LoiLATMP
TitreIX FINANCEMENT: ART. 281 À 331
Section6. Imputation des coûts: art. 326 à 331
6.3 Imputation entraînant une injustice en raison d'un accident attribuable à un tiers: art. 326, al. 2
6.3.3 Notion de tiers
Titre du document6.3.3 Notion de tiers
Mise à jour2011-11-01


Généralités

L'expression attribuable «à un tiers» exclut toute situation où on voudrait attribuer une «faute» à la CSST: Transport Cabano Expéditex et Lessard, [1991] C.A.L.P. 459 (décision accueillant la requête en révision).

En se dirigeant vers son véhicule, la travailleuse est surprise par l'arrivée inopinée d'un inconnu derrière elle et se verse le pied en se retournant. L'accident de la travailleuse est attribuable à un tiers même si celui-ci ne peut être identifié: Centre d'hébergement Champlain-Limoilou, 289124-31-0605, 07-03-23, J.-L. Rivard, révision rejetée, 07-10-12, A. Suicco.

Un tiers, ce n’est ni l’employeur ni le travailleur, c’est quelqu'un qui est étranger aux relations existantes entre le travailleur et l’employeur, c’est quelqu’un qui est étranger aux activités habituelles et normales de l’employeur et du travailleur, c’est quelqu'un sur qui ni l’employeur ni le travailleur n’a de contrôle, c’est quelqu’un pour qui ni l’employeur ni le travailleur ne saurait être responsable: Provigo (Division Montréal détail), 310207-61-0702, 07-12-12, M. Duranceau.

Absence de contrôle entre le tiers et l'employeur ou le travailleur

Il faut qu'une personne soit libre de tout contrôle de la part de l'employeur ou du travailleur pour qu'elle soit considérée comme une tierce personne au sens de la loi: Ville de Lasalle et Pelletier, [1998] C.L.P. 452.

Le travailleur, auteur du hold-up simulé, ne peut être considéré comme un tiers par rapport à l'employeur, compte tenu de l'existence du contrat de travail qui crée un lien juridique entre ces deux parties. Non seulement il y a un lien de droit direct entre cet autre travailleur et l'employeur mais, en outre, cet autre travailleur, comme la travailleuse, était placé sous l'autorité et le contrôle de l'employeur: Alimentation B. Durocher inc., 149885-62C-0011, 01-03-22, J. Landry.

Comme l’accident survenu à la travailleuse n’est pas attribuable à un tiers puisqu’il est attribuable à un patient de l’hôpital ou bénéficiaire du centre hospitalier, l'article 326 ne s’applique pas. Le patient d’un hôpital ou le bénéficiaire d’un centre d’hébergement ou d’un centre hospitalier n’est pas un tiers, quelle que soit sa conduite, parce qu’il est sous le contrôle et la garde du centre et de ses employés, et ce, même si l’agression revêt un caractère particulièrement grave. Le statut de tiers ne dépend pas de la nature des activités exercées par l’employeur, il dépend plutôt de la relation juridique qui existe ou n’existe pas entre l'employeur et la personne à qui l’accident est attribuable: C. H. Champlain Marie-Victorin, 305215-71-0612, 07-06-12, Y. Lemire, (07LP-53).

Personne autre que le travailleur lésé, son employeur et les autres travailleurs

Un «tiers», au sens de l’article 326, est toute personne autre que le travailleur lésé, son employeur et les autres travailleurs exécutant un travail pour ce dernier. Ainsi, par exemple, un élève, un client ou un bénéficiaire est un tiers. Par conséquent, il n’est ni utile ni souhaitable de conserver dans le libellé de la définition de tiers une référence à un contrat régi par un autre domaine du droit, du genre «toute personne, physique ou morale, qui n’est pas le travailleur accidenté ou l'employeur de ce travailleur accidenté ou qui est étrangère aux rapports juridiques, à savoir le contrat de travail, liant ces derniers». Il suffit de mentionner les personnes que le législateur a incluses dans le rapport juridique particulier qu’il a créé aux seules fins de la loi. Donc, un collègue de travail n’est pas un tiers mais un élève est un tiers par rapport à un professeur tout comme un patient ou un bénéficiaire est un tiers par rapport à une infirmière ou à un préposé aux bénéficiaires de centre hospitalier ou d’accueil: Ministère des Transports et CSST, [2007] C.L.P. 1804 (formation de trois commissaires); Laval Construction inc. et Ville de Québec, 370364-31-0902, 09-09-30, G. Tardif, (09LP-105); Érecteur International ltée et Igloo cellulose inc., 384060-61-0907, 10-03-09, J.-F. Clément, (09LP-237); Sintra inc. et Hydro-Québec, 361043-62C-0810, 10-03-25, C. Burdett, (09LP-262).

Tiers est étranger aux activités économiques de l'employeur

Un bénéficiaire d'un établissement hospitalier psychiatrique, d'un centre hospitalier de courte durée ou d'un centre d'hébergement et de soins de longue durée n'est pas un tiers: Paré et Centre hospitalier Monseigneur Ross, 16606-01-9001, 92-07-03, J.-G. Roy, (J4-13-12); Institut Philippe Pinel de Montréal et CSST, [1997] C.A.L.P. 171.

L'employeur doit être imputé en totalité des coûts de l'accident du travail du travailleur puisque l'entreprise où il s'est infligé sa lésion n'est pas étrangère aux activités économiques qui justifient l'existence de l'employeur. Il ne s'agit pas d'un tiers au sens de l'article 326: Sécurité Kolossal inc. et Marcel Benoît 1985 inc., 93677-72-9801, 99-06-01, R. Langlois, (99LP-79).

En l'espèce, l'étudiant doit être considéré comme un tiers. En effet, l'agression de son enseignante lors d'une surveillance de retenue à l'école n'est pas liée aux activités économiques de l'employeur et aux risques inhérents à son entreprise. Son geste sort de la relation normale qu'un étudiant doit entretenir avec son enseignante et il n'est pas relié à l'activité professionnelle de celle-ci. Il y a donc lieu de conclure que les coûts doivent être imputés à l'ensemble des employeurs: Commission des écoles catholiques de Montréal et CSST, [1997] C.A.L.P. 1270.

La lésion professionnelle a été causée par l'élève qui a frappé la travailleuse, une surveillante de dîner dans une école. Cet élève est un tiers. En effet, il n'y a aucun rapport juridique, aucun lien de droit avec l'employeur. Le fait qu'une surveillante ait un certain contrôle sur les élèves ou que les élèves ne soient pas étrangers à l'activité de l'école ne changent rien à la non-existence d'un rapport juridique: Commission scolaire Seigneurie des Mille-Îles, 177083-64-0201, 02-12-18, G. Perreault.

L'étudiant d'un établissement d'enseignement doit être considéré comme un tiers. L'employeur offre des services d'enseignement à des étudiants de divers cycles, dont certains éprouvent des difficultés d'adaptation ou d'apprentissage, et dans ce cadre, les enseignants qui sont à son emploi doivent faire face à des étudiants qui, en différentes situations et selon un degré qui varie, ont un comportement empreint d'agressivité. Cela dit, tout accident du travail subi par un enseignant et ayant à son origine une quelconque manifestation d'agressivité de la part d'un étudiant ne saurait être considéré comme étant un risque particulier qui est nécessairement étranger aux activités de l'employeur. Toutefois, lorsqu'une manifestation d'agressivité est à ce point inhabituelle qu'elle déborde du cadre relationnel «enseignant-étudiant» auquel on peut normalement s'attendre, l'accident du travail qui s'ensuit ne peut alors relever d'un risque particulier se rattachant à la nature des activités exercées par l'employeur. Or, l'agression dont la travailleuse a été victime ne peut être associée à un risque professionnel qui est inhérent aux activités de l'employeur. Le fait d'adresser à un enseignant des propos grossiers et injurieux tout en lui projetant avec force des articles scolaires, en proférant à son endroit des menaces de mort et en brandissant un poing fermé, constitue des manifestations d'agressivité dont l'ampleur et l'intensité sont telles qu'elles ne peuvent s'inscrire dans le cadre de la relation dite «normale» qu'un étudiant doit entretenir avec un enseignant. Transfert accordé: Commission scolaire de la Pointe-De-L'Île, [2001] C.L.P. 175.

Un malade ou un bénéficiaire dans une institution n'est pas un tiers puisqu'il fait partie des activités de l'institution où il est traité, qu'il y a un lien juridique entre lui et l'institution et qu'il ne peut être poursuivi par l'institution. S'il était un tiers, l'institution devrait théoriquement avoir un droit de poursuite contre lui. Ainsi, le bénéficiaire ayant agressé la travailleuse est une personne qui fait directement partie des activités du centre hospitalier: Cité de la santé de Laval, 208410-61-0305, 03-09-03, M. Duranceau, (03LP-119).

Tiers est étranger aux rapports juridiques entre les parties

Un tiers est généralement une personne étrangère à un rapport juridique existant entre deux personnes. Le travailleur, qui est lié par un contrat de louage de services personnels à l'employeur, n'est pas un tiers par rapport à l'employeur: Thiro ltée et Succession Clermont Girard, [1994] C.A.L.P. 204; Centre Jeunesse de Montréal, [1998] C.L.P. 22; Sécurité Kolossal inc. et Marcel Benoît 1985 inc., 93677-72-9801, 99-06-01, R. Langlois, (99LP-79); Commission scolaire de la Pointe-De-L'Île, [2001] C.L.P. 175; Cie Systèmes Allied (Haulaway), 144583-64-0008, 01-02-15, C. Racine, révision rejetée, 02-06-18, C.-A. Ducharme.

Un collègue de travail qui agresse un autre travailleur n'est pas un tiers au sens de l'article 326: Hôpital Sacré-Coeur de Montréal et CSST, 83386-64-9610, 97-07-22, F. Poupart.

Un bénéficiaire d'un établissement hospitalier psychiatrique, d'un centre hospitalier de courte durée ou d'un centre d'hébergement et de soins de longue durée est un tiers: Centre hospitalier/Centre d'accueil Gouin-Rosemont, 103385-62-9807, 99-06-22, Y. Tardif, (99LP-78); Hôpital St-Jude de Laval, [2000] C.L.P. 739; Hôpital Grace Dart, 122683-71-9909, 00-03-15, C. Racine; Hôpital Louis-Hippolyte-Lafontaine et Micucci, 126432-62-9910, 01-01-30, L. Vallières, (00LP-162).

Un «tiers» est toute personne, physique ou morale qui n'est pas le travailleur accidenté ou l'employeur de ce travailleur accidenté ou qui est étrangère aux rapports juridiques, à savoir le contrat de travail liant ces derniers. En l'instance, le patient agressif était effectivement un tiers en regard de l'employeur et du travailleur accidenté: Hôpital Sacré-Coeur de Montréal-QVT, 146365-72-0009, 01-01-12, C. Racine.

Le travailleur qui commet du harcèlement ou des manoeuvres d'intimidation envers une autre travailleuse, en agissant sous la gouverne ou selon les ordres de son syndicat, est un tiers au sens de l'article 326 car il peut être considéré comme un mandataire de son syndicat. Les agissements dont il est responsable sortent du cadre habituel du travail et, ce faisant, de la relation contractuelle existant entre l'employeur et la travailleuse: Ville de Montréal et Martineau, [2002] C.L.P. 890.

Un collègue de travail ne peut être considéré comme un tiers au sens du deuxième alinéa de l'article 326 puisqu'il n'est pas étranger aux rapports juridiques existant entre la travailleuse et l'employeur. À titre de travailleur, il fait partie intégrante de ces rapports juridiques et il ne peut en être dissocié: Ville de Montréal, 154493-71-0101, 02-02-26, C. Racine.

Les clients d'un centre de désintoxication sont des personnes physiques qui sont des tiers dans la mesure où ils sont étrangers aux rapports juridiques existant entre la psychologue et son employeur: Centre Dollard-Cormier, 178782-62B-0202, 02-11-13, Alain Vaillancourt.

Les deux médecins à l'origine de la lésion professionnelle de nature psychologique de la travailleuse ne peuvent être considérés comme des «tiers» au sens de l'article 326. Le seul fait de ne pas être rémunérés par l'employeur et de ne pas avoir de contrat de louage de services ne fait pas en sorte qu'ils sont «étrangers» au contrat de travail existant entre la travailleuse et l'employeur puisque c'est justement en fonction et en raison de l'existence d'une relation contractuelle existant entre l'employeur et la travailleuse que les médecins peuvent exercer leur travail: Cité de la santé de Laval et CSST, [2003] C.L.P. 1283, révision rejetée, 198988-71-0302, 05-06-07, G. Robichaud.

Un malade ou un bénéficiaire dans une institution n'est pas un tiers puisqu'il fait partie des activités de l'institution où il est traité, qu'il y a un lien juridique entre lui et l'institution et qu'il ne peut être poursuivi par l'institution. S'il était un tiers, l'institution devrait théoriquement avoir un droit de poursuite contre lui. Ainsi, le bénéficiaire ayant agressé la travailleuse est une personne qui fait directement partie des activités du centre hospitalier: Cité de la santé de Laval, 208410-61-0305, 03-09-03, M. Duranceau, (03LP-119).

Comme l’accident survenu à la travailleuse n’est pas attribuable à un tiers puisqu’il est attribuable à un patient de l’hôpital ou bénéficiaire du centre hospitalier, l'article 326 ne s’applique pas. Le patient d’un hôpital ou le bénéficiaire d’un centre d’hébergement ou d’un centre hospitalier n’est pas un tiers, quelle que soit sa conduite, parce qu’il est sous le contrôle et la garde du centre et de ses employés, et ce, même si l’agression revêt un caractère particulièrement grave. Le statut de tiers ne dépend pas de la nature des activités exercées par l’employeur, il dépend plutôt de la relation juridique qui existe ou n’existe pas entre l'employeur et la personne à qui l’accident est attribuable: C. H. Champlain Marie-Victorin, 305215-71-0612, 07-06-12, Y. Lemire, (07LP-53).

Tiers est une personne étrangère

La notion de tiers n’est pas définie à la loi et la modification apportée à l’article 298 ne porte que sur la méthode de classification des employeurs et l'établissement de leur cotisation. L’incidence de cette modification législative sur la notion de tiers visée à l’article 326 n’est donc qu’indirecte et relève de l'interprétation de la loi considérée dans son ensemble. Le tiers est forcément une personne étrangère. Le conflit jurisprudentiel est relatif au point de référence utilisé: pour certains, il s’agit d’une personne étrangère aux activités de l’employeur alors que, pour d’autres, il s’agit plutôt d’une personne étrangère au rapport juridique qui existe entre le travailleur et l’employeur. Le fait de recourir à la notion d’«activités économiques» plutôt qu’à la notion de «l’ensemble des activités de l’employeur» ne constitue pas une erreur déterminante, dans la mesure où on retient comme point de référence l’activité de l’employeur plutôt que le rapport juridique entre le travailleur et l’employeur: Main d'oeuvre Lambert inc., 220216-04B-0311, 06-11-17, G. Tardif (décision sur requête en révision).

Responsabilité de la personne impliquée

Le tiers auquel réfère l'article 326 doit obligatoirement être une personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée d'une quelconque manière. Un accident du travail causé par un animal sauvage, qui n'a aucun propriétaire légal, n'est pas un accident attribuable à un tiers: Enairtech enr. et Leclerc, 30622-03-9107, 94-02-24, M. Beaudoin, (J6-07-13).

Le terme «tiers» fait référence à une personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée d'une manière quelconque. On ne peut pas s'en remettre au seul fait que la chaussée était glissante sans qu'aucune faute ou omission d'agir n'ait été prouvée: Northern Telecom Canada ltée et CSST, [1996] C.A.L.P. 1239.

Lorsque le législateur parle de troisième partie ou tierce partie, cela exclut une personne morte ou un cadavre puisqu'on doit lui attribuer ou non un accident du travail impliquant par le fait même une certaine notion de responsabilité: S.E.C.A.L. et CSST, 121601-02-9908, 00-04-03, A. Gauthier.

En insérant l'article 326 dans la loi, le législateur a permis d'invoquer la faute d'un tiers pour éviter l'imputation des coûts d'une réclamation, et donc de permettre à un employeur de rechercher les mêmes effets et conclusions que ce qui était prévu dans les recours en garantie contre une tierce personne intentés dans le cadre des recours judiciaires en responsabilité civile. La faute d'un tiers dans la loi doit vouloir signifier que c'est la faute de quelqu'un contre qui il y aurait un recours en garantie: Cité de la santé de Laval, 208410-61-0305, 03-09-03, M. Duranceau, (03LP-119).