LoiLATMP
TitreXII LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES: ART. 359, 359.1, 367 À 429.59, 450 ET 451
Section2. Les pouvoirs de la CLP et la décision à rendre: art. 377, al. 2
2.1 Le principe du «de novo»
Titre du document2.1 Le principe du «de novo»
Mise à jour2011-11-01


NB : Voir la section 1.1 de ce titre et ses sous-sections sur l'origine et l'étendue de la compétence de la CLP.
Voir la section 2 de ce titre sur la décision à rendre.
Voir la section 2.1.3 de ce titre sur le pouvoir de la CLP de rendre la décision qui aurait dû être rendue par l'instance inférieure.
Voir la section 7.5.3 du titre III sur les pouvoirs de la CLP dans le cadre d'une décision sur la remise de dette.

Généralités

L'appel devant la CALP est assimilable à un appel de novo où les parties ont, entre autres, le droit de faire entendre des témoins: Légaré c. CALP, [1989] C.A.L.P. 685 (C.S.).

La CALP est un organisme spécifiquement mandaté pour déterminer en dernier ressort si l'asthme bronchique dont souffre le travailleur constitue ou non une maladie professionnelle. Elle procède de novo en cette matière d'ordre médical qui est au centre de sa compétence: Dominion Textile inc. (Tissage Sherbrooke) c. CALP, [1989] C.A.L.P. 1082 (C.S.).

Les dispositions de la loi et les règles de pratique permettent la tenue d'une audition de novo et l'introduction d'éléments de preuve et d'arguments nouveaux non nécessairement soumis devant les instances antérieures: Les industries Super Métal inc. c. CALP, [1990] C.A.L.P. 565 (C.S.), appel rejeté, [1995] C.A.L.P. 1961 (C.A.); Girard et Aliments Culinar, [1992] C.A.L.P. 107.

La compétence de la CALP ne se limite pas à la seule preuve médicale versée au dossier de la CSST puisque de nouveaux rapports médicaux peuvent lui être présentés et qu'elle peut faire enquête elle-même: Goulian et Textilco inc., 13703-60-8907, 93-09-21, F. Dion-Drapeau, (J5-24-19) (décision sur requête en révision).

Le travailleur ayant lui-même renoncé à se faire entendre et à faire entendre tout témoin, la CALP peut, en vertu de l'article 400 et du pouvoir de procéder de novo, rendre la décision qui aurait dû être rendue par le bureau de révision sans être liée par l'appréciation de la preuve faite par ce dernier. La CALP a agi à l'intérieur de sa compétence en se prononçant sur la crédibilité du travailleur sans toutefois avoir entendu son témoignage: Peinture et Sablage Pontiac ltée et Iaquinta, [1993] C.A.L.P. 1326, requête en révision judiciaire rejetée, [1993] C.A.L.P. 1330 (C.S.); Ville de Repentigny et Rooseboom, 45685-63-9209, 94-12-19, N. Lacroix (décision sur requête en révision).

Le dossier du bureau de révision constitue une partie essentielle de la preuve dont est saisie la CALP et celle-ci doit en prendre connaissance. Si ce dossier n'était qu'un document instrumentaire, on pourrait certainement s'interroger sur l'obligation qu'a le bureau de révision de transmettre le dossier intégral à la CALP, car la copie de quelques pièces serait alors suffisante. De plus, exiger de la CALP qu'elle fasse abstraction de la majeure partie de ce dossier constituerait un exercice intellectuel d'une complexité inquiétante puisqu'elle devrait rendre une décision sans égard à certains éléments de preuve dont elle a déjà connaissance judiciaire. En fait, l'appel devant la CALP de type de novo est de nature hybride où il est permis aux parties de faire une preuve qui n'a pas été faite devant le bureau de révision, ou de produire de nouveaux témoins, mais où l'on devra également prendre connaissance du dossier transmis par celui-ci: Bellefleur et Câbles Canada ltée (Les), 42770-60-9208, 94-03-28, L. Thibault, (J6-12-10); Commission scolaire de Montréal et Landucci, [2002] C.L.P. 703.

La compétence de novo de la CALP implique qu'elle doit disposer des droits respectifs des parties en se référant aux seules dispositions de la LATMP, indépendamment de la décision rendue par le bureau de révision: Beaver Asphalt Paving Co. et Scalia, [1996] C.A.L.P. 985.

Il est acquis que la CLP tient une audience de novo, c’est-à-dire que le tribunal se livre à son propre exercice d’appréciation des faits qui lui sont soumis en administrant toute la preuve nécessaire à cette fin au moment de l’audience. Elle peut substituer sa propre décision à celle rendue en première instance, comme le prévoit l’article 377. La CLP disposera de l’ensemble des pièces du dossier constitué de déclarations diverses, de pièces médicales et de la décision de première instance. Ainsi, le tribunal, lors d'une audience de novo, non seulement peut, mais doit prendre connaissance du dossier transmis par le bureau de révision. Cet exercice d'appréciation appartient entièrement au tribunal qui doit se former une opinion à partir des éléments de preuve disponibles au dossier, le tout complété ou non par l'audition de témoins à l'audience. En l’espèce, la décision du bureau de révision faisait intégralement partie du dossier d’appel. Dans cette décision, on retrouve le témoignage consigné d’un collègue de la travailleuse. L'existencede ce témoin et de sa déclaration était connue de l’employeur, qui aurait pu le convoquer à l'audience devant le premier commissaire afin de le questionner et tenter de le confondre: CHSLD du Centre-Mauricie et Dupont-Mailhot, [1999] C.L.P. 800 (décision sur requête en révision).

En premier lieu, on doit conclure que le bureau de révision s’est saisi implicitement de l’ensemble de la décision de la CSST. De toute façon, même si le bureau de révision ne s’en était pas saisi par omission, la CLP peut s’en saisir. En effet, sa compétence, dont l’étendue est prévue à l’article 377, est de novo. Cela signifie qu’elle peut prendre en considération toute preuve pertinente, analyser tous les faits et apprécier tous les aspects d’une décision, même si cette preuve ou ces aspects n’ont pas été soulevés ou analysés pour en arriver à la décision contestée devant la CLP. En l’espèce, la CLP ne peut toutefois pas se saisir des questions relatives à l’atteinte permanente et aux limitations fonctionnelles. En effet, la CSST déclarait qu’il était trop tôt pour se prononcer sur ces sujets considérant que la lésion n’était pas encore consolidée. De plus, ces aspects ont fait l’objet de décisions distinctes qui n’ont pas été contestées. Elles ont donc le caractère de la chose jugée: Marché Bel-Air inc. et Desrochers, 90831-63-9708, 99-05-13, D. Beauregard, (99LP-44), révision rejetée, 99-12-13, P. Brazeau.

La CLP peut procéder à une révision complète des faits et des circonstances qui ont motivé la décision de la CSST et se faire sa propre idée du dossier à partir de la preuve. Son pouvoir tient davantage du procès de novo que de la révision pure et simple de la décision rendue en premier lieu. En l'espèce, la CLP a commis une erreur quant à sa juridiction en limitant de façon excessive son mandat à décider du bien-fondé de la décision de la CSST. Ce faisant, elle ne s'est pas prononcée sur l'ensemble du dossier, ce qui dénature son mandat de conduire un procès de novo et rend illusoire toute preuve de faits nouveaux. La question à laquelle elle devait répondre en vertu du pouvoir conféré à l'article 377 aurait dû être beaucoup plus englobante en raison des nombreux éléments de preuve qui se sont ajoutés au dossier depuis la décision de la CSST. Enfin, si la CSST était liée par le rapport du médecin traitant, il en va autrement de la CLP qui, en vertu de l'article 377, a tous les pouvoirs pour reconsidérer l'ensemble du dossier. À la suite de l'admission du médecin traitant, il était manifestement déraisonnable de la part de la CLP, vu son mandat très large, de ne pas permettre que soit revu et modifié le rapport de ce dernier. En statuant comme elle l'a fait, la CLP se trouve à lier le sort du requérant à la faute de son médecin traitant, ce qui est contraire aux principes les plus élémentaires de justice: Desruisseaux c. CLP, [2000] C.L.P. 556 (C.S.).

Quant à la compétence et à la juridiction de la CLP, le premier commissaire devait agir par voie de novo sur une décision portant sur l’admissibilité d’une réclamation introduite par la travailleuse. Il était donc appelé à se prononcer aussi bien sur les notions de travailleur, de contrat de travail, de délai d’introduction de la réclamation que sur celles d’accident du travail, de maladie professionnelle ou de rechute, récidive ou aggravation. Il lui appartenait également comme il l'a fait d’identifier les diagnostics posés par les médecins qui ont pris charge de la travailleuse afin de disposer de la relation causale pouvant exister avec les activités professionnelles de la travailleuse. Il s’agissait de la question initiale posée à la CSST, question dont devait décider l’agent ainsi que l’instance de révision. Le premier commissaire avait donc une compétence juridictionnelle complète pour actualiser toute l’information pertinente à ce débat et régler le tout par la décision qu’il a rendue: Veilleux et Confections de Beauce inc., [2003] C.L.P. 774 (décision sur requête en révision).

La CLP est compétente pour disposer de la demande de la travailleuse, soit d'actualiser le dossier et de fixer la date de consolidation de sa lésion professionnelle et de déterminer la nécessité des soins, et ce, bien qu'elle ne soit saisie que d'une contestation de l'employeur d'une décision de la révision administrative déclarant que la lésion n'était pas consolidée et qu'il y a lieu de poursuivre les traitements. Considérant qu'une saine administration de la justice commande au tribunal de statuer sur le fond de la question sans se restreindre aux prétentions de l'une ou l'autre des parties, il y a lieu d'actualiser le dossier, puisque les circonstances le justifient, et ainsi éviter une multiplication de recours coûteux et inutiles aux parties: C.H. Hôtel-Dieu de St-Jérôme et Émond, 184115-64-0205, 04-06-22, T. Demers, (04LP-39).

La première commissaire devait apprécier les témoignages, leur véracité et leur force probante en fonction de l'ensemble des autres informations disponibles, y compris celles figurant dans les documents médicaux. L'ensemble de ces documents fait partie de la preuve et doit être apprécié à ce titre en fonction des autres éléments disponibles. En effet, l'ensemble des pièces figurant au dossier constitue, de façon générale, une preuve par ouï-dire qui peut être appréciée à son mérite par le tribunal. On ne peut rejeter la réclamation du travailleur, même s'il assume le fardeau de la preuve de démontrer l'existence d'une lésion professionnelle, au seul motif de son absence pour témoigner devant le tribunal et le fait que le dossier soit constitué essentiellement d'une preuve par ouï-dire n'entraîne pas de façon automatique le rejet de sa réclamation. La CLP tient une audience de novo, c'est-à-dire qu'elle se livre à son propre exercice d'appréciation des faits qui lui sont soumis en administrant toute la preuve nécessaire à cette fin dans le cadre de l'audience. De plus, l'article 377 autorise le tribunal à substituer sa propre décision à celle rendue en première instance: Maison Marcoux et Gagnon, 215578-03B-0309, 04-08-30, J,-L. Rivard (décision sur requête en révision).

Le premier commissaire pouvait apprécier tout motif, toute preuve et tout élément même nouveau permettant de remettre en cause la validité de la décision initiale de la CSST portant sur l'admissibilité de la réclamation visant la reconnaissance d'une maladie professionnelle pulmonaire. En conséquence, la remise en cause de la validité des tests, tels que ceux effectués dans une clinique de Denver, était tout à fait prévisible. L'argument de l'employeur sur le caractère non prévisible de la demande faite à l'audience par le travailleur visant à remettre en cause la validité des tests n'a donc aucun fondement. D'autant plus que le Comité des maladies professionnelles pulmonaires (CMPP), dès son avis émis le 15 mars 2004, énonçait clairement que le travailleur s'interrogeait sur la qualité des tests et qu'il entendait obtenir une nouvelle investigation. De plus, le CMPP a suggéré que le dossier devrait lui être soumis à nouveau si d'autres tests étaient obtenus dans un autre milieu. L'employeur ne peut donc prétendre qu'il est pris par surprise; il devait plutôt s'attendre à ce que cette question soit soulevée lors de l'audience à laquelle il a décidé, de son propre chef, de ne pas êre présent: Minville et Centre de Santé des Haut-Bois, 191344-31-0210, 07-01-26, J.-L. Rivard (décision sur requête en révision).

La compétence de la CLP est limitée à l’appel sur le litige originel puisqu’elle peut rendre la décision qui aurait dû être rendue en premier lieu, et ce, en vertu des pouvoirs de novo prévus à l’article 377. Elle ne peut donc pas disposer d’une demande totalement étrangère à la décision contestée devant elle. Le travailleur ne peut se servir d’un litige portant sur l’existence ou non d’une lésion professionnelle survenue dans des circonstances précises et à une date donnée pour y substituer la survenance d’une autre lésion professionnelle survenue dans d’autres circonstances et à une autre période: Trudel et Service de transport adapté de la Capitale inc., [2008] C.L.P. 388.

Pouvoirs de la CLP pour statuer sur une demande de partage de coûts en vertu d'un autre article que celui sur lequel la demande est basée

La CLP possède les pouvoirs

Bien que les décisions rendues par la CSST et l’instance de révision se limitent à déterminer si l'employeur est obéré injustement en vertu de l'article 326, la CLP estime qu’elle peut, conformément à l'article 377, se prononcer sur un partage des coûts en vertu de l’article 329 puisque, dans sa demande, l'employeur en requiert l’application: Confort Expert inc., 175451-71-0112, 03-03-21, C. Racine, (02LP-193).

La CLP a la compétence en vertu de l’article 377 pour statuer sur une demande de partage de coûts sur un sujet donné même si la demande initiale de l'employeur visait une autre disposition prévue aux articles 326 et suivants. La CLP accorde un partage d'imputation en vertu de l'article 329 et de façon subsidiaire, elle aurait également accordé un partage en relation avec la notion d’obération injuste: Corus S.E.C., [2004] C.L.P. 1267.

La CLP a compétence pour statuer sur une demande de partage de coûts en vertu de l'article 329 alors que la demande initiale de l'employeur à la CSST visait plutôt une demande de transfert selon l'article 327. Cette demande de l'employeur ne remet pas en jeu la compétence du tribunal mais fait plutôt appel au principe du de novo qui caractérise le processus de contestation de la CLP: Pâtisserie Chevalier inc., 215643-04-0309, 04-05-28, S. Sénéchal, (04LP-42); GlaxoSmithKline Biologicals, 334462-03B-0711, 08-06-02, J.-F. Clément, (08LP-61).

Depuis l’affaire Pâtisserie Chevalier inc., la CLP reconnaît sa compétence pour statuer sur une demande de partage de coût en vertu d’une disposition prévue à la loi même si la demande initiale de l’employeur visait plutôt une autre disposition, et ce, par application du principe de novo qui caractérise le processus de contestation à la CLP. Ce principe ne doit cependant pas entrer en conflit avec celui du caractère définitif et irrévocable d’une décision rendue par la CSST lorsqu’elle n’a pas été contestée. En l’espèce, l'employeur a explicitement demandé un partage de coût en vertu des dispositions des articles 326, 327 et 329. La CSST a choisi de rendre des décisions séparées sur chacune des dispositions. Ainsi, sa décision concernant les articles 31 et 327 n’a pas été contestée et a acquis un caractère définitif et irrévocable. La CSST a également refusé le partage de coûts en vertu de l’article 326, et la demande de révision de l'employeur de cette décision n’a pas encore été traitée par l’instance de révision. Or, les pouvoirs de novo de la CLP ne peuvent servir à court-circuiter les paliers de contestation prévus par le législateur. Pour donner compétence à la CLP en vertu de l’article 369, la décision de la CSST à l’encontre de laquelle une requête est déposée doit avoir passé le processus de la révision administrative, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, et il serait prématuré pour la CLP de s’en saisir malgré les pouvoirs prévus à l’article 377 et le caractère de novo des audiences devant elle. La CLP peut cependant se prononcer sur la question de l'imputation selon l'article 329 puisqu’une décision a été rendue par l’instance de révision et qu’une contestation a été valablement déposée: Hôpital Ste-Croix, [2005] C.L.P. 775.

La CLP ne possède pas les pouvoirs

Une demande de partage des coûts faite en vertu d'un article ne peut être interprétée comme donnant compétence à la CLP pour décider d'un partage basé sur un autre article de la loi en l'absence d'une décision de l'instance de révision de la CSST sur ce sujet, car il ne s'agit pas d'une simple question de procédure, mais d'une question de compétence. La CLP doit rendre la décision qui aurait dû être rendue, mais uniquement en regard du sujet traité dans la décision contestée puisqu'elle tire compétence de cette décision: Les Industries Dorel ltée, 184209-71-0205, 03-04-14, L. Couture, (03LP-21).

L'interprétation que le tribunal a retenue de l’exercice de ses pouvoirs ne constitue pas une erreur manifeste de droit donnant ouverture à la révision. Le tribunal pouvait, au motif qu'il n'a pas compétence, refuser de disposer de l’argumentation de l’employeur qui demandait un partage d’imputation en vertu de l’article 329 alors que la CSST n'avait pas été saisie d'une telle demande: Achille de la Chevrotière ltée et CSST, 188200-08-0207, 05-06-23, M. Carignan, (05LP-86) (décision sur requête en révision), requête en révision judiciaire rejetée, C.S. Rouyn, 600-17-000191-057, 06-06-28, j. Guertin.

Droit d'être entendu

Dans la mesure où un appel constitue un procès de novo, le tribunal d'appel est en droit d'infirmer la décision de l'instance inférieure entachée de nullité par suite du défaut d'entendre l'appelant: Harelkin c. University of Regina, [1979] 2 R.C.S. 561.

Même si les instances inférieures ne se sont prononcées que sur des moyens préliminaires, la CLP a toute la compétence nécessaire pour décider de la question de fond. Comme elle procède «de novo», elle peut entendre une preuve qui n'a pas été entendue devant l'instance inférieure et, en ce sens, le travailleur ne peut invoquer un manquement à son droit d'être entendu. La CSST était «functus officio» en rendant sa décision. Bref, la CLP peut se saisir du fond du litige puisqu'elle est saisie de l'appel d'un moyen préliminaire: Frigidaire Canada et Bernier, 92672-63-9711, 99-02-19, S. Di Pasquale (décision sur requête en révision).

Le défaut de l'instance de révision administrative de la CSST de donner l'occasion à une partie intéressée par un litige de présenter ses observations n'entraîne pas automatiquement la nullité absolue de la décision. La doctrine enseigne qu'une décision rendue en contravention des règles de justice naturelle est frappée de nullité relative et qu'un tribunal d'appel peut corriger un tel manquement. Or, la CLP possède les pouvoirs nécessaires en vertu de l'article 377 de procéder de novo et de corriger la contravention commise par l'instance de révision: Société immobilière du Québec et Centre jeunesse de Montréal, [2000] C.L.P. 582.

Dans l’exercice de sa compétence, la CLP a le pouvoir de remédier à toute irrégularité qui aurait pu affecter le processus décisionnel antérieurement suivi, même celui de remédier à une illégalité qui aurait pu être commise au niveau inférieur. La CLP étant valablement saisie de la décision de la CSST donnant suite à l’avis du membre du BEM, même si l’employeur ne peut faire déclarer irréguliers cet avis et la décision de la CSST y donnant suite en invoquant une violation des règles de justice naturelle, il lui est néanmoins loisible de faire valoir ses prétentions quant à la partialité du membre du BEM lors de l'audience tenue par la CLP sur le fond de sa contestation: Les Constructions Reliance Canada ltée et Chagnon, [2003] C.L.P. 429, révision rejetée, 185573-61-0206, 04-05-04, A. Suicco.

En vertu du pouvoir de novo, la CLP peut remédier à toute irrégularité ou illégalité ayant pu être commise aux étapes antérieures, y compris à des manquements aux règles de justice naturelle ou à l’équité procédurale. Ainsi, les nombreux employeurs qui n'ont pas été impliqués dans le processus d'analyse et d'admissibilité de la réclamation du travailleur pour une maladie professionnelle, pourront faire valoir devant la CLP tous les moyens de fait et de droit qu'ils auraient pu faire valoir devant l'instance de révision de la CSST: L'Archevesque et 174948 Canada inc., [2005] C.L.P. 70.

Qualification de la lésion professionnelle

La seule question en litige est de déterminer si le travailleur a subi une lésion professionnelle. Or, il est vrai que la loi reconnaît qu'une lésion professionnelle peut prendre plusieurs formes, dont l'accident du travail, la maladie professionnelle ou la rechute, récidive ou aggravation de l'une ou l'autre de ces deux formes de lésion. Le rôle de la CSST, du bureau de révision et éventuellement de la CALP consiste à répondre à cette question. Par conséquent, le fait de renoncer à invoquer l'un ou l'autre type de lésion devant le bureau de révision ou devant la CALP est sans conséquence puisque la question dont ces instances sont saisies est de déterminer s'il y a lésion professionnelle. Décider autrement serait empêcher la CALP de remplir pleinement le rôle qui lui a été confié, car elle ne pourrait rendre la décision que la CSST aurait dû rendre, comme le lui indique l'article 400 de la loi: Lessard et Société des alcools du Québec, 60390-62-9406, 96-02-15, L. Thibault; Caberlotto et Dales inc., 84412-60-9612, 98-02-27, A. Archambault, (J9-13-39) (décision accueillant la requête en révision); Reliure Sélecte inc. et Bédard, 138248-32-0005, 00-11-27, M.-A. Jobidon, (00LP-112).

La CLP doit non seulement déterminer si le travailleur a subi une lésion professionnelle mais elle doit, au surplus, qualifier cette lésion professionnelle. En effet, il est essentiel de bien identifier la lésion professionnelle en cause car les éléments de preuve requis pour la démonstration d'un accident du travail sont différents de ceux requis en matière de récidive, rechute ou aggravation ou en matière de maladie professionnelle: Lafrenière et Sodema, [2001] C.L.P. 12.

Comme l'article 377 prévoit que la CLP peut rendre la décision qui, à son avis, aurait dû être rendue en premier lieu, ce pouvoir de procéder de novo lui permet de puiser dans l'ensemble de la preuve disponible pour rechercher si les composantes de toute lésion professionnelle s'y trouvent. La CLP doit s'acquitter de cette tâche sans se limiter au contenu du dossier transmis par la CSST ou à l'appréciation de la preuve faite par cet organisme, même dans les cas où la demande faite devant elle est nouvelle en ce qu'elle diffère du litige engagé devant les instances inférieures: Dent et Intersan inc., [2002] C.L.P. 400.

Le fait que la CSST n’ait jamais examiné la lésion sous l’angle de la rechute ne modifie en rien la compétence de la CLP. La loi reconnaît qu’une lésion professionnelle peut prendre plusieurs formes et le fait que la CSST ait analysé la réclamation sous un certain angle ne modifie en rien la question en litige, à savoir si la travailleuse a subi une lésion professionnelle. En l’espèce, la CLP était saisie d’une décision concernant une réclamation pour lésion professionnelle. Le libellé initial de cette réclamation ne saurait limiter sa compétence sur l’objet en litige, dans le cadre d’un «appel administratif» par voie de novo. En accueillant l’objection préliminaire de l’employeur et en restreignant sa compétence aux seuls aspects soulevés par la réclamation, la CLP n’a pas exercé pleinement sa compétence: Fortier et Société minière Raglan Québec ltée, 122296-08-9907, 02-05-15, P. Simard, (02LP-46) (décision accueillant la requête en révision).

En vertu de l'article 377, la première commissaire avait une compétence complète, lui permettant d'actualiser son dossier et ainsi de recevoir toute la preuve pertinente à la solution de l'objet en litige. La contestation introduite devant la CLP lui permettait en effet d'assumer les mêmes pouvoirs que la CSST pour rendre la décision que cet organisme aurait dû rendre en première instance. La seule limite à son pouvoir est l'objet en litige devant elle. Or, il s'agissait de l'admissibilité d'une réclamation pour lésion professionnelle. Conformément à la définition de cette expression, la notion de lésion professionnelle recouvre aussi bien les notions d'accident du travail, de maladie professionnelle, que de récidive, rechute ou aggravation d'un tel événement. Lorsque le tribunal est saisi de l'admissibilité d'une réclamation pour lésion professionnelle, il a la capacité de se prononcer sur tous les types de lésion professionnelle. Dès lors, la première commissaire n'a commis aucune erreur dans l'établissement de sa compétence puisque l'analyse initiale de la réclamation du travailleur effectuée par la CSST, dans le contexte d'une maladie professionnelle pulmonaire, ne pouvait limiter la notion de lésion professionnelle, incluant tout type de maladie professionnelle et, à la limite, l'application des notions d'accident du travail ou de rechute, récidive ou aggravation: Lambert et Fonderies Bibby Ste-Croix inc., 89897-04-9707, 02-08-14, P. Simard (décision sur requête en révision).

Lorsque la CLP est saisie d'une question d'admissibilité d'une lésion professionnelle, elle peut analyser toutes les facettes de cette notion, à savoir vérifier l'existence d'un accident du travail, d'une maladie professionnelle ou d'une récidive, rechute ou aggravation. La CLP n'est pas liée par les représentations des parties, notamment quant à la nature particulière d'une lésion professionnelle, puisqu'elle bénéficie de larges pouvoirs en vertu de l'article 377: Dufresne et Norton Céramiques avancées du Canada, 183797-04-0204, 02-09-27, J.-F. Clément, (02LP-111); Succession M... L... et V... A..., [2007] C.L.P. 1139 (décision sur requête en révision).

La CLP doit exercer sa compétence sans se limiter au contenu du dossier transmis par la CSST ou à l'appréciation de la preuve faite par cet organisme, même dans les cas où la demande faite devant le tribunal est nouvelle en ce qu'elle diffère du litige engagé devant les instances inférieures. En l'espèce, la CSST a analysé la demande du travailleur sous l'angle d'une récidive, rechute ou aggravation en tenant pour acquis que la lésion initiale était consolidée par le rapport médical du 19 septembre 2001. Or, elle n'a jamais rendu de décision à ce sujet et le travailleur prétend que l'arrêt de travail du 17 octobre 2002 s'inscrit plutôt en continuité de la lésion initiale. La CLP possède la compétence nécessaire pour analyser la demande du travailleur puisqu'elle rend la décision qui aurait dû être rendue. Elle conclut donc que la lésion professionnelle initiale du 2 août 2001 n'est pas encore consolidée et que l'arrêt de travail du 17 octobre 2002 s'inscrit en continuité de cette lésion et non comme une rechute, récidive ou aggravation, objet de la décision contestée en l'instance: Major et Rock & Pauline Patry Transport, [2004] C.L.P. 811.

Comme la CLP a déjà rendu une décision déclarant que la réclamation du travailleur pour faire reconnaître l'existence d'une maladie professionnelle a été déposée dans le délai prescrit par l'article 272 et qu'elle est donc recevable, la CLP ne peut examiner, comme le voudrait maintenant le travailleur, l'admissibilité de sa réclamation sous l'angle de l'accident du travail. En acceptant de considérer la survenance d'une blessure causée par un accident du travail, le tribunal ferait fi de la décision finale de la CLP et devrait, dans ce nouveau contexte, s'interroger à nouveau sur la recevabilité de la réclamation, eu égard à son délai de production, causant ainsi une menace sérieuse à la stabilité des décisions: Sigouin et Bau-Val inc., 196052-04B-0212, 04-08-25, D. Lajoie, (04LP-92).

Même si la travailleuse disait s'être blessée au travail, sa réclamation a été traitée par la CSST sous l'angle d'une RRA de sa lésion professionnelle de mai 1993 et l'audience initiale devant la CLP a porté uniquement sur cette question. L'hypothèse d'un accident du travail n'a jamais été soulevée lors de l'audience. Le premier commissaire pouvait malgré tout aborder le litige sous cet angle, mais il devait alors en informer les parties et notamment la CSST, que ce soit lors de l'audience ou en cours de délibéré, afin de leur permettre de soumettre leurs arguments concernant cette hypothèse: Charette et Kateri School et Sancella inc., 287572-01A-0603, 08-01-25, C.-A. Ducharme (décision accueillant la requête en révocation), révision rejetée, 08-10-27, M. Carignan.

La CLP peut, en vertu de ses pouvoirs de novo, qualifier la lésion selon la preuve faite devant elle et elle n’est pas liée par l’appellation particulière de la lésion faite par les parties. D’ailleurs, la possibilité de reconnaître l’existence d’une lésion prévue à l’article 31 a été évoquée à l’audience et l’employeur a eu l'occasion de faire valoir ses moyens à ce sujet: Paré Centre du camion White GMC et Groleau, 316375-03B-0705, 08-06-02, J.-F. Clément, (08LP-73).

Divers

La CSST accepte la réclamation de la travailleuse à compter du 13 novembre 1989, date à laquelle cette dernière a subi une arthroscopie. La travailleuse conteste cette décision en alléguant que la lésion professionnelle doit être reconnue à partir de la date du premier examen médical, c'est-à-dire le 31 août 1989. La CALP décide que, en vertu de l'article 400, elle est compétente pour se prononcer sur la décision de la CSST acceptant la réclamation de la travailleuse et conclut qu'elle n'a pas subi de récidive, rechute ou aggravation, ses lésions relevant d'une condition personnelle. Ni l'employeur, qui était présent devant le bureau de révision, ni la CSST qui est intervenue devant la CALP, n'ont voulu remettre en cause l'acceptation de la réclamation de la travailleuse par la CSST. En analysant l'ensemble du dossier et en décidant que la travailleuse n'a pas subi de lésion professionnelle le 31 août 1989 ni le 13 novembre 1989, la CALP a surpris non seulement la travailleuse, mais également la CSST. Elle a mis de côté le principe de la stabilité juridique tout en faisant perdre à la travailleuse le droit d'être entendue sur les questions qui ne faisaient pas l'objet de son appel. Par ailleurs, les pouvoirs accordés à la CALP par l'article 400 peuvent être exercés dans la mesure où une décision rendue par la CSST et soumise au bureau de révision «porte sur le lien de causalité». En l'espèce, la CALP s'est substituée aux fonctions exercées par la CSST et le bureau de révision, ce qu'elle ne pouvait faire: Dufresne c. CALP, [1994] C.A.L.P. 1796 (C.S.).

Le commissaire ne pouvait pas ne pas tenir compte du témoignage du médecin traitant et se considérer lié par le diagnostic d’entorse lombaire posé initialement par ce médecin. Ce faisant, il omet en effet de prendre en considération un nouvel élément important qui s’est ajouté au dossier, soit la résonance magnétique et le fait que le résultat de cet examen a amené le médecin qui a charge à modifier son opinion pour retenir comme diagnostic de la lésion une hernie discale L5-S1. Il ignore du même coup un autre élément primordial de la preuve, soit le fait que tous les médecins, même celui de l’employeur, sont d’avis que la travailleuse a subi une hernie discale L5-S1: Metellus et Agence de douanes et du revenu du Canada, 137129-71-0003, 01-06-22, C.-A. Ducharme, (01LP-51) (décision accueillant la requête en révision).

La CLP a compétence pour reconnaître l'existence d'une lésion professionnelle survenue en novembre 1996 même si la CSST a reconnu que le travailleur avait plutôt subi une telle lésion à compter du 12 juillet 1999. Que la CSST en soit venue à une conclusion différente relève d'une appréciation différente du cas et non du fait qu'elle ne se soit pas prononcée sur la réclamation du travailleur. De plus, en vertu du pouvoir de procéder de novo que lui confère cet article, la CLP peut rendre la décision qui aurait dû être rendue en premier lieu sans se limiter au contenu du dossier transmis par la CSST ou à l’appréciation de la preuve faite par cet organisme, et ce, même lorsqu’il semble que la CSST n’a pas disposé de la question de l’existence d’une lésion professionnelle à une date déterminée: General Motors du Canada ltée et Bélair, 142955-64-0007, 02-09-30, J.-F. Martel, (02LP-113).

Le litige réside dans la détermination du caractère professionnel ou non des diagnostics de gynécomastie et d’apnée du sommeil. En vertu des pouvoirs de novo conférés par l’article 377, la CLP peut faire la relation non seulement avec l’événement de 1981, mais également avec celui de 1986, surtout que le dossier traite de l’ensemble des séquelles laissées par ces deux traumatismes de façon peu distincte: Paquin et Marcel Bélisle (faillite), [2005] C.L.P. 481.

La CLP a le pouvoir de déterminer la date d’une lésion professionnelle dont on lui demande la reconnaissance. À cet égard, elle retient le 3 mai 2001 puisque c'est à cette date, même si le travailleur a attendu avant de déposer une réclamation, que sont survenues la reprise évolutive et l’aggravation de sa lésion, qu’il a consulté un médecin et qu’il est devenu moins fonctionnel, et ce, même s'il a attendu au 17 juin 2002 pour déposer sa réclamation: Côté et Bombardier Prod. récréatifs inc., [2005] C.L.P. 958.

Comme la CLP a le pouvoir de déterminer la date d’une lésion professionnelle dont on lui demande la reconnaissance, le tribunal retient que le travailleur a subi une récidive, rechute ou aggravation le 10 mars 2004 puisque c’est à cette date que le travailleur a consulté son médecin qui a alors décidé de la nécessité d'une nouvelle chirurgie. Que le travailleur ait été sur la liste d’attente de l’établissement de santé pendant un an et qu’il n’ait subi la chirurgie que le 10 mars 2005 ne change rien au fait que, dès mars 2004, la détérioration de sa condition avait été constatée par son médecin. Rousseau et Société de transport de l'Outaouais, [2006] C.L.P. 85.

En ce qui concerne la compétence du tribunal, dans son jugement, la Cour supérieure annule les décisions rendues par la CLP les 5 avril et 23 octobre 2007. Ce faisant, elle n’a pas jugé bon de statuer elle-même sur les conclusions du litige, préférant retourner le dossier au tribunal pour qu’il en dispose suivant la loi. D'ailleurs, aucune indication dans le dispositif du jugement ni aucune ordonnance de la Cour ne fait en sorte que le tribunal serait lié par une conclusion ou une autre à cet égard. Il ne doit décider du litige qu’en conformité avec la loi et doit reprendre de novo l’ensemble de la preuve et son analyse, selon la compétence dont il dispose conformément à l’article 377: Charette et Transport GJY Piché 1984 inc., 297051-64-0608, 09-05-11, R. Daniel, (09LP-9).