Loi
LATMP
Titre
VI PROCÉDURE D'ÉVALUATION MÉDICALE: ART. 199 À 233 ET 448 ET SUIVANTS
Section
3. Procédure de contestation du rapport du médecin qui a charge du travailleur
3.2 Contestations: art. 204, 205.1, 206, 212 et 212.1
3.2.5 La contestation par le travailleur de l'opinion de son médecin
Titre du document
3.2.5 La contestation par le travailleur de l'opinion de son médecin
Mise à jour
2011-11-01
Le travailleur peut contester un avis non conforme de son médecin
La LATMP ne prévoit aucun recours au travailleur qui veut contester l'évaluation effectuée par son médecin. Cependant, la situation est différente si le médecin en charge a omis d'évaluer un des aspects de la condition du travailleur, rendant ainsi son évaluation non conforme au
Règlement sur le barème des dommages
corporels
.
Le travailleur a, tout comme l'employeur, qualité pour agir auprès du bureau de révision et demander la révision d'une décision de la CSST dont il croit qu'elle contrevient au règlement et le lèse d'un droit. En l'espèce, le médecin du travailleur avait, entre autres, omis de vérifier la possibilité d'application du principe de la bilatéralité. Son évaluation n'était pas conforme au règlement en ce qu'elle omettait de fournir les données d'évaluation de l'organe symétrique:
CSST et Construction M.D.C. ltée,
[1993] C.A.L.P. 26
Le médecin du travailleur produit un rapport final où il coche les cases indiquant que le travailleur a subi une atteinte permanente mais qu'il n'a pas de limitations fonctionnelles. Il doit évaluer le travailleur pour compléter son rapport à son retour de vacances. Entre temps, le travailleur consulte un autre médecin qui conclut à l'existence d'une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles, les évalue et les décrit. À la suite de cet avis, le dossier est soumis à l'arbitrage. L'employeur conteste au motif que le premier médecin du travailleur s'est déjà prononcé quant à l'existence de séquelles permanentes. En vertu de l'article 192, le travailleur a le droit de consulter le médecin de son choix et de lui demander de compléter le rapport d'évaluation médicale. Bien que le travailleur ne puisse contester l'opinion de son médecin, en l'espèce, l'avis du premier médecin ne lie pas la CSST parce qu'il n'est pas conforme aux prescriptions de l'article 203. Le premier médecin n'a jamais procédé à l'examen physique du travailleur en vue d'évaluer ses séquelles et par conséquent, c'est le rapport du second médecin qui fournit pour la première fois les références et les informations minimales nécessaires pour considérer que le médecin ayant charge du travailleur a agi de façon à lier la CSST L'arbitrage, initié dans les délais, est donc régulier:
Vasquez et Salvatore L. Briqueteur 1989 inc.,
34887-60-9112, 95-09-06, S. Di Pasquale.
Il y a lieu d'écarter le rapport d'évaluation de l'atteinte permanente produit par le médecin traitant puisque le tribunal n'est pas en mesure de comprendre les résultats auxquels il en arrive. Selon la nature de la lésion subie par le travailleur, la mesure des amplitudes des doigts nécessitait l'utilisation d'un appareil de mesure alors que le médecin a plutôt «mesuré à l'oeil» ces amplitudes et aucun examen neurologique n'a été fait pour vérifier l'hypoesthésie. La CLP s'en remet plutôt à l'évaluation détaillée faite par un autre médecin qui a examiné le travailleur:
Smith et Soucy International inc.,
[2008] C.L.P. 1070.
Un travailleur ne peut généralement contester les conclusions du médecin qui a charge, en application du deuxième alinéa de l'article 358. Il y a exception si le médecin commet une erreur qui n'est pas d'ordre médical au sens strict, ou encore s'il y a contradiction ou incohérence. Le rapport d'évaluation médicale du médecin qui a charge a des faiblesses importantes pouvant nuire à une juste évaluation des séquelles permanentes du travailleur. Dès lors, il peut autoriser la contestation du travailleur qui s'appuie sur une preuve médicale prépondérante. Lorsque la décision qui fait suite au rapport d'évaluation du médecin qui a charge ne semble pas être rendue suivant l'équité, comme le veut l'article 351, et que le médecin qui a charge semble n'avoir pas adéquatement fait son travail, il est équitable d'autoriser la contestation du travailleur. Il y a alors lieu de rendre la décision qui aurait dû être rendue, conformément à l'article 377:
Sasportas et Bonneterie Avalon
ltée
,
359715-71-0810, 09-06-25, G. Robichaud.
Des circonstances exceptionnelles, soit l’évolution particulière de la cicatrice du travailleur et l’erreur commise par le médecin traitant, permettent un accroc à la règle fondamentale selon laquelle un travailleur ne peut contester l'opinion de son médecin qui a charge. Comme ce médecin peut corriger une erreur commise dans un premier rapport et que ce nouveau rapport lie la CSST, le tribunal, en vertu des articles 351 et 377, écarte le rapport du 11 mai 1994 pour retenir celui du 26 août 2009 et accorde au travailleur un préjudice esthétique de 3%:
Théroux et Fer & métaux Américains S.E.C.,
376049-31-0904, 09-09-30, J.-L. Rivard, (09LP-130).
Le travailleur ne peut contester l'opinion de son médecin
Aucune disposition de la loi ne permet au travailleur de contester le rapport de son propre médecin:
Lepage c. CSST,
D.T.E. 90T-1037 (C.S.);
Morissette et Les lignes du Saguenay ltée,
11502-02-8904, 91-05-17, P.-Y. Vachon;
Lefebvre et Urgences-Santé,
35982-62-9201, 93-10-18, R. Brassard, (J6-02-16);
Carrière et Industries James MacLaren inc.,
[1995] C.A.L.P. 817;
Chiazzese et Corival inc.,
[1995] C.A.L.P. 1168;
Bonneau et Déménagements du Golfe inc.,
86935-03-9703, 97-12-04, M. Beaudoin.
Le travailleur avait choisi un deuxième médecin (un physiatre), après une décision de la CSST concernant son atteinte permanente à la suite d'une évaluation faite par son premier médecin (un orthopédiste). Il veut faire reconnaître ce deuxième médecin comme étant celui qui a charge. «Cette façon de faire constitue un mode de contestation non prévu par la loi qui, s'il était accepté, conduirait à une surenchère inacceptable»:
Fontaine et Lemieux mobilier de bureau inc.,
28317-62-9104, 93-04-29, G. Perreault, (J5-13-03);
Desharnais et Compagnie minière Québec Cartier,
95037-09-9803, 98-11-23, C. Lessard.
La CSST rend une première décision à la suite d'une opinion du médecin du travailleur sans que ce médecin ait communiqué son rapport au travailleur. Désirant contester l'opinion de ce premier médecin, le travailleur obtient une autre opinion d'un autre médecin et demande une reconsidération que la CSST refuse. La CSST avait le droit de ne pas reconsidérer sa décision car le législateur a prévu que la contestation du rapport du médecin du travailleur est réservée à l'employeur et à la CSST. Seul l'avis de l'arbitre peut délier la CSST des conclusions du médecin du travailleur et à son tour, lier la CSST:
Racine et H. St-Jean enr.,
[1994] C.A.L.P. 783, révision rejetée, [1994] C.A.L.P. 778, requête en révision judiciaire rejetée, [1994] C.A.L.P. 889 (C.S.).
En 1989, le médecin du travailleur atteste que le travailleur a des limitations fonctionnelles. Quatre ans plus tard, il les réévalue. Il qualifie son examen de normal et indique dans son rapport «sans aucune limitation fonctionnelle». Dans le cadre d'un litige concernant la capacité du travailleur d'exercer son travail habituel, on ne peut tenir compte du dernier avis du médecin du travailleur puisque cela équivaudrait à permettre à un travailleur de contrer l'opinion liante de son médecin si ce dernier consent à modifier à n'importe quel moment son opinion. Cette façon de procéder mettrait en péril la stabilité juridique des décisions de la CSST rendues conformément à l'article 224. La première opinion du médecin a donc valeur liante:
Bélanger et Centre hospitalier de l'Université Laval,
50695-03-9304, 95-03-30, G. Godin.
Le travailleur ne peut contester l'opinion de son médecin parce qu'il n'a pu argumenter ou discuter avec lui avant que le médecin émette son avis sur l'existence ou non d'une atteinte permanente:
Morissette et Gestion Loram inc.,
137585-31-0005, 01-05-18, G. Tardif (décision sur requête en révision).
Le travailleur ne peut se servir de l'opinion d'un médecin expert obtenu aux fins d'une audience devant la CLP pour écarter l'opinion de son médecin traitant qui avait consolidé sa lésion sans atteinte prermanente ni limitations fonctionnelles. L'employeur ne pouvait demander que le dossier soit soumis au BEM à la suite de ce rapport d'expertise car il ne s'agissait pas d'un rapport médical visé à l'article 209 et que le médecin traitant devait produire en vertu de la loi. En conséquence, l'avis du BEM rendu à la suite de la contestation de ce rapport d'expertise est irrégulier et la décision de la CSST y donnant suite également, et il y a lieu de retenir l'opinion du médecin traitant consolidant la lésion sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles:
Gohier et Sonacc inc. (Hippodrome de Montréal),
150561-61-0011, 02-05-09, S. Di Pasquale.
Bien que l'article 192 permette à un travailleur insatisfait de changer de médecin en cours de traitements, il ne lui permet pas de contester le rapport final ou le rapport d’évaluation médicale final de son médecin traitant et encore moins de décider que son médecin traitant perd cette qualité parce qu’il est en désaccord avec ses conclusions:
Vézina et Entreprise d'électricité NT ltée,
247694-71-0411, 06-02-21, C. Racine, (05LP-268), révision rejetée, 06-11-09, A. Suicco.
Le travailleur peut obtenir une opinion d'un autre médecin qui contredit celle de son médecin traitant une fois que le BEM s'est prononcé sur les questions médicales
Les principes de primauté de l'opinion du médecin qui a charge et de l'impossibilité pour un travailleur de la contester prévalent tant qu'il n'y a pas de contestation au BEM. Par contre, une fois qu'un BEM s'est prononcé sur l'une des questions médicales, toutes les parties peuvent contester cette décision et faire valoir leurs prétentions, quelles qu'elles soient. Le tribunal saisi d'une de ces questions a les pleins pouvoirs pour en disposer, suivant la preuve prépondérante. Il procède
de novo
et actualise la preuve à son dossier. Il est fréquent que l'expert d'un travailleur soutienne une opinion distincte de celle initialement posée par le médecin traitant ou développe une nouvelle hypothèse diagnostique compte tenu de l'évolution du dossier et des investigations effectuées. Il y a donc une limite au caractère liant de l'opinion du médecin qui a charge et c'est la procédure de contestation médicale. L'employeur et la CSST ont le droit de contester cette opinion en obtenant un rapport médical qui contredit celle du médecin traitant. Le travailleur n'a pas ce droit de contestation. Les rapports obtenus par l'employeur ou la CSST sont soumis au BEM pour qu'il rende un avis sur les questions contestées. Lorsqu'un tel avis est rendu, c'est celui-ci qui lie alors la CSST qui doit rendre des décisions en conséquence. La décision rendue par la CSST à la suite d'un avis du BEM peut faire l'objet d'une demande de révision alors qu'une décision sur une question médicale pour laquelle la CSST est liée par le médecin qui a charge ne peut pas être contestée. La décision rendue par la CSST à la suite de la révision administrative d'une décision faisant suite à l'avis du BEM pourra être l'objet d'une contestation devant la CLP. Par ailleurs, lorsqu'un BEM se prononce sur les questions médicales, le législateur ne limite pas le droit
du travailleur de contester les conclusions émises et nulle part il ne restreint ce droit de contestation uniquement aux fins de faire valoir l'opinion du médecin qui a charge. Une telle restriction exigerait une disposition claire à cet effet, ce qui n'est pas le cas dans la loi:
Corbeil et Air Canada,
195853-61-0212, 05-12-20, L. Nadeau.
Le travailleur peut demander la reconnaissance d'une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles lors de sa contestation de la décision donnant suite à l'avis du BEM même si le rapport final de son médecin traitant atteste de l'absence de séquelles permanentes
.
Le cadre juridique change lorsque la contestation se situe après l'avis du BEM. Lorsque le BEM se prononce sur les questions médicales, le législateur ne limite pas le droit du travailleur de contester les conclusions émises et nulle part il ne restreint ce droit de contestation uniquement aux fins de faire valoir l'opinion du médecin qui a charge:
Baptiste et Société canadienne des postes,
201319-71-0303, 08-06-20, L. Crochetière
.
Comme l'avis du BEM confirme le diagnostic du médecin qui a charge, la travailleuse, en contestant cet avis, conteste aussi le diagnostic de son médecin. Or, malgré le courant jurisprudentiel voulant qu'un travailleur ne puisse contester le diagnostic rendu par son médecin, dans d'autres décisions, on a conclu qu'un avis du BEM a préséance sur le diagnostic du médecin qui a charge et que cet avis peut être contesté par toutes les parties. En l'espèce, la travailleuse peut donc contester le diagnostic posé par son médecin:
Lapierre et Laboratoire M.P. Langelier inc.,
317015-62B-0705, 08-08-15, R. M. Goyette.
Le travailleur ne peut obtenir une opinion d'un autre médecin qui contredit celle de son médecin traitant une fois que le BEM s'est prononcé sur les questions médicales
Le travailleur ne peut profiter de ce que son dossier a été soumis au BEM pour tenter d'écarter le rapport final de son médecin attestant qu'il n'avait pas d'atteinte permanente ni de limitations fonctionnelles, en soumettant un rapport rédigé par un autre médecin consulté subséquemment et dont l'évaluation n'a pas été faite pour soutenir ou compléter celle du médecin traitant mais seulement pour l'écarter:
St-Louis et Centre hospitalier de soins de longue durée René-Lévesque,
114337-62-9903, 00-06-15, L. Vallières.