Loi
LATMP
Titre
XII LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES: ART. 359, 359.1, 367 À 429.59, 450 ET 451
Section
3. La procédure
3.2 Le pouvoir général d'ordonnance: art. 429.20
3.2.1 Ce pouvoir peut être utilisé pour ordonner:
Titre du document
3.2.1.5 Réouverture d'enquête
Mise à jour
2011-11-01
Généralités
Afin de faire droit à une requête en réouverture d'enquête, il est nécessaire que les éléments de preuve aient été inconnus au moment de l'audience ou qu'il était impossible, même en faisant preuve de diligence, d'en prendre connaissance avant l'audience, et que ces éléments aient une influence déterminante sur la décision à être rendue:
Dufour et Général Motors du Canada ltée,
100639-61-9804, 99-10-25, N. Lacroix.
Une distinction doit être faite entre un document supplémentaire qu'une partie veut produire après qu'un dossier a ét
é pris en délibéré et une demande pour compléter la preuve ou requérir la réouverture des débats. La lettre du procureur de la travailleuse n'aurait pas dû lui être retournée par un fonctionnaire, mais aurait dû être considérée comme une demande de réouverture d'enquête sur la question du hors délai qui devait être soumise au décideur pour qu'il ait l'occasion de l'analyser et de rendre une décision sur cette question:
Esen c. Lingerie Hago inc.,
[2004] C.L.P. 1841 (C.S.).
Il ressort de la
Loi sur les commissions d'enquête,
de la LATMP et des
Règles de preuve, de procédure et de pratique de la Commission des lésions professionnelles
qu'une enquête comprend l'audience — incluant les témoignages et documents qui y sont déposés — et la preuve documentaire qui est colligée de différentes façons, notamment par la production de documents après l'audience. Dans l'affaire
Smith et Nephew inc. et Owens,
la CLP a rappelé que lorsqu'un délibéré est suspendu, cela signifie que l'enquête est toujours en cours et qu'il est loisible aux parties de produire des commentaires ou arguments additionnels. Tel est le cas en l'espèce. Il était donc loisible aux parties de demander la permission de produire un document sans nécessiter la réouverture d'enquête puisque cette enquête était toujours en cours quant à la preuve documentaire. En conséquence, la demande du travailleur doit être interprétée comme une nouvelle demande pour produire des documents, nommément un rapport d'expertise sur dossier, plutôt qu'une requête en réouverture d'enquête. Or, cette possibilité est prévue à l'article 12 des Règles de preuve et il y est mentionné qu'un commissaire peut autoriser la production tardive d'un rapport d'expert aux conditions qu'il détermine. Dans la présente affaire, une telle production est permise:
St-Onge et Domtar - Usine Lebel-sur-Quevillon,
267983-08-0507, 06-02-06, J.-F. Clément.
En l’absence de dispositions particulières à la loi portant sur la réouverture d’enquête, le pouvoir de la CLP d’entendre et de statuer sur une telle requête relève de l’article 429.20. La CLP doit faire droit à une telle requête dans des circonstances exceptionnelles tout en se demandant si, en refusant la requête, elle ne manquerait pas aux règles de justice naturelle. Les critères à considérer sont, par analogie, ceux applicables devant les tribunaux judiciaires. Il doit s’agir de nouveaux éléments de preuve qui étaient inconnus au moment de l’audience et qui peuvent avoir une influence déterminante sur la décision à rendre. La CLP estime qu’il est indispensable de prendre connaissance des éléments de preuve que l’on cherche à produire, considérant l’analyse qui doit être faite afin de déterminer s’il y a lieu de faire droit à la requête. En l’espèce, le premier critère est présent puisque les deux éléments de preuve visés par la requête étaient non seulement inconnus mais inexistants au moment de l’audience. Toutefois, ces éléments de preuve ne peuvent avoir une influence déterminante sur la décision à rendre.
De plus, le travailleur a eu l’occasion d’étayer ses prétentions et de contredire la preuve émanant de la CSST et, en ce sens, le tribunal a entendu les parties équitablement. La requête en réouverture d’enquête présentée par le travailleur est donc rejetée:
R... L... et Compagnie A,
261471-62C-0505, 09-02-20, I. Therrien, (08LP-287).
Réouverture d'enquête acceptée
Vu l'absence de dispositions pertinentes à la LATMP, les règles de la réouverture d'enquête applicables devant les tribunaux judiciaires, par analogie toutefois, sont généralement suivies par la CLP. Ainsi, une fois la preuve déclarée close, il faut une requête spéciale pour rouvrir le débat afin d'assurer la sécurité judiciaire et il est reconnu que celui qui possédait une preuve lors de l'audition de l'affaire, et qui ne l'a pas déposée, ne peut demander une réouverture d'enquête. En l'espèce, la travailleuse possédait les expertises et elles ne furent pas déposées. Toutefois, la requête a ceci de particulier qu'elle se situe entre la fin de l'enquête et le début de la plaidoirie. La travailleuse invoque finalement son droit de désavouer son premier avocat parce qu'il n'aurait pas complètement déposé toute la preuve en sa possession. Selon la jurisprudence, pour qu'il y ait réouverture d'enquête, les motifs invoqués doivent être valables. Or, la CLP considère qu'on doit tenir compte des règles de justice naturelle, notamment de la règle
audi alteram partem,
et qu'entendre toutes les parties à un litige consiste à leur donner la possibilité de rectifier ou de contredire toute preuve préjudiciable à leur position. Il en est de même lorsqu'une partie prétend avoir été mal représentée, ce qui peut amener comme conséquence qu'une preuve ou une absence de preuve puisse être «préjudiciable à sa position»:
Mailhot et Commission scolaire Abitibi,
85266-08-9701, 99-11-09, R. Ouellet.
Aucune disposition dans la loi ne prévoyant le cas de la réouverture d'enquête, on doit donc se demander si, en cas de rejet de la requête de l'employeur, il y aurait manquement aux règles de justice naturelle. La justice naturelle est une affaire de gros bon sens et elle exige que le tribunal entende les parties, ce qui comprend de les réentendre lorsque des circonstances exceptionnelles le justifient. Toutefois, la requête ne doit pas être frivole. Elle ne doit pas résulter manifestement de la négligence de son auteur. Enfin, elle doit porter sur un élément essentiel de la preuve ou du débat. Dans l'affaire
Cameron
et Ville de
Montréal
,
la CALP, s'appuyant sur l'arrêt
Kane c. Conseil d'administration de l'Université de la
Colombie-Britannique
,
retient que le tribunal doit entendre équitablement toutes les parties au litige afin de leur donner la possibilité de rectifier ou de contredire toute preuve pertinente préjudiciable à leur point de vue. En l'espèce, il s'agit de circonstances exceptionnelles. À cause de la négligence et de l'incompétence de son infirmière, l'employeur a été empêché de faire une preuve et une argumentation pour soutenir ses positions. Enfin, la requête porte sur un élément essentiel de la preuve ou du débat. En effet, la CLP doit déterminer si le travailleur a subi une lésion professionnelle. Or, l'employeur veut, par une preuve médicale, démontrer que ce n'est pas le cas en ce qui concerne son établissement. Le fait d'entendre la preuve de l'employeur est susceptible d'éclairer davantage le tribunal, ce qui lui permet de rendre la meilleure décision possible:
Larrivée et Boart Longyear,
156535-08-0103, 01-11-05, P. Prégent.
Après avoir entendu le témoignage de la nouvelle employée inexpérimentée et l'argumentation des parties, le tribunal fait droit à la demande de l'employeur puisque son rôle principal est la recherche de la vérité. C'est d'ailleurs à cette fin qu'il a demandé au travailleur de déposer les notes prises par son médecin lors de ses consultations médicales. En refusant d'entendre la preuve de l'employeur, le tribunal croit qu'il ne posséderait pas toute la preuve pouvant lui permettre de rendre une décision la plus éclairée et cela équivaudrait à un manquement aux règles de justice naturelle qui veut que toutes les parties aient le droit d'être entendues. Par ailleurs, cette décision de rouvrir l'enquête se trouve facilitée par le fait que lorsque la requête a été déposée, la cause n'était pas encore prise en délibéré. La preuve du travailleur n'était pas close puisque le tribunal avait requis du travailleur le dépôt des notes évolutives du médecin qui en a charge. De plus, la CLP note la célérité et la diligence de l'employeur dans le dépôt de sa requête, soit dès que l'erreur de l'employée a été découverte. En conséquence, il y a lieu de permettre à l'employeur de faire sa preuve:
Olymel St-Simon et Lamontagne,
212918-62B-0307, 04-03-23, N. Blanchard.
Réouverture d'enquête refusée
La demande de réouverture d'enquête de la travailleuse est refusée car elle n'a pas démontré que le fait nouveau n'était pas disponible lors de l'audience, qu'il lui était impossible de le connaître en temps utile, et qu'il était pertinent et donc susceptible de changer la décision que le tribunal s'apprêtait à rendre. Une partie qui se trouve devant une preuve défavorable ne peut demander une deuxième chance pour convaincre le tribunal du bien-fondé de sa réclamation:
Fabricville co. inc. et
Goubran
,
135999-71-0004, 00-12-11, H. Rivard, (00LP-133).
L'omission de déposer des rapports médicaux n'est pas un motif pouvant servir d'assise à une réouverture d'enquête. Celui qui l'invoque doit démontrer que le fait nouveau n'était pas disponible lors de l'audience, qu'il lui était impossible de connaître le fait en question en temps utile pour l'audience et qu'il s'agissait d'un fait pertinent au litige susceptible de changer la décision que le décideur s'apprêtait à rendre. En l'espèce, le travailleur n'a pas identifié les rapports médicaux visés qui étaient, de plus, selon sa lettre, en possession de son représentant. Le choix de ce dernier de ne pas les déposer lui revient et le travailleur doit l'assumer. Cela ne peut justifier une réouverture d'enquête pour faire ce qui n'a pas été fait en temps opportun. Quant au second motif, le travailleur n'a nullement prouvé en quoi le premier représentant avait commis une erreur dans son dossier, l'aurait mal défendu ou mal représenté. S'il y a eu mésentente entre ce représentant et lui, ce n'est certes pas une réouverture d'enquête qui peut venir corriger le tout:
Guyon et Terminal maritime Sorel-Tracy,
125580-62B-9910, 01-03-15, N. Blanchard.
Une requête en réouverture d'enquête ne doit être accordée qu'avec beaucoup de circonspection et seulement dans les cas assimilables à ceux pour lesquels la rétractation de jugement est ouverte; il doit y avoir présence de faits nouveaux possédant un caractère essentiel pouvant affecter la décision du tribunal. On doit aussi considérer le fait qu'elle aurait pu être déposée avec plus de diligence avant que l'enquête ne soit terminée. En l'espèce, si, à la fin de l'audience, le procureur de l'employeur jugeait que certains témoignages nécessitaient des commentaires ou des vérifications, il aurait très bien pu demander un ajournement, ce qu'il n'a pas fait. En ne le faisant pas, il a renoncé à son droit de les invoquer:
Gagné et Produits forestiers L.M.C. inc.,
196748-01C-0212, 04-05-10, J.-F. Clément.
Ni la LATMP ni les
Règles de preuve, de procédure et de pratique de la Commission des lésions professionnelles
ne prévoient de disposition spécifique quant à la requête en réouverture d’enquête. La jurisprudence a retenu, par analogie, les critères applicables devant les tribunaux judiciaires: il doit s’agir de nouveaux éléments de preuve qui étaient inconnus au moment de l’audience, il était impossible, malgré toute diligence, de les connaître avant l’audience et ces nouveaux éléments peuvent avoir une influence déterminante sur la décision à rendre. En l’espèce, la requête du travailleur apparaît tardive et résulte davantage de la négligence de son représentant. Lorsque l’audience s’est terminée, les parties ont déclaré leur preuve close et le représentant du travailleur n’a pas jugé nécessaire de demander un ajournement ou un délai pour produire des documents supplémentaires. Ce n’est qu’après avoir pris connaissance de l’argumentation de l’employeur, au moment de préparer la sienne, qu’il demande de compléter sa preuve. De plus, les documents qu’il veut produire auraient pu être obtenus lors de la préparation de l’audience. Enfin, rien dans ces documents n’est susceptible d’éclairer davantage la CLP et, même si elle les acceptait en preuve, cela ne modifierait en rien sa conclusion sur la requête en révocation:
Boulanger et Société minière Barrick (div. Bousquet),
68498-08-9504, 04-10-26, L. Nadeau, (04LP-200) (décision accueillant la requête en révocation sur un autre point).
La requête en réouverture d’enquête présentée par le travailleur est rejetée puisque cette requête ne doit pas constituer une seconde chance pour une partie de parfaire sa preuve ou convaincre le tribunal du bien-fondé de sa réclamation. Le travailleur a profité du fait que la CLP l’a autorisé à consulter un médecin afin de produire des commentaires sur un extrait de littérature médicale pour obtenir une opinion médico-légale. Or, ce rapport médical excède ce que la CLP a autorisé à l’audience:
Forage Orbit inc. et Cogesis inc.,
214956-08-0308, 04-10-27, P. Prégent, (04LP-202), révision rejetée, 05-03-02, J.-M. Dubois, requête en révision judiciaire rejetée, C.S. Val-d'Or, 615-17-000253-053, 07-04-05, j. Guertin.
À la fin de l'audience sur les moyens préliminaires, la preuve concernant ces questions était close de part et d'autre. L'employeur n'a pas jugé nécessaire de prendre un temps de suspension ni de contre-interroger sa représentante. En décidant de faire valoir ses arguments à l'audience, sous réserve de notes additionnelles, l'employeur a implicitement déclaré que sa preuve était close. Ainsi, la demande de dépôt de l'affidavit de sa représentante constitue une demande de réouverture d'enquête. Dans cet affidavit, cette dernière déclare s'être rappelé certains faits corroborant l'existence de motifs rationnels et sérieux justifiant la filature du travailleur. Toutefois, cette déclaration est fondée sur les éléments de preuve dont elle pouvait prendre connaissance en temps opportun puisqu'ils font partie du dossier. Au surplus, si ces «faits additionnels» avaient été déterminants dans la décision de faire filer le travailleur, il est difficile de croire que la représentante de l'employeur ait oublié d'en faire mention lors de son témoignage. Ainsi, il ne s'agit pas de circonstances exceptionnelles et il n'y a pas lieu de rouvrir l'enquête. Le dépôt de l'affidavit est donc refusé:
Cie Britton Électrique ltée et Baptiste,
247984-71-0411, 07-05-15, D. Gruffy, révision rejetée, 08-06-06, S. Moreau.
Selon la jurisprudence, le requérant doit démontrer des motifs valables pour justifier une réouverture d'enquête et ne pas avoir fait preuve de négligence. En l'espèce, la travailleuse prétend avoir été «foudroyée par une puissante dépression au point de ne pas être capable de prendre l'avion de retour pour le Canada». Or, aucun certificat médical n'atteste une telle incapacité et la jurisprudence est à l'effet que l'allégation d'un état dépressif n'est pas suffisante. Dans le présent cas, la travailleuse n'a pas démontré comment sa condition psychologique l'a empêchée de prendre un avion de retour entre la date de retour initialement prévue et la date de l'audience. Il s'avère qu'elle a pris la décision de prolonger son voyage à l'étranger de trois mois. Son affirmation voulant que les personnes désignées pour recevoir le courrier chez elle en son absence n'ont pas ouvert le courrier et que, ce faisant, elle n'a pu connaître la date d'audience à laquelle elle était convoquée ne suffit pas. La travailleuse, qui a été à l'étranger environ quatre mois et demi, n'a pas agi de manière prudente et diligente à l'égard de la contestation qu'elle avait déposée auprès de la CLP. Sa négligence ne peut justifier la réouverture de l'enquête. En effet, elle aurait dû communiquer avec les personnes qui s'occupent de son courrier afin d'être informée de la date de l'audience. La requête en réouverture d'enquête est donc rejetée:
Glaude et CLSC-CHSLD de Rosemont,
337174-71-0801, 09-12-15, Renée M. Goyette.
En l'espèce,
la demande de réouverture d'enquête du travailleur est rejetée. Sa prétention selon laquelle il n'a pas eu droit à un traitement juste et équitable lors de l'audience relève davantage de sa perception que de la réalité. En effet, lors de l'audience, son représentant a demandé et obtenu la suspension de l'audience à deux reprises afin qu'il puisse discuter avec lui. De plus, on ne peut retenir l'allégation du travailleur voulant qu'il ait été pris par surprise en raison de l'absence de la CSST et du fait que le tribunal a tout de même procédé à l'audience et l'a obligé à répondre à des questions qui auraient dû être adressées à la CSST. Cette situation s'étant présentée dès le début de l'audience, c'est à ce moment que le travailleur aurait dû faire preuve de diligence et réagir au fait que la CSST n'était pas présente. Or, il a plutôt décidé de poursuivre l'audience avec le représentant qu'il avait choisi. La prétention du travailleur selon laquelle il n'a pas été à même de se défendre convenablement est également rejetée puisqu'il a choisi son représentant et lui a confié le mandat de le représenter. Par ailleurs, sa perception quant au rôle de la CSST n'est pas le reflet de la réalité. Celle-ci, à titre de partie intervenante, a décidé de ne pas se présenter à l'audience. Elle a cependant fourni au tribunal une copie de son dossier, tel que requis par la loi. La CSST n'a pas l'obligation de comparaître devant la CLP ni de présenter une preuve pour justifier sa décision. En effet, il appartient plutôt à la partie qui conteste une décision de se décharger de son fardeau de démontrer que la décision rendue par la CSST est mal fondée. Par ailleurs, les problèmes médicaux allégués avoir eu un effet sur la capacité du travailleur à se défendre convenablement devaient être dénoncés lors de l'audience, ce qui n'a pas été le cas:
Centre d'hébergement J.-Henri Charbonneau et Beausoleil,
2011 QCCLP 1585.