LoiLATMP
TitreII LA NOTION DE LÉSION PROFESSIONNELLE: ART. 2, 25 À 31
Section4. Maladie professionnelle: art. 2, al. 15, 29 et 30
4.1 Application et renversement de la présomption de maladie professionnelle: art. 29
4.1.5 Maladies causées par des agents physiques (Annexe I, section IV)
4.1.5.2 Lésion musculo-squelettique se manifestant par des signes objectifs
Titre du document4.1.5.2.2 Répétitions de mouvements ou de pressions sur des périodes de temps prolongées
Mise à jour2011-11-01


Répétitions de mouvements ou de pressions

Les gestes répétitifs s'entendent de mouvements ou de pressions semblables, sinon identiques, qui doivent se succéder de façon continue, pendant une période de temps prolongée et à une cadence assez rapide, avec périodes de récupération insuffisantes. Les mouvements ou pressions doivent nécessairement impliquer la structure anatomique visée par la lésion identifiée. Tendinite de De Quervain. Aide générale. La présomption ne s'applique pas. Maladie non reconnue: Foster-Ford et Catelli (1989) inc., 56830-61-9402, 95-10-12, B. Lemay; tendinite bicipitale à droite. Journalière affectée à faire des ballots de planches de bois franc. La présomption s'applique. Maladie reconnue: Lamontagne et Bois francs Impérial ltée, 102428-62-9806, 99-03-10, C. Demers; tendinite de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite. Tâches variées comprenant du plâtrage, du sablage, de la peinture et de la pose de recouvrements de planchers. La présomption ne s'applique pas. Maladie non reconnue: Ouellet et Le groupe immobilier Rioux inc., 137570-01A-0004, 01-02-16, J.-M. Laliberté; travailleuse à l'emploi d'un fabricant de guitares. Elle applique une «bouche-pore» et sable les manches. Kyste synovial et tendinite de De Quervain. La présomption ne s'applique pas. Maladie non reconnue: Toutant et Guitabec inc.,155065-04B-0102, 01-09-19, L. Collin; tendinite de l'épaule droite. Commis au plancher. La présomption ne s'applique pas. Maladie non reconnue: Cadieux et B.O.L.D., 216395-64-0309, 04-06-01, R. Daniel;

La correspondance minimale requise entre la lésion diagnostiquée et les mouvements inhérents au genre de travail exercé n'est aucunement de l'essence de la relation médicale causale. Cette correspondance relève plutôt de la simple qualification des mouvements insuffisamment définis ou identifiables dans le texte de l'annexe l. Si la CALP n'a pas le mandat de se substituer au législateur et d'ajouter au texte de loi tel qu'il existe, elle a, comme tous les tribunaux, celui d'y suppléer en l'interprétant si une disposition législative est insuffisante, vague ou ambiguë, ce qui est le cas du texte de l'annexe 1: Châles et Société canadienne des postes, 37397-01-9203, 95-07-04, P. Brazeau (décision sur requête en révision), requête en révision judiciaire rejetée, [1996] C.A.L.P. 547, (C.S.), appel rejeté, [1999] C.L.P. 246 (C.A.).

L'appréciation des gestes répétitifs ne se fait pas en tenant compte que le travailleur effectue le même travail depuis des années. Si tel était le cas, il faudrait conclure que la majorité des gens qui souffrent de pathologies au niveau musculo-squelettique devraient se voir reconnaître des maladies professionnelles parce que, au cours des ans, la preuve serait évidemment facile à faire que certains gestes auraient été effectués des milliers de fois, sinon des dizaines de milliers de fois: Société canadienne des postes et Travail Canada, 58668-09-9405, 95-08-07, R. Ouellet, (J7-07-04).

Épitrochléite antérieure interne ou tendinite antéro-interne. Cytotechnologiste ou microscopiste. S'il est vrai qu'une répétition des mêmes mouvements sur des muscles contractés en raison d'une posture contraignante produit plus d'effets que lorsque les mêmes mouvements sont exécutés dans une position ergonomique, encore faut-il que ce soient les mêmes muscles qui soient impliqués à la fois dans les mouvements répétitifs et la position contraignante. La présomption ne s'applique pas. Maladie non reconnue: Hôtel-Dieu de Sorel et Rivard, 54105-62-9309, 96-09-23, M. Zigby, (J8-08-30).

Une multitude de gestes, quoique variés, s'ils sollicitent la même structure anatomique, peuvent être considérés comme des répétitions de mouvements ou de pressions sur des périodes de temps prolongées, car leur cumul est susceptible d'entraîner une pathologie du même site. Préposée à la stérilisation. La présomption s'applique. Maladie reconnue: Bouchard et C.H. Notre-Dame de Montréal, [1997] C.A.L.P. 195; la présomption s'applique. Maladie reconnue: Garcia et Manufacture lingerie Château inc., 105063-71-9809, 00-08-23, R. Brassard, révision rejetée, 01-08-06, M. Zigby, requête en révision judiciaire rejetée, [2003] C.L.P. 959 (C.S.); Société canadienne des postes et Mayer, 91218-72-9709, 01-11-23, P. Perron.

Le concept de «répétitions de mouvements sur des périodes de temps prolongées» n'a pas été défini par le législateur. Il ne fait pas strictement référence au nombre de gestes posés mais réfère au mode opératoire associé au travail et à l'ensemble de la tâche. Croupière. La présomption ne s'applique pas. Maladie non reconnue: Casino de Montréal et Olivieri, [1997] C.A.L.P. 988.

La seule répétitivité de mouvements ne suffit pas pour établir le droit à la présomption d'une maladie professionnelle. Il faut qu'il y ait utilisation d'une certaine force, d'une certaine pression dans l'exécution du travail, une cadence imposée, des postures contraignantes et une amplitude des mouvements. Auxiliaire en informatique. La présomption ne s'applique pas. Maladie non reconnue: Chenette et Ministère du Revenu Québec, [1997] C.A.L.P. 1672, requête en révision judiciaire rejetée, C.S. Montréal, 500-05-038284-974, 98-05-21, j. Trudeau.

Il n'est pas nécessaire de démontrer rigoureusement l'amplitude et la force des mouvements. Seule la répétition d'un mouvement sur une période de temps prolongée est exigée. Commis à différents postes. La présomption s'applique. Maladie reconnue: Société canadienne des postes et Bilodeau, 08815-63-8808, 98-01-23, J.-M. Dubois, (J9-13-49), révision rejetée, [1998] C.L.P. 1151; la présomption s'applique. Maladie reconnue: Simard et Société canadienne des postes, [1998] C.L.P. 1201, révision rejetée, 101150-02-9805, 01-03-19, C. Lessard.

Au stade de l’application de la présomption de l’article 29, il n’est pas nécessaire de démontrer que le travailleur effectue exactement le même geste sur des périodes de temps prolongées. Une multitude de gestes, quoique variés, s’ils sollicitent la même région anatomique peuvent, selon chaque cas, correspondre à la notion de travail impliquant des répétitions de mouvements ou de pressions sur des périodes de temps prolongées, leur cumul étant susceptible de causer une pathologie au même site. De plus, l’annexe I n’exige pas la démonstration d’une amplitude de mouvement et de la force. Exiger, au stade de l’application de la présomption, que les mouvements impliquent des facteurs de risques non prévus à l’annexe aurait pour conséquence d’ajouter au texte de la loi. Toutefois, ces facteurs de risques ou leur absence peuvent être considérés dans l’analyse de la preuve de l’employeur visant à renverser cette présomption. La présomption s'applique. Maladie non reconnue: Société canadienne des postes et Renaud, [1999] C.L.P. 746; la présomption s'applique. Maladie non reconnue: Rossi et Société Diamond Tea Gown inc., 220900-72-0311, 04-05-07, Anne Vaillancourt.

Le facteur de risque choisi par le législateur est la répétitivité des mouvements ou des pressions et non l'amplitude de ces mouvements ou les positions contraignantes dans l'exécution de ces mouvements. La preuve de l'existence ou de l'absence de ces derniers éléments peut cependant permettre de renforcer le lien existant entre le travail incriminé et la lésion musculo-squelettique identifiée ou de renverser cette présomption selon les circonstances: Borden (Division Catelli) et Gougeon, 137230-71-9907, 01-01-08, C. Racine.

Le travailleur effectue au cours d'une même journée une multitude de mouvements qui sont tous de nature à solliciter les tendons fléchisseurs des doigts, de sorte que c'est plutôt le cumul de ces mouvements qu'il faut considérer aux fins de conclure à des mouvements effectués de manière répétitive. La présomption s'applique. Maladie reconnue: Leduc et General Motors du Canada ltée, [2002] C.L.P. 714.

Au stade de l’application de la présomption, qui vise à faciliter au travailleur la preuve d’une maladie identifiée nommément, une interprétation libérale de l'expression «répétitions de mouvements» s’impose. Celle-ci laisse place à la présence de gestes variés, multiples, mais sollicitant une même structure anatomique, celle qui est atteinte pathologiquement. D’ailleurs, l’expression utilisée ne parle pas de «répétition de mêmes mouvements». Si l’effet de la présomption de l’article 29 est de présumer du lien causal entre telle maladie et le type de travail, il va de soi que la répétition de mouvements doit concerner une même structure anatomique, mais c’est aller au-delà des exigences de la preuve que de requérir des répétitions des «mêmes» mouvements: Galura et Technicolor Canada inc., [2003] C.L.P. 355; Cossette et Vêtements S. & F. (Canada) ltée, 352056-64-0806, 09-01-20, M. Montplaisir.

Le concept de répétitions de mouvements impose, par définition, que l'on tienne compte non seulement du nombre des répétitions mais aussi de la période de temps au cours de laquelle elles se produisent, c'est-à-dire du rythme auquel les mouvements se succèdent, de leur fréquence ou cadence. Pour être jugés répétitifs au sens de la loi et donner ouverture à la présomption de l'article 29, les mouvements en cause, sinon identiques, du moins physiologiquement semblables, doivent être répétés non seulement en nombre suffisant, mais aussi selon une cadence assez rapide, et ce, de façon continue. Nombre et durée des répétitions permettent ensuite de juger si elles sont maintenues sur des périodes de temps prolongées: Bigeault et I.C.C. Cheminées industrielles inc., 183731-64-0205, 03-10-17, J.-F. Martel, révision rejetée, 04-11-16, L. Boucher; Righini et P.R. St-Germain inc., 322759-62B-0707, 08-11-10, Alain Vaillancourt, (08LP-154).

Concernant l'application de la présomption prévue à l'article 29, la tendinite est une lésion mentionnée à l'annexe I. La travailleuse doit cependant prouver qu'elle est exposée à des mouvements répétitifs qui impliquent une sollicitation du long adducteur et court extenseur du pouce droit. Quant aux autres critères — la force, les postures contraignantes, les vibrations et la température ambiante —, ils ne sont pas inclus dans la notion de gestes répétitifs prévue à l'annexe I. Il s'agit plutôt de risques différents qui peuvent s'ajouter à la répétition de mouvements. Or, le législateur, au paragraphe 2 de la section IV de l'annexe I, parle bien de gestes répétitifs ou de pressions sur des périodes de temps prolongées. Cette mention exclut donc ces autres facteurs de risques au niveau de l'application de l'annexe I et seront plutôt utiles quant à l'application de l'article 30. Dans le contexte de l'application de la présomption prévue à l'article 29, et de l'annexe I, les mouvements répétitifs ou les pressions doivent impliquer un phénomène de surutilisation de la structure anatomique «lésée» Champagne et Corporation Inglasco ltée, 245449-05-0410, 05-03-30, P. Simard.

Le législateur ne définit pas la notion de «répétitions de mouvements ou de pressions sur des périodes de temps prolongées», mais la jurisprudence enseigne que les gestes répétitifs s'entendent de mouvements ou de pressions semblables, sinon identiques, qui doivent se succéder de façon continue, pendant une période de temps prolongée et à une cadence assez rapide, avec périodes de récupération insuffisantes. Les mouvements ou pressions doivent nécessairement impliquer la structure anatomique visée par la lésion identifiée. Par ailleurs, la notion de mouvements répétitifs est indissociable de celle de l'organisation du travail en ce sens que les périodes de temps de repos doivent être considérées dans l'analyse du travail, et ce, afin de déterminer si un travail implique des répétitions de mouvements sur des périodes de temps prolongées. L'analyse de l'organisation du travail doit précéder celle des facteurs de risques et des cofacteurs. Il faut s'attarder sur la durée de la tâche et sur sa répétitivité puis sur les périodes de repos: Frigon et Arboriculture de Beauce inc., 330347-04-0710, 10-06-15, D. Lajoie.

Au stade de l'application de la présomption, il n'est pas nécessaire de démontrer que le travailleur effectue exactement le même geste sur des périodes de temps prolongées. Une multitude de gestes, s'ils sollicitent la même région anatomique, peut correspondre à la notion de travail impliquant des répétitions de mouvements ou de pressions sur des périodes de temps prolongées, leur cumul étant susceptible de causer une pathologie au même site. L'annexe I n'exige pas la démonstration d'une amplitude de mouvements ou d'une force donnée selon une cadence imposée. Exiger des facteurs de risque non prévus à l'annexe I, au stade de la présomption, équivaut à ajouter aux conditions imposées par la loi. Ces facteurs de risque ainsi que la présence ou non de repos suffisant peuvent cependant être considérés dans l'analyse de la preuve de l'employeur visant le renversement de la présomption: Couture et Pretium Canda Co., 2011 QCCLP 6022.

Périodes de temps prolongées

La décision du commissaire selon laquelle la période de temps prolongée de mouvements répétés doit inclure non seulement le cumul des années de travail mais aussi la fréquence journalière du mauvais mouvement sans interruption significative est une conclusion mixte de droit et de faits que l'on ne peut qualifier de manifestement déraisonnable ou de clairement irrationnelle. Cette conclusion représente d'abord une interprétation des textes de l'article 29 et de son annexe I qui se justifie aisément de même qu'une application logique de l'ensemble de la preuve à cette interprétation: Châles c. Société canadienne des postes, [1999] C.L.P. 246 (C.A.).

L'expression «périodes de temps prolongées» ne signifie pas la durée (jours, mois, années) d'un emploi ou d'une tâche spécifique, mais la période durant laquelle le travailleur effectue des mouvements répétitifs ou nécessitant une pression. Maladie non reconnue: Grenier et Provigo Distribution inc., 44826-09-9211, 95-07-20, C. Bérubé; Leduc et General Motors du Canada ltée, [2002] C.L.P. 714.

Tendinite du poignet droit. Aide générale aux cuisines. Les mouvements effectués pour recouvrir les casseroles mobilisaient les tendons frottant sur l'extrémité distale du radius. Ce qui constitue une période de temps prolongée s'apprécie en fonction des circonstances propres à chaque cas. Il n'est pas nécessaire qu'un travail ait été effectué pendant des mois ou des années. Le seuil de tolérance à la douleur est différent pour chaque individu. La présomption s'applique. Maladie reconnue: Les entreprises Cara ltée et Brodeur, 64711-64-9412, 96-09-27, M. Zigby.

Tendinite calcifiée de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche et capsulite associée. Encaisseuse à la conserverie. En ce qui concerne les périodes de temps durant lesquelles les gestes de la travailleuse ont été accomplis, il est démontré qu'elle est encaisseuse depuis de nombreuses années. De plus, les heures travaillées sont importantes (7h10 sur 8h) et les pauses sont peu nombreuses et courtes. Normalement, les périodes de temps prolongées se calculent moins en termes d'années qu'en termes de nombre d'heures travaillées sans repos réparateur. Ici, le travail d'encaissage de boîtes de conserve a été accompli sur des périodes de temps prolongées, que l'on s'exprime en termes d'années ou en termes d'heures travaillées sans repos réparateur. La présomption s'applique. Maladie reconnue: Borden (division Catelli) et Gougeon, 137230-71-9907, 01-01-08, C. Racine.

Dans l’expression «périodes de temps prolongées», le terme «prolongées» peut s’entendre de périodes de temps qui ont pu être interrompues par des pauses, lesquelles doivent être interprétées à la lumière du type de mouvements exécutés et de la durée dans le temps de leur exécution. Tenir pour acquis que ce terme inclut celui d’ininterruption de temps ajoute au texte et a pour résultat d’imposer au travailleur des exigences qui ne font pas partie du règlement: Galura et Technicolor Canada inc., [2003] C.L.P. 355.

L'expression «période de temps prolongées» que l'on retrouve à la section IV de l'annexe I réfère au nombre d'heures quotidiennement consacrées aux gestes répétitifs plutôt qu'au nombre d'années durant lesquelles l'emploi visé a été exercé: Charron et Héma-Québec, 175611-64-0112, 03-01-03, J.-F. Martel, (02LP-170); Cadieux et B.O.L.D., 216395-64-0309, 04-06-01, R. Daniel; Bermex International inc. et Rouleau, [2005] C.L.P. 1574, révision rejetée, 233846-04-0405, 07-03-19, L. Nadeau, (06LP-287).

Même si l’expression «périodes de temps prolongées» signifie plutôt le temps quotidien, il n’y a pas à exclure le nombre d’années, de mois ou de jours, puisqu’il s’agit d’une donnée qui concerne la durée de l'exposition qui, comme tout autre élément de la preuve, doit être considérée: Rossi et Société Diamond Tea Gown inc., 220900-72-0311, 04-05-07, Anne Vaillancourt.