LoiLATMP
TitreVII DROIT AU RETOUR AU TRAVAIL ET PROTECTION DES DROITS DU TRAVAILLEUR: ART. 234 À 251, 32, 252 À 264 LATMP ET 227 ET 228 LSST
Section1. Droit au retour au travail: 234 à 251 LATMP
1.1 Application: 234 LATMP
Titre du document1.1.4 Priorité d'emploi: art. 236 LATMP
Mise à jour2011-11-01


Selon l'article 236, le travailleur a le droit de réintégrer prioritairement son emploi. Ainsi, le travailleur que l'on déplace de Longueuil à Dorval à son retour au travail ne réintègre pas prioritairement son emploi dans l'établissement où il travaillait au sens de l'article 236. Cette sanction a cependant été exercée pour une cause juste et suffisante, puisqu'elle a été motivée par le mauvais rendement du travailleur à Longueuil, là où il n'y avait aucun contremaître pour le surveiller: Service entretien Victoria et Gilbert, [1987] C.A.L.P. 484.

Le droit au retour au travail accorde la réintégration prioritaire au même poste nonobstant la convention collective. Le fait de réintégrer la travailleuse sur la liste de rappel plutôt que dans son emploi contrevient à la loi: Dumoulin et Hôpital de l'Annonciation, [1989] C.A.L.P. 387, requête en évocation rejetée, [1990] C.A.L.P. 566 (C.S.).

Il n'appartient pas à l'employeur de décider s'il doit réintégrer le travailleur à son emploi ou à un emploi équivalent lorsque ce dernier redevient capable d'exercer son emploi. En l'espèce, l'emploi occupé par le travailleur au moment de la survenance de sa lésion professionnelle existait encore lorsqu'il est redevenu capable de l'exercer et il possédait les qualifications professionnelles pour l'exercer. Ainsi, l'employeur avait l'obligation de réintégrer le travailleur prioritairement dans son emploi, même si cet emploi avait été comblé pendant l'absence du travailleur. L'employeur n'a pas démontré qu'il avait déplacé le travailleur pour une autre cause juste et suffisante: Pinkerton du Québec ltée et Cossette, 04209-60-8708, 89-03-03, J.-M. Dubois.

Le 27 septembre 1985, la travailleuse subit une lésion professionnelle. Le 26 août 1987, elle présente à l'employeur un rapport médical indiquant qu'elle peut reprendre un travail léger dès le 8 septembre 1987. Le 8 septembre, elle se présente au travail et l'employeur lui fait subir un examen médical par un médecin à son emploi. Le 28 septembre, la CSST déclare que la travailleuse était apte à exercer son droit de retour au travail le 23 septembre 1987. Le même jour, la travailleuse est congédiée en raison de son incapacité physique à exercer son métier. Elle dépose une plainte en vertu de l'article 32. La travailleuse s'est prévalue de son droit au retour au travail dans le délai prévu à l'article 240. De plus, la cause de congédiement invoquée par l'employeur, soit l'incapacité de la travailleuse d'exercer son travail, est illégale. En effet, cette incapacité est directement reliée à la lésion professionnelle de la travailleuse. Le congédiement est annulé, les parties sont remises dans la situation où elles étaient lors de l'exercice du droit au retour au travail et tous les droits et recours qu'elles avaient à ce moment sont réservés. La CSST qui pourrait être appelée à intervenir décidera si la travailleuse doit être réintégrée dans son emploi ou dans un emploi équivalent, ou s'il y a lieu de lui assigner un emploi convenable: Bourdages et Canadair ltée, [1990] C.A.L.P. 283.

L'employeur est une agence de location de personnel. Au moment de sa lésion professionnelle, le travailleur avait été placé chez Coca-Cola, à un taux horaire élevé. Le travailleur prétend avoir fait l'objet d'une sanction parce qu'il n'a pas été réintégré dans un emploi chez Coca-Cola, lors de son retour au travail. Or, l'article 236 fait référence à la notion d'établissement que l'on retrouve à la LSST. En l'espèce, l'établissement est l'agence de placement de personnel et non l'endroit où il travaillait lorsqu'il s'est blessé. L'employeur n'avait pas l'obligation de le placer dans une entreprise plutôt que dans une autre. Son obligation se limite à lui offrir du travail de journalier aux mêmes conditions de travail qu'il avait avant la survenance de sa lésion professionnelle. En l'espèce, il a été établi que l'employeur a offert au travailleur un emploi dans une autre entreprise, mais que ce dernier n'y a travaillé qu'une seule journée. Le travailleur n'a donc pas été victime d'une sanction de la part de son employeur: Brassard et Gestion Yvon Marcotte ltée, 111807-71-9903, 99-07-07, N. Lacroix.

En raison du libellé de l'article 236, le droit au retour au travail n'existe que chez l'employeur où est survenue la lésion. Ainsi, dans le cas d'une travailleuse qui occupait plus d'un emploi lorsque la lésion est survenue, le droit au retour au travail n'existe qu'à l'égard de l'employeur où est survenue la lésion: Émond et Hôtel l'Estérel, 187653-64-0207, 03-06-06, C.-A. Ducharme.

Accepter la proposition de l’employeur selon laquelle le travailleur doit pouvoir effectuer toutes et chacune des tâches irait à l’encontre de la preuve prépondérante au dossier et entraînerait la conséquence que l'employeur pourrait refuser la réintégration d’un travailleur parce qu’il ne peut pas effectuer une tâche sans que cette tâche ait jamais été effectuée par un travailleur ou sans que la preuve démontre qu’il sera appelé, de façon probable, à l’exécuter dans le futur. Cela reviendrait également à mettre en péril l'obligation contenue à l’article 236 prévoyant que l’employeur doit reprendre à son service un travailleur qui devient capable d’exercer son emploi, et ce, sur la seule base de l’existence d’une tâche théorique contrevenant aux limitations fonctionnelles. Ainsi, l’évaluation de la capacité à exercer l’emploi d’aide sylvicole doit être faite en examinant les tâches réelles de cet emploi tel que le travailleur l’occupait au moment de sa lésion professionnelle et non de l’emploi en général: Ministère des Ressources naturelles, de la Faune et des Parcs et Gagnon, 210674-01A-0306, 05-04-13, J.-F. Clément, (05LP-11).

Même si l’employeur est tenu en vertu de la Loi sur les normes du travail de fournir un milieu de travail exempt de harcèlement, il n’appartient ni à la CSST ni à la CLP de décider des mesures de réparation pouvant être ordonnées en vertu de cette loi, n’ayant compétence que pour décider des questions relatives à l’application de la LATMP. Or, le droit au retour au travail n’est pas un droit qui peut être revendiqué sans égard au contexte. Ce droit est pertinent et pris en considération dans la mesure où le travailleur est capable de retourner au travail chez son employeur, dans son emploi ou un emploi convenable. Comme le travailleur n’est pas en mesure de reprendre son emploi puisque, selon sa limitation fonctionnelle, il ne peut plus travailler dans ce milieu de travail où les harceleurs sont toujours présents et qu'un emploi convenable n’est pas disponible chez l’employeur pour la même raison, il n’a pas droit au retour au travail prévu à l’article 236 et est capable d’exercer l’emploi convenable de mécanicien, ailleurs que dans l’établissement de l’employeur: Blouin et A.F.G. Industries ltée, [2007] C.L.P. 114.

Le libellé de l'article 236, notamment l'expression «dans l'établissement où il travaillait lorsque s'est manifestée sa lésion», ne réfère qu'à l'emploi occupé par le travailleur chez qui la lésion professionnelle est survenue. Si le législateur avait voulu créer des droits et obligations à l'égard d'un tiers employeur chez qui n'est pas survenue une lésion professionnelle, il aurait dû l'exprimer expressément. En conclusion, l'employeur requérant n'a pas l'obligation de tenir compte de la période d'absence attribuable à la lésion professionnelle survenue chez l'autre employeur aux fins du calcul de la paie de vacances du travailleur: Exceldor Coopérative Avicole et Ringuette, [2008] C.L.P. 163.

Le fait qu'un travailleur occupe «son emploi» ou un «emploi convenable» est déterminant dans le chapitre du droit du retour au travail prévu à la loi. Les articles 236 et 239 prévoient des droits différents dans l'un et l'autre cas. En considérant qu'il s'agissait de «son emploi», le premier juge en est venu à la conclusion que le travailleur avait droit de réintégrer prioritairement son emploi jusqu'au 27 juin 2009, alors qu'en considérant que le travailleur avait un emploi convenable, le droit de retour au travail était expiré au moment où l'employeur a mis fin au lien d'emploi du travailleur, le 4 septembre 2008: Raymond et Commission scolaire New Frontiers, 368755-62C-0901, 09-11-23, P. Perron, (09LP-186) (décision accueillant la requête en révision).

L’article 236 prévoit que le travailleur qui redevient capable d’exercer «son emploi» a droit de «réintégrer prioritairement» celui-ci. Cet article n’impose pas au travailleur que «son emploi» soit disponible ni qu’il doive se soumettre à quelque règle que ce soit relative à l'ancienneté pour être en mesure de le réintégrer. En effet, premièrement, il détient un droit «prioritaire» de réintégration et, deuxièmement, les règles relatives à l’ancienneté ou au service continu ne peuvent poser problème puisque l’article 235 prévoit que le travailleur qui s’absente de son travail en raison de sa lésion professionnelle continue notamment d'accumuler de l'ancienneté au sens de la convention collective applicable ou du service continu, selon cette même convention, ou encore, en vertu de la Loi sur les normes du travail. Le législateur reconnaît un droit de «préférence» au travailleur sur ses collègues de travail lorsque vient le temps de réintégrer «son emploi» ou un «emploi équivalent» à la suite d’une lésion professionnelle. À compter du moment où un travailleur redevient capable d’exercer son emploi à l’intérieur du délai légal prévu pour ce faire par l’article 240, qu’il en informe son employeur et que son emploi existe toujours à ce moment, l’employeur n’a d'autre choix que de réintégrer prioritairement le travailleur dans son emploi, et ce, indépendamment de la disponibilité de cet emploi: Cuisine Laurier et Pelchat, [2010] C.L.P. 610, révision rejetée, 2011 QCCLP 7481.