LoiLATMP
TitreXI COMPÉTENCE DE LA CSST: ART. 349, 351, 352, 354, 358 à 358.5, 362, 365 LATMP
Section3. La reconsidération de sa décision par la CSST: art. 365
3.1 Les conditions d'ouverture à la reconsidération
Titre du document3.1.3 Le fait essentiel: art. 365, al. 2
Mise à jour2011-11-01


Généralités

Le fait essentiel doit exister au moment de la décision

Pour être considéré comme un fait essentiel au sens de l'article 365, un fait doit avoir été existant au moment où fut rendue la décision que l'on veut voir reconsidérée: Turenne et Sako Electrique (1986) ltée, 52603-60-9307, 94-08-26, L. Boucher; Marenger et Développement Minier Canada, 41337-08-9205, 95-03-31, T. Giroux, (J7-04-15); Hôtel-Dieu d'Arthabaska et Champagne, 117652-04B-9906, 00-03-20, P. Simard.

Pour donner lieu à une reconsidération basée sur la découverte d'un fait essentiel non connu, il faut que ce fait essentiel ait existé au moment où la décision a été rendue et il ne peut s'agir d'un fait postérieur. Même si la décision du TAQ a un effet rétroactif, elle ne peut justifier la CSST de reconsidérer la décision prise antérieurement. La décision rendue par le TAQ près de cinq ans après la décision de la CSST ne peut constituer un fait essentiel qui lui aurait permis de reconsidérer sa décision: Dafonte Couto et CGM Béton & Époxy inc., 196935-71-0212, 04-01-16, L. Couture, (03LP-269).

Le fait essentiel doit exister au moment de la décision en raison du caractère exceptionnel de l'article 365. Le principe de l'irrévocabilité d'une décision vise à assurer la stabilité du fonctionnement de l'appareil quasi judiciaire. Ainsi, la décision rendue par la CSST doit nécessairement être viciée par le fait qu'elle n'a pas pris en considération un élément important qui ne lui a pas été soumis en temps opportun. Il ne peut s'agir d'un fait qui survient postérieurement. Conclure autrement est contraire au principe du caractère définitif des décisions: Dionne et Ville de Montréal, [2009] C.L.P. 509.

Le fait essentiel doit être inconnu au moment de la décision et peut ne pas exister à cette date

Le tribunal retient que tout ce que le deuxième alinéa de l'article 365 exige, c'est que le fait essentiel ait été inconnu lors de la décision initiale. Requérir de plus qu'il ait existé lors de cette décision serait exiger une condition non prévue à l'article 365 et ajouter au texte de loi édicté par le législateur: La clef du Découpage inc. et Laflamme, 174768-31-0112, 02-04-26, J.-F. Clément; Les aliments Vermont inc. et Ferland, 157169-04B-0103, 02-07-24, L. Collin; Villeneuve et La Brasserie Labatt ltée, 164770-31-0107, 03-06-02, M. Beaudoin, (03LP-68); Lizotte et F.D.L. cie ltée, [2005] C.L.P. 324.

L'article 365 énumère les critères permettant à la CSST de reconsidérer une décision déjà rendue. En l'espèce, le fait auquel se rattache la décision en reconsidération, soit la mise à pied de la travailleuse, constitue un fait ultérieur à la décision initiale mais déterminant sur cette décision. La CSST a retenu l'emploi de préposée à l'emballage à titre d'emploi convenable puisque la travailleuse exerçait déjà ce travail. Elle n'a donc pas évalué les possibilités raisonnables d'embauche de cet emploi et cette omission doit être comblée, car il s'agit d'une erreur de sa part. Elle doit donc procéder à une reconsidération: Brosseau et Water Pik technologies Canada inc., [2003] C.L.P. 806.

Que la décision soit implicite ou explicite, elle existe et est porteuse de droit. À partir du moment où un fait essentiel non connu de la CSST au moment de la décision est soulevé de façon crédible, la CSST se doit de reconsidérer la base sur laquelle s'appuyait sa décision, et ce, en vertu du deuxième alinéa de l'article 365: Arrondissement Ville-Marie et Therrien, [2008] C.L.P. 77.

Le premier critère qui donne ouverture à la reconsidération selon les termes du deuxième alinéa de l'article 365 est celui de l'existence d'un fait essentiel. Et la seule exigence de l'article 365, eu égard au fait essentiel, est qu'il soit inconnu au moment de la décision dont la reconsidération est demandée: Marcoux et Systèmes de sécurité Paradox ltée, 330437-64-0710, 08-09-04, M. Montplaisir, (08LP-142).

Le fait essentiel allégué par le travailleur est l'évolution de sa condition, qui a fait en sorte qu'il ne subsiste pas de limitations fonctionnelles. Il invoque le rapport de son nouveau médecin, daté de mai 2008, qui en recommande l'abolition. Quant à savoir s'il s'agit d'un fait essentiel donnant ouverture à la reconsidération, il y a lieu d'examiner le rapport médical. Le médecin énonce clairement qu'il retire les limitations fonctionnelles antérieurement reconnues et motive son avis sur cette question. Il ne s'agit pas d'un rapport de complaisance. Par ailleurs, ce fait était inconnu lors de la décision initiale. Il n'est pas nécessaire qu'un fait essentiel ait existé lors de la décision initiale puisque l'article 365 ne prévoit pas cette condition. Il s'agirait d'un ajout au texte de loi libellé par le législateur: Hartl et Via Rail Canada inc., 2011 QCCLP 3528.

Reconsidération accordée

L'absence de connaissance par la CSST de l'existence d'un fait médical antérieur à sa décision révélé dans un rapport médical ou un avis arbitral peut donner ouverture à la reconsidération: Brossard et Industries associées de l'acier ltée, [1990] C.A.L.P. 552; absence de connaissance d'un nouveau diagnostic émis par le médecin qui a charge du travailleur et de rapports radiologiques portés à la connaissance de la CSST après la décision initiale: Pitre et Magil construction ltée, 17522-62-9003, 93-09-30, J.-Y. Desjardins, (J5-22-01).

La nature de la lésion ostéochondrale découverte lors d'une première intervention et révélée dans toute son ampleur lors d'une seconde intervention constitue un fait essentiel, inconnu de la CSST lors de sa décision initiale d'imputer en totalité à l'employeur les frais afférents à la lésion professionnelle de la travailleuse, qui donne ouverture à la reconsidération: Restaurants McDonald du Canada ltée et Gagné, 71052-60-9507, 97-05-01, T. Giroux, (J9-04-10).

Après enquête, la CSST reconsidère sa décision initiale au motif que l'appelant n'est pas un travailleur au sens de la loi. Il y avait ouverture à reconsidération puisque lorsqu'elle a rendu sa décision, la CSST ignorait notamment que l'appelant, le seul employé de l'entreprise exploitée par son épouse, ne recevait pas de rémunération pour les travaux d'électricité qu'il exécutait pour le compte de cette entreprise. Celle-ci a d'ailleurs cessé ses opérations en raison de l'incapacité de l'appelant d'exercer son métier d'électricien à la suite de sa lésion. Par ailleurs, bien qu'elle connaissait le statut de conjoint de l'appelant et de la propriétaire de l'entreprise, la CSST n'avait pas à présumer la mauvaise foi des parties au stade de l'admissibilité de la réclamation, alors qu'une déclaration de salaires apparaissait au dossier financier de l'entreprise: Bélanger et Info-Tech 2000 enr., 77139-64-9602, 97-06-16, L. Boucher.

La CSST peut reconsidérer une décision concernant la capacité d'un travailleur d'exercer son emploi en raison de faits nouveaux, et ce même si les limitations fonctionnelles ne sont pas modifiées. En l'espèce, sur la base d'une vidéocassette montrant le travailleur sur les lieux de son emploi prélésionnel et faisant du sport, la CSST reconsidère sa décision initiale et déclare qu'il est capable d'exercer cet emploi. Elle avait le pouvoir de reconsidérer sa décision, mais il est démontré qu'il n'y avait pas matière à reconsidération, le travailleur n'étant pas capable d'occuper son emploi à la date concernée: Turner et Institut québécois pour l'étude des problèmes de santé inc., [1997] C.A.L.P. 1072.

La CSST pouvait procéder à la reconsidération selon le second alinéa de l'article 365 car le nombre de personnes à charge est un fait essentiel qu’elle devait connaître. En effet, le calcul du revenu net est déterminé en fonction de la situation familiale du travailleur. Or, il appert des éléments au dossier que la CSST ne disposait pas de cette information au moment d’effectuer le calcul de l’IRR. Il est vrai que la réclamation faisait état d’une modification à cette situation par rapport à la lésion professionnelle de 1986, mais il n’y a pas lieu de conclure que la CSST aurait dû faire des recherches plus approfondies sur la question étant donné que d’autres documents lui indiquaient que la situation demeurait inchangée: Lafleur et Transport Shulman ltée, [1998] C.L.P. 837, révision rejetée, 93131-72-9711, 99-06-23, D. Lévesque.

La décision de la CALP statuant sur la lésion initiale constitue un fait juridique essentiel permettant à la CSST de reconsidérer ses décisions relatives aux rechutes, récidives ou aggravations. Ce fait essentiel nouveau était inconnu de la CSST lorsqu'elle a rendu ses décisions: Entr. Michel Corbeil inc. et Lamontagne, 106827-63-9811, 99-05-31, M.-A. Jobidon, (99LP-93), révision rejetée, 99-12-10, P. Brazeau.

La CSST devait reconsidérer sa décision initiale car le travailleur lui a soumis un fait essentiel, soit sa situation familiale réelle. Il a démontré qu’il ne pouvait raisonnablement connaître l’impact sur son «retour d’impôts» d’être déclaré célibataire à la CSST plutôt que marié avec enfants à charge. D’ailleurs, un agent de la CSST l'avait assuré qu’il n’y avait pas de problème pour son retour d’impôts. Le travailleur n’a appris cette situation que lorsqu’un spécialiste a fait son rapport d’impôts et il a tout de suite demandé à la CSST d’apporter les modifications nécessaires. Il y a lieu de reconsidérer la décision initiale et de tenir compte de la situation familiale réelle du travailleur: Jalbert et Marché D. Rochefort, Richelieu, 113362-62C-9903, 99-12-22, V. Bergeron.

La CSST était fondée à reconsidérer ses décisions initiales concernant la détermination d'un emploi convenable et l'incapacité du travailleur à exercer son emploi prélésionnel de concierge. La CSST a été saisie de nouveaux faits essentiels lorsqu'elle a pris connaissance d'un rapport d'enquête menée par ses inspecteurs. La preuve a démontré que le travailleur s'est adonné à des activités de travail rémunérées nécessitant des efforts physiques beaucoup plus importants que ceux qui étaient exigés dans l'accomplissement de ses tâches de concierge: Ouellet et Domaine Acrotère inc., 102226-62B-9805, 00-05-02, J.-M. Dubois.

La date de la survenance d'un accident du travail constitue un fait essentiel. Il est primordial de savoir ce qui s'est passé à une journée bien précise pour déterminer les conséquences d'une lésion subie par le travailleur. Ce fait essentiel peut être considéré comme nouveau pour l'employeur et la CLP, qui l'ont appris le 22 avril 1999, et pour la CSST qui l'a su le 27 mai 1999. Il en est autrement pour le travailleur qui savait qu'il n'avait pas subi d'accident le 5 mars 1996. Il faut donc conclure que le travailleur n'a pas agi dans le délai prévu à l'article 365 pour faire modifier la date de l'accident, le délai de 90 jours étant largement expiré: Léger et Cleyn & Tinker 1989 inc. (Usine 2), 104862-62C-9808, 00-10-03, R. Hudon.

La scintigraphie osseuse ne constitue pas en soi un fait essentiel nouveau permettant à la CSST de reconsidérer sa décision d'admissibilité en regard du diagnostic. Or, la CSST reconsidère à partir non pas du résultat de la scintigraphie mais plutôt du rapport du médecin traitant établissant un nouveau diagnostic. Cette opinion médicale sur le diagnostic lie la CSST et constitue un fait essentiel nouveau dont elle doit tenir compte dans l’appréciation de la relation entre l'événement et la lésion. D’ailleurs, elle a maintenu l’acceptation de la réclamation en regard de ce nouveau diagnostic: Morneau et Bois Forespro inc., 139911-03B-0005, 00-10-13, G. Marquis.

La CSST était fondée à reconsidérer sa décision d’admissibilité après une enquête qui a permis de découvrir que le travailleur n’avait ni personnes à charge ni conjoint et qu’il retirait des prestations d'assurance-emploi lors de l’accident du travail présumé. Ces faits essentiels ne pouvaient être connus de la CSST avant la reconsidération car l’enquête n’a été faite qu’en raison de soupçon concernant le salaire important déclaré par le travailleur dans son formulaire de réclamation: Latreille et 90141672 Québec inc., 90863-62-9708, 00-03-31, É. Ouellet, requête en révision judiciaire rejetée, C.S. Montréal, 500-05-057966-002, 01-03-07, j. Côté.

Le médecin devait soumettre la travailleuse à des tests de provocation afin d'évaluer la réaction allergique ou même irritative qu'elle pouvait présenter lorsque mise en présence de l'élément allergène identifié dans son milieu de travail, soit la farine de blé. Or, ce test a donné des résultats tout à fait surprenants, en l'occurrence que la travailleuse n'avait aucune réaction allergène ou irritative à ce produit. C'est le résultat de ce test qui constitue le fait nouveau sur lequel se fonde la reconsidération de ce dossier: Rossignol et Multi-Marques inc. (Div. Durivage), 145880-31-0009, 02-03-08, P. Simard.

Le travailleur a soumis à la CSST des informations tendant à démontrer ses conditions d'emploi et le fait qu'il était assujetti au Décret de la construction, (1987) 119 G.O. II 271. Sur réception de ces nouvelles informations qui constituent un fait essentiel à la détermination de la base de calcul appropriée et dont elle n'avait pas connaissance lors de sa prise de décision initiale, la CSST aurait dû reconsidérer cette dernière, ainsi que le lui permet expressément le second alinéa de l'article 365: Hogue Couvreur (1980) ltée et Maltais, 160012-64-0104, 02-09-19, J.-F. Martel, (02LP-96).

La CSST pouvait reconsidérer sa décision initiale relative à la détermination d'emploi convenable pour le travailleur. Ainsi, que ce dernier ne se soit pas présenté à la formation prévue est intimement lié au fait qu'il avait une «cause pendante», événement constituant un fait essentiel inconnu au moment de la décision initiale. D'ailleurs, le fait que le travailleur déclare maintenant qu'il serait disposé à entreprendre cette formation, la plainte à son sujet ayant été retirée, indique qu'il avait décidé, à l'époque, de ne pas se présenter à sa formation. La CSST était donc fondée à reconsidérer sa décision en raison d'un fait essentiel alors inconnu. Il s'agit d'une reconsidération qui respecte les conditions édictées à l'article 365 et qui est régulière: Yetman et Les entreprises Cloutier Gagnon (1998) ltée, 201002-71-0302, 04-06-22, D. Gruffy, (04LP-61).

La perte d'avantages, notamment le paiement de l'électricité et la réduction du prix d'un logement, constitue un fait essentiel puisque ceux-ci peuvent être pris en considération en vertu du deuxième alinéa de l'article 67 pour établir un revenu brut plus élevé aux fins du calcul de l'IRR: Lizotte et F.D.L. cie ltée, [2005] C.L.P. 324.

La demande de redressement d'une déclaration de revenus datée du 28 avril 2006 constitue un fait essentiel qui était inconnu de la CSST lorsqu'elle a rendu sa décision initiale, le 13 décembre 2005. Elle pouvait donc reconsidérer cette décision initiale dans les 90 jours de la connaissance de ce fait. La décision rendue le 8 juin 2006 respecte donc les conditions de l'alinéa 2 de l'article 365: Nadeau et Meubles J.P. Giguère inc., 305778-31-0612, 07-11-19, C. Lessard, (07LP-208).

Le dictionnaire Le Petit Robert définit le terme «essentiel» comme étant par essence, absolu, caractéristique, principal, fondamental, primordial, important. Or, le tribunal estime qu'il est de l'essence même de la notion d'accident du travail de connaître les circonstances l'entourant afin de conclure ou non à la reconnaissance d'une lésion professionnelle. Le lieu et le moment de la survenance de l'accident du travail sont des faits essentiels à la détermination d'une lésion professionnelle. Sitôt ces faits connus, une demande de reconsidération est faite par l'employeur et respecte donc le délai de 90 jours. La CSST était donc fondée à reconsidérer sa décision initiale d'admissibilité: Beaudoin et Transelec/Common inc., 313734-04B-0702, 07-10-23, L. Collin, (07LP-203); Marcoux et Systèmes de sécurité Paradox ltée, 330437-64-0710, 08-09-04, M. Montplaisir, (08LP-142).

Le fait essentiel doit être constitué d'éléments suffisamment graves, précis et concordants de nature à influencer le décideur et à modifier à la limite une décision rendue s'ils avaient été connus au moment de la prise de décision. En l'espèce, le fait allégué, soit que la travaillleuse s'était plainte de douleurs au coude gauche depuis six mois, était un fait essentiel. Or, lorsque la CSST a rendu sa décision d'admissibilité, elle n'avait pas cette information: Commission scolaire de l'Or-et-des-Bois et Higgins,316121-08-0704, 08-03-27, P. Prégent.

Le 12 novembre 2008, la CSST pouvait reconsidérer sa décision d'admissibilité rendue en juin 2005 puisque la connaissance d'un jugement en matière criminelle rendu le 3 avril 2008 reconnaissant la culpabilité du travailleur pour une conduite dangereuse de son véhicule constitue un fait essentiel et rien ne permet de retenir que les faits repris dans le jugement auraient pu être connus de la CSST avant la réception du jugement en novembre 2008. Par ailleurs, les faits portés à la connaissance de la CSST pouvaient certainement justifier de retenir que le travailleur avait fait preuve de négligence grossière et volontaire lors de l’accident d'automobile et qu'il n'avait donc pas été victime d'un accident du travail: Ferland et Fenêtres PVCO inc., [2009] C.L.P. 164.

La CSST ne pouvait refuser de reconsidérer les avis de paiement pour tenir compte de la situation familiale du travailleur, tant pour la lésion professionnelle initiale que pour la rechute. Même si la demande de correction du travailleur est faite plusieurs années après l'émission des avis de paiement, la loi est d'ordre public et la CSST devait reconsidérer ses décisions lorsqu'elle a pris connaissance de ce fait essentiel qui lui était inconnu au moment où elle a calculé l'IRR: Jiwan et C & D Aérospatiale inc.,[2009] C.L.P. 474.

Des circonstances exceptionnelles, soit l'évolution particulière de la cicatrice du travailleur et l'erreur commise par le médecin traitant, permettent un accroc à la règle fondamentale selon laquelle un travailleur ne peut contester une opinion médicale émise par son propre médecin et pour laquelle la CSST est liée en vertu de l'article 224. Comme un médecin qui a charge peut corriger une erreur commise dans un premier rapport et que ce nouveau rapport lie la CSST, le tribunal, en vertu des articles 351 et 377, peut écarter le premier rapport du 11 mai 1994 pour plutôt retenir le deuxième, produit le 26 août 2009, afin de corriger l'injustice faite au travailleur. La CSST pouvait aussi utiliser son pouvoir de reconsidération pour corriger une telle erreur découlant d'un fait essentiel porté à son attention en vertu de l'article 365: Théroux et Fer & Métaux Américains S.E.C.,376049-31-0904, 09-09-30, J.-L. Rivard, (09LP-130).

Reconsidération refusée

L'opinion d'un médecin ne peut être assimilée à un fait essentiel pouvant donner ouverture à reconsidération: Ingham et Boulangerie Pom ltée, [1988] C.A.L.P. 890 (décision sur requête en révision) (formation de trois commissaires); Choquette et Béton St-Paul, [1989] C.A.L.P. 698; Lachapelle et Duperron, [1990] C.A.L.P. 204; Girard et Aliments Culinar, [1992] C.A.L.P. 107; Succession Jean-Marc Prévost et Société Asbestos ltée, [1993] C.A.L.P. 1561; General Motors du Canada ltée et Paquin, 67700-64-9503, 97-01-16, L. Thibault, révision rejetée, 97-06-26, J. L'Heureux; Hôpital Louis-Hippolyte-Lafontaine et Micucci, 126432-62-9910, 01-01-30, L. Vallières, (00LP-162).

L'opinion divergente du médecin du travailleur émise subséquemment à la décision rendue par la CSST qui était liée par une opinion préalable émise par un autre médecin en charge du travailleur ne constitue pas un fait essentiel donnant ouverture à la reconsidération: Racine et H. St-Jean enr., [1994] C.A.L.P. 783, révision rejetée, [1994] C.A.L.P. 778, requête en révision judiciaire rejetée, [1994] C.A.L.P. 889 (C.S.).

L'omission du médecin en charge du travailleur d'informer le travailleur des conclusions de son avis ne constitue pas un fait essentiel au sens de l'article 365: Racine et H. St-Jean enr., [1994] C.A.L.P. 783, révision rejetée, [1994] C.A.L.P. 778, requête en révision judiciaire rejetée, [1994] C.A.L.P. 889 (C.S.).

La prise de connaissance du fait que le travailleur recevait des prestations de la Commission des accidents du travail de l'Ontario en même temps qu'il recevait une IRR peut justifier l'exercice du pouvoir prévu à l'article 365. Cependant, la CSST disposait depuis longtemps de renseignements lui permettant clairement de soupçonner que le travailleur touchait des indemnités de la Commission des accidents du travail de l'Ontario ou qu'il avait fait une réclamation dans cette province. Malgré cela, elle n'a fait aucune vérification et a accueilli les demandes d'indemnisation. Dans ces circonstances, on ne peut conclure qu'elle a rendu ses décisions initiales avant de connaître certains faits essentiels: Guigue et CSST, [1995] C.A.L.P. 1370.

En 1993, le travailleur subit une lésion professionnelle et il conserve une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles qui ne lui permettent pas d’utiliser le transport en commun. Il est admis en réadaptation et, à compter de 1994, la CSST lui rembourse les coûts réels engagés pour prendre le taxi afin de se rendre à ses consultations médicales. En 1997, en invoquant son pouvoir discrétionnaire, la CSST décide de ne plus lui rembourser le coût réel pour les déplacements, mais seulement 0,125$ par kilomètre. Elle a illégalement reconsidéré sa décision initiale car rien ne démontre qu’elle a pris connaissance d’un fait essentiel nouveau. La condition du travailleur est connue depuis 1994 et la CSST sait depuis cette époque qu’il ne peut utiliser le transport en commun en raison d’une instabilité lombaire résultant de sa lésion professionnelle, et qu’il doit se déplacer en taxi: McGraw et Restaurant Horace, [1998] C.L.P. 923.

Il n'y a pas ouverture à la reconsidération sur la seule base d'une nouvelle étude scientifique parue 11 mois avant cette reconsidération et deux ans après la décision initiale: S.E.C.A.L. et Succession Fernand Bergeron, 91911-02-9710, 98-03-27, P. Brazeau.

La CSST ne pouvait reconsidérer la décision relative à l’incapacité du travailleur à exercer son emploi. Le fait essentiel sur lequel la CSST s'est basée pour reconsidérer sa décision, soit la levée des limitations fonctionnelles, n'en constitue pas un au sens de l'article 365, car il n'existait pas au moment où la CSST a rendu sa décision initiale: Ville de Longueuil et Cyr, [1999] C.L.P. 81.

Une discordance jurisprudentielle ne peut constituer un fait nouveau permettant à la CSST de reconsidérer sa décision. Ainsi, même si la CALP a rendu une décision différente dans une autre affaire portant sur le même sujet, cela n'en fait pas pour autant un fait essentiel: Construction Talbon et Brassard, 92236-08-9710, 00-02-23, A. Tremblay.

La CSST ne pouvait pas reconsidérer sa décision initiale et statuer à nouveau sur le pourcentage d'atteinte permanente du travailleur. Le second alinéa de l'article 365 prévoit que la CSST peut reconsidérer sa propre décision si elle a été rendue avant que soit connu un fait essentiel. En l'espèce, le seul élément nouveau au dossier est le rapport complémentaire du médecin traitant, où il aurait déclaré être en accord avec le médecin de l'employeur quant au pourcentage d'atteinte permanente. Or, l'opinion d'un médecin ne peut être assimilée à un fait essentiel pouvant donner ouverture à la reconsidération. Cette interprétation jurisprudentielle de l'article 365 se fonde sur un objectif de respect de l'article 224. S'il suffisait au travailleur de présenter une opinion médicale différente pour obtenir une nouvelle décision de la CSST, on lui permettrait de contester les conclusions de son propre médecin, ce que la loi interdit. De la même manière, permettre la reconsidération équivaudrait à autoriser l'employeur à contester hors délai le rapport d'évaluation médicale du médecin traitant, et à escamoter tout le processus de contestation médicale instauré par la loi sous prétexte que le médecin de l'employeur a rallié à son opinion le médecin du travailleur: Coopérative forestière Papineau-Labelle et Gagnon, 136414-64-0004, 00-10-05, J.-F. Martel, (00LP-67).

La CSST décide que le droit à l'IRR du travailleur s'éteindra à la date de consolidation et elle spécifie que l'acceptation de l'offre de retraite est assimilable à un refus de participer à un processus de réadaptation. La date de consolidation est fixée au 11 juin 1997, mais la CSST continue d’indemniser le travailleur en attendant l’évaluation des séquelles permanentes. Plus tard, elle reconsidère sa décision initiale et déclare que l’IRR prend fin le 8 décembre. Le seul élément nouveau survenu entre-temps est l'évaluation de l'atteinte permanente et des limitations fonctionnelles effectuée par le médecin traitant. Or, cet élément ne change pas le motif principal de la cessation de l'IRR, soit l'acceptation de l'offre de retraite. Par conséquent, la CSST ne pouvait reconsidérer sa décision initiale: Hôpital Louis-Hippolyte-Lafontaine et Micucci, 126432-62-9910, 01-01-30, L. Vallières, (00LP-162).

Le jugement qui accorde à l'ex-conjointe du travailleur des arrérages de pension alimentaire ne constitue pas un fait essentiel nouveau puisqu'il découle du non-respect, par le travailleur, d'une obligation qui lui était imposée par le jugement sur la pension alimentaire. Le fait que le travailleur avait l'obligation de payer une pension alimentaire pour son ex-conjointe et ses deux enfants était connu de celui-ci lors de sa réclamation pour lésion professionnelle: Chambodie et Construction Jean-Guy Rheault inc., 177344-04B-0201, 02-06-13, F. Mercure.

L'opinion d'un médecin ne pouvait être assimilée à un fait essentiel pouvant donner ouverture à reconsidération. D'ailleurs, cet avis ne révèle pas l'existence de faits médicaux inconnus au moment où la CSST a rendu sa décision initiale, mais il ne fait que les interpréter d'une autre manière, ce qui ne peut donner ouverture à la reconsidération: Gagnon et CSST, [2005] C.L.P. 798.

Pour disposer de la question des critères d'application de la reconsidération prévue à l'article 365, la première commissaire devait d'abord analyser si elle était en présence d'un «fait essentiel nouveau». Or, le fait essentiel nouveau était le deuxième rapport médical final signé par le médecin traitant. Il va sans dire que si le deuxième rapport médical final n'est pas conforme à la loi, il ne peut être qualifié de fait essentiel nouveau pouvant donner ouverture à la reconsidération: Dionne et Ville de Montréal, 254014-61-0502, 07-01-31, L. Boucher (décision sur requête en révision), requête en révision judiciaire rejetée, C.S. Montréal, 500-17-035530-073, 08-05-14, j. Hébert, requête pour permission d'appeler rejetée, C.A. Montréal, 500-09-018754-085, 08-07-02.

L'inconfort généré par le port de prothèses auditives analogiques ne s'apparente nullement à la notion de fait essentiel nouveau prévu à l'article 365. Les prothèses auditives analogiques diffèrent, bien évidemment, des prothèses auditives numériques. Or, ce simple fait demeure insuffisant pour les fins de reconnaître le droit au remboursement des coûts d'acquisition de prothèses auditives numériques. Le port de telles prothèses doit être justifié sur le plan médical et donc pour des raisons autres que le simple inconfort ou l'aspect esthétique: Hardy et CSST, 310791-31-0702, 07-06-08, C. Lessard.

La CSST ne pouvait reconsidérer sa décision accordant à la travailleuse le droit à l'IRR en vertu de l'article 48 puisque l'élément de base de la reconsidération n'est pas un fait essentiel. Le simple coup de téléphone de l'employeur à la CSST annonçant qu'il a un emploi à offrir à la travailleuse alors qu'il avait clairement indiqué auparavant qu'il ne désirait pas la reprendre à son emploi, et ce, sans aucune démarche de validation de la CSST sur cet emploi, ne peut correspondre à un fait essentiel au sens de l'article 365: Lemire et Magasins Lecompte inc., [2008] C.L.P. 616.

Le fait que la dermatite de contact dont est atteinte la travailleuse constitue une maladie professionnelle contractée dans l'exercice de son emploi de coiffeuse n'est pas un empêchement à reconnaître que ce même emploi puisse constituer un danger pour l'enfant à naître ou pour elle-même, à cause de son état de grossesse. C'est donc à tort que la CSST a reconsidéré sa décision qui déclarait la travailleuse admissible au retrait préventif de la travailleuse enceinte puisqu'elle avait droit à l'IRR pour sa maladie professionnelle. Les deux régimes peuvent coexister: Escompte Coiffe et Verreault, [2008] C.L.P. 661.

Le fait que la CSST ait décidé de changer d'idée et de soumettre la question de l'évaluation de l'atteinte permanente au médecin désigné ne peut constituer un fait essentiel non connu ni d'ailleurs un motif donnant ouverture à la reconsidération. En agissant de la sorte, la CSST s'est arrogé une compétence qu'elle avait déjà épuisée. Si elle s'interrogeait sur le bien-fondé de l'évaluation du médecin qui a charge, malgré l'opinion de son propre médecin, elle aurait dû agir avant de rendre sa décision. Le pouvoir de reconsidération est une exception au principe de la stabilité des décisions et il est assujetti à certaines conditions d'ouverture: Gili et Corporation d'aliments Encore Gourmet, 330659-71-0710, 08-05-15, J.-D. Kushner.

La CSST était justifiée de ne pas reconsidérer une décision déterminant la capacité de la travailleuse à exercer l'emploi convenable de directrice des ressources humaines. D'une part, le fait que la travailleuse allègue être en mesure d'exécuter un autre travail chez l'employeur dans le cadre d'une mesure d'accommodement, et ce, en ne respectant pas la limitation fonctionnelle de ne pas travailler avec des cols bleus, est postérieur à la décision visée par la reconsidération. D'autre part, il ne s'agit pas d'un fait essentiel de nature à influencer le décideur et modifier la décision rendue, car si le tribunal reconsidérait la décision, il avaliserait une décision prise entre les parties qui précarise l'état de santé de la travailleuse et ne respecte pas leurs obligations en vertu des articles 49 et 51 LSST: Dionne et Ville de Montréal, [2009] C.L.P. 509.

Puisque le requérant n'était pas un dirigeant de l'employeur, la CSST ne pouvait reconsidérer la décision d'admissibilité en alléguant ce fait. Même si le requérant a déjà été membre du conseil d'administration, à titre de président, il y a quelques années et que sa démission n'a pas fait l'objet d'une publicité selon la Loi sur la publicité légale des entreprises individuelles des sociétés et des personnes morales, c'est au moment de la lésion professionnelle alléguée qu'il faut déterminer son statut: Bond et O.T.J. Rivière-au-Renard, 359839-01B-0809, 09-09-02, J.-F. Clément, (09LP-98).