LoiLATMP
TitreVI PROCÉDURE D'ÉVALUATION MÉDICALE: ART. 199 À 233 ET 448 ET SUIVANTS
Section3. Procédure de contestation du rapport du médecin qui a charge du travailleur
3.2 Contestations: art. 204, 205.1, 206, 212 et 212.1
3.2.6 Délais: art. 204, 205.1, 206, 212 et 212.1
Titre du document3.2.6.2 Délai de la CSST: art. 204 et 206
Mise à jour2011-11-01


Opposant les conclusions du rapport de son médecin du 25 avril 1994 à celles du rapport du médecin du travailleur du 30 juin 1993, la CSST transmet le dossier au BEM. Il s'infère de l'abrogation de l'article 214 que la CSST n'est plus astreinte au respect d'un délai de 30 jours pour soumettre un sujet visé à l'article 212 à la procédure d'évaluation médicale. Les modifications apportées par le législateur en 1992 sont muettes quant à un délai imposé à la CSST à cet égard. La CSST doit cependant respecter un délai raisonnable et agir avec diligence, compte tenu des circonstances de chaque cas. En l'espèce, les personnes intéressées au dossier n'ont reçu le rapport d'évaluation médicale du 30 juin 1993 qu'au mois d'octobre 1993. Entre ce moment et le 5 avril 1994, date à laquelle la CSST a demandé au travailleur de se présenter chez son médecin désigné pour évaluation, celle-ci a fait des gestes utiles dans le traitement du dossier, notamment en rencontrant le travailleur à 3 occasions et en communiquant par téléphone avec lui une dizaine de fois. En conséquence, il y a lieu de conclure à la régularité de la procédure d'évaluation médicale: St-Yves et Natrel inc., [1996] C.A.L.P. 1278.

Selon les nouveaux articles 204 et 206, la CSST peut, en tout temps, exiger d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle qu'il se soumette à un examen du professionnel de la santé qu'elle désigne et soumettre son rapport au BEM: Marchand et Les Habitations Le Domaine enr., 64802-60-9412, 96-08-01, M. Cuddihy.

Le délai de plus de quatre mois pris par la CSST pour enclencher le processus de contestation médicale et désigner un médecin pour examiner le travailleur dans le cadre de l'article 204 n'est pas irrégulier: Bisceglia et Plimetal inc., 133686-71-0003, 01-05-29, L. Crochetière, révision accueillie sur un autre point, 02-05-03, G. Robichaud.

Le législateur n'a pas imposé de délai à la CSST pour l'obtention d'un rapport de son professionnel de la santé.  L'article 204 ne fait aucunement référence au fait que la CSST doive agir à l'intérieur d'un délai donné pour exiger d'un travailleur qu'il se soumette à l'examen du médecin qu'elle a désigné. Les seuls délais que la CSST doit respecter dans le cadre de la procédure devant le BEM sont ceux prévus aux articles 215, 217 et 219, soit le délai de transmission des rapports médicaux au professionnel de la santé désigné par l'employeur, le délai de transmission des contestations au BEM et le délai de transmission du dossier médical du travailleur au BEM.  Dans chaque cas, le législateur prévoit que la CSST doit transmettre ces rapports ou ce dossier médical sans délai, mais ne spécifie pas un nombre de jours précis. Par ailleurs, le pouvoir accordé par le législateur à la CSST est très large puisqu'en vertu de l'article 204, elle peut exiger d'un travailleur qu'il se soumette à l'examen du professionnel de la santé qu'elle désigne pour obtenir un rapport écrit de celui-ci sur toute question relative à la lésion et qu'en vertu de l'article 206, elle peut soumettre le rapport obtenu en vertu de l'article 204, même si ce rapport porte sur l'un ou plusieurs des sujets sur lequel le médecin qui a charge du travailleur ne s'est pas prononcé. À titre d'administrateur du régime, non seulement la CSST n'a pas de délai à respecter pour décider de faire examiner le travailleur et peut intervenir à tout moment dans le cadre d'une réclamation, mais encore, elle a le loisir de demander l'avis de son professionnel de la santé sur des sujets sur lesquels le médecin qui a charge ne s'est pas encore prononcé. En l'espèce, la CSST était donc en droit d'exiger du travailleur qu'il se soumette à l'examen du médecin qu'elle avait désigné: Larue et C-Mac Network System,[2004] C.L.P. 1634

Le travailleur a subi une lésion professionnelle le 3 juillet 2003. La CSST a accepté sa réclamation en raison d'une entorse lombaire avec lombosciatalgie gauche et une entorse au genou gauche. Par la suite, le diagnostic de hernies discales L3-L4 et L4-L5 a été posé. Le 9 septembre 2003, la CSST a rendu une décision déclarant qu'il y avait une relation entre ces diagnostics et l'événement. Puis, le dossier a été soumis au BEM. Celui-ci a retenu le diagnostic d'entorse lombaire et décidé des autres questions médicales. La CSST a entériné cet avis. Le travailleur soutient que la CSST ne pouvait référer le dossier au BEM quant à la question du diagnostic parce qu'elle avait accepté, dans une décision non contestée, celui de hernie discale L3-L5 et L4-L5. Il s'infère de l'abrogation de l'article 214 que la CSST n'est plus astreinte au respect d'un délai de 30 jours ou à tout autre délai pour soumettre un sujet visé à l'article 212 à la procédure d'évaluation médicale. Rien dans la loi n'oblige la CSST à contester le premier rapport médical faisant état d'un nouveau diagnostic et à suspendre l'indemnisation en attendant de le faire. Elle peut continuer à verser l'IRR et accepter la relation médicale sans pour autant renoncer à contester l'existence même du diagnostic en temps opportun. Le tribunal ne peut limiter les droits de la CSST de recourir à la procédure d'évaluation médicale alors que le législateur ne le fait pas lui-même et qu'il a plutôt voulu lui donner une importante marge de manoeuvre. La loi mentionne que la CSST peut contester toute attestation ou rapport du médecin qui a charge du travailleur. Elle pouvait donc contester l'attestation du 6 avril 2004 et elle a agi dans un délai raisonnable en obtenant une expertise en date du 17 mai 2004, le rapport complémentaire du médecin traitant en date du 8 juin 2004 et en référant le dossier au BEM le 14 juin 2004: Les Carrelages Centre du Québec et Thibodeau, 230800-04-0403, 05-01-28, J.-F. Clément.

Même si la loi n'impose aucun délai à la CSST pour contester les conclusions émises par le médecin qui a charge du travailleur, elle doit faire preuve de diligence et de célérité. En l'espèce, la CSST n'avait pas l'intention de contester les limitations fonctionnelles émises par le médecin du travailleur et elle avait mis en branle le processus de réadaptation. Ce n'est que trois mois plus tard qu'elle décide de désigner un médecin pour procéder à l'examen du travailleur, sans que rien au dossier ne vienne motiver ce délai. La CSST n'a pas agi avec célérité et la procédure d'évaluation médicale est irrégulière: Montigny et Nettoyeurs Prof. de conduits d'air, 225935-71-0401, 05-03-29, R. Langlois, (05LP-8).

À moins qu’il soit démontré que le délai est long, injustifiable et cause une injustice, la CSST n’est pas assujettie à un délai quelconque pour désigner un médecin aux fins de produire le rapport prévu à l’article 204 ou pour soumettre le dossier à un membre du BEM. La CLP ne peut donc limiter les droits de la CSST en ajoutant un délai alors que le législateur s’abstient de le faire: Archambault Pilon et Place des Aînés de Laval, 271462-64-0509, 06-11-09, D. Armand, (06LP-167), révision rejetée, 07-07-03, S. Moreau.

En l'espèce, le délai pris par la CSST est injustifié et est devenu une source d'injustice pour la travailleuse. La CSST a d’abord refusé sa réclamation. En juin 2001, après la décision de la CLP qui a reconnu l'existence d’une lésion professionnelle, la CSST a retenu la date de consolidation établie par le médecin qui a charge, soit le 7 décembre 2000. Alors qu’elle avait en main le rapport d’évaluation médicale produit par ce médecin le 22 février 2001, elle ne s’est pas prononcée quant aux séquelles découlant de la lésion professionnelle du 21 janvier 1999 pourtant consolidée depuis six mois. Ce n’est que cinq mois plus tard, soit en novembre 2001, et après que la travailleuse eut produit une réclamation de rechute, récidive et aggravation en août 2001, que l’avis d’un médecin désigné par la CSST est demandé sur ces questions. Ce n’est que le 15 mars 2002 que le dossier est transmis au BEM, soit quatre mois après réception du rapport du médecin désigné. À partir du moment où la CSST a retenu les conclusions du médecin qui a charge en ce qui a trait à la consolidation de la lésion, elle devait soit retenir les conclusions de ce médecin quant aux séquelles découlant de la lésion, soit amorcer la procédure d’évaluation médicale sur cette question. Et ce, d’autant plus qu’elle était informée d’un nouvel arrêt de travail depuis juillet 2001.  Le retard à entreprendre la procédure d’évaluation médicale quant aux séquelles a eu comme conséquence que, malgré les limitations fonctionnelles qui seront ultérieurement reconnues, la travailleuse a repris son travail régulier après la consolidation de la lésion. Elle a donc été pénalisée indûment.  En conséquence, la procédure d’évaluation médicale est irrégulière et la décision entérinant les conclusions du membre du BEM doit être annulée: Beghdadi et Les Tricots Mains inc., 193426-71-0210, 06-12-19, M.-H. Côté .

Si l'article 204 ne prévoit pas de délai dans lequel la CSST peut contester les conclusions du médecin qui a charge, cette dernière doit toutefois faire preuve de diligence et de célérité pour entreprendre la procédure d'évaluation médicale. En l'espèce, la CSST n'a pas manifesté l'intention de contester les limitations fonctionnelles établies par le médecin qui a charge en mai 2010. Elle a plutôt entrepris la réadaptation professionnelle du travailleur, dès le mois de juillet suivant, en fonction des limitations précisées à sa demande par le médecin qui a charge, qu'elle a jugé incapacitantes. La désignation par la CSST, quatre mois plus tard, d'un médecin pour procéder à l'examen du travailleur et se prononcer au sujet des limitations fonctionnelles n'est pas motivée et est irrégulière dans les circonstances mises en preuve: Olymel Vallée-Jonction et Bolduc, 2011 QCCLP 6295.