera après que la preuve des parties sera déclarée close de part et d'autre, après l'argumentation des procureurs. L'employeur devait démontrer que la contestation n'était pas susceptible d'un débat raisonnable. Or, une telle preuve n'a pas été apportée. Requête rejetée: Leclerc et Ville de St-Constant, 104889-62C-9808, 99-09-15, M. Denis.

Dans la mesure où la situation de faits n'est pas absolument identique à celle prévalant en 1994 et que des éléments nouveaux n'ont pas été évalués, on ne peut certes pas considérer que la contestation du syndicat constitue un recours abusif, d'autant plus qu'une décision a été rendue par l'inspecteur. S'il avait le pouvoir de rendre une nouvelle décision, le syndicat a le droit, en vertu de l'article 359, de la contester. Quant à l'absence de fondement de cette contestation, ce n'est qu'après avoir entendu le fond du litige que le tribunal pourra en décider: Syndicat de la fonction publique du Québec et Ministère du Revenu du Québec, [2000] C.L.P. 905.

Une contestation pourra être rejetée au motif que le recours est abusif ou dilatoire si l'un des quatre critères suivants est démontré: à sa face même, l'appel n'a aucune chance de succès; son caractère futile et dilatoire saute aux yeux; il n'est pas susceptible d'un débat raisonnable; il est fait sans droit apparent et ne vise qu'à retarder le processus administratif ou judiciaire. Par ailleurs, la CLP doit privilégier une position qui favorise l'exercice de sa compétence prévue à l'article 377 plutôt que le contraire. Or, en l'espèce, compte tenu de la jurisprudence, le travailleur pouvait espérer que la CLP déclare que l'employeur aurait dû lui verser l'indemnité prévue à l'article 60 à l'époque pertinente. Il pouvait également espérer que la CLP ordonne à l'employeur de lui verser l'indemnité en question tout en sachant que la CSST la lui réclamerait éventuellement compte tenu du refus de sa réclamation. Il est légitime que le travailleur puisse présenter ses arguments et qu'il essaie de convaincre la CLP du bien-fondé de sa position et cela est suffisant pour conclure que le recours n'est pas abusif ou dilatoire: Clermont et Fromagerie de Corneville (Agropur), 209391-62B-0305, 04-03-19, Alain Vaillancourt.

L’employeur n’a pas démontré qu’à leur face même les contestations de la travailleuse n’ont aucune chance de succès au mérite, que leur caractère futile et dilatoire saute aux yeux, qu’elles ne sont pas susceptibles d’un débat raisonnable et qu’elles sont faites sans droit apparent et ne visent qu’à retarder le processus administratif ou judiciaire. La jurisprudence de la CALP, de la CLP et du défunt bureau de révision paritaire de la CSST voulant que le travail de croupier n'implique pas de mouvements répétitifs ne démontre pas que les recours de la travailleuse sont abusifs et dilatoires. Comme la CLP n’est pas soumise à la règle du stare decisis, elle analysera la preuve qui lui sera soumise pour déterminer si la travailleuse a subi des lésions professionnelles dans le cadre de son travail de croupière: Peris et Casino du Lac-Leamy, [2007] C.L.P. 1621.

Même si plusieurs événements invoqués par la travailleuse font référence à des problématiques normales dans le cadre des relations de travail, cela ne peut faire en sorte que sa réclamation n'a pas de chance de succès. Les événements qu'elle a invoqués méritaient une analyse et une réflexion en fonction des critères élaborés par la jurisprudence. On ne peut donc affirmer que la requête de la travailleuse n'a aucune chance de succès, qu'elle est faite sans droit apparent ou qu'elle est futile ou dilatoire. Quant au fait qu'elle veut faire entendre de nombreux témoins, qu'elle a produit une volumineuse documentation ainsi que des plaidoiries détaillées, cela démontre que la requête de la travailleuse a fait l'objet d'un débat raisonnable entre les parties. Rien ne permet de conclure qu'elle ne visait qu'à retarder le processus judiciaire: L... N... et Centre de santé et de services sociaux A, 257598-02-0503, 09-07-17, J. Grégoire.

Le moyen préliminaire de la travailleuse visant le rejet du recours de l'employeur, parce qu'abusif et dilatoire, est rejeté. Contrairement à la prétention de la travailleuse, les opinions des médecins experts ne sont pas au même effet notamment en regard de la relation entre l'événement survenu au travail et sa lésion psychologique. La preuve pour déterminer si elle a subi une lésion professionnelle nécessite une analyse au fond du dossier: Ministère des Anciens combattants et Hurtubise, 378146-62C-0905, 10-07-06, I. Therrien.