Référence : Règlement sur la qualité du milieu de travail, R.R.Q., 1981, S-2.1, r. 15
Règlement sur la santé et la sécurité du travail, (2001) 133 G.O. II, 5020, art. 131
Généralités
Comme la loi ne définit pas la notion de bruit excessif, la CLP s'en remet à la définition du terme «excessif» que donne le dictionnaire. Le travailleur doit donc démontrer, non pas une exposition à un bruit important ou significatif, mais plutôt une exposition à un bruit «qui dépasse la mesure souhaitable ou permise, qui est trop grand, trop important»: Lemieux et René G. Paré inc., [2007] C.L.P. 717.
La loi ne renferme aucune définition de l'expression «bruit excessif». Selon la jurisprudence majoritaire, la norme prévue au Règlement sur la santé et la sécurité du travailne correspond pas à la définition de bruit excessif de la loi, puisque cette norme réglementaire vise un autre objectif que celui visé par la loi. Ainsi, une exposition en deçà de cette norme peut tout de même représenter une exposition à un bruit excessif. En l'absence de définition légale, il faut se référer au sens commun des termes. Ainsi, «excessif» signifie «qui dépasse la mesure souhaitable», «qui est trop grand ou trop important». Aucune référence donc à une norme précise ou prédéterminée. Ainsi, selon la jurisprudence, au stade de l'application de la présomption, le travailleur n'a pas à prouver une durée spécifique d'exposition à un bruit excessif ni un niveau sonore auquel son travail l'expose. En effet, ce serait ajouter aux exigences considérées suffisantes pour son application. L'effet recherché par le législateur en édictant une telle présomption est de faciliter au travailleur la preuve de la relation entre son travail et sa lésion. Comme il a maintes fois été rappelé, la loi doit recevoir une interprétation large et libérale. Pour l'application de la présomption d'une atteinte auditive causée par l'exposition à un bruit excessif, de simples allégations ou de vagues impressions subjectives dépourvues d'u minimum d'éléments objectifs ne peuvent suffire. Cependant, une fois la preuve faite des éléments qui permettent la mise en application de la présomption, il appartient à l'employeur de la renverser: Corporation Zedbed international inc. et Pellerin, 379729-04-0905, 10-03-01, J. Degré.
Les normes réglementaires s'appliquent
Peintre au pistolet dans l'industrie du meuble. Il présente des sifflements, des vertiges et une perte d'audition. Les études de bruit révèlent des niveaux variant entre 84 et 88dB, provenant de ventilateurs. Durée de travail de 40 heures par semaine depuis 1977. Les niveaux de bruit n'excèdent pas les normes réglementaires. Le bruit n'est donc pas excessif. La présomption ne s'applique pas. Maladie non reconnue: Fiorilli et Fabrication de précision inc., 25879-60-9101, 93-03-31, M. Zigby, (J5-11-12).
Boucher depuis 40 ans et utilisant des appareils bruyants. Selon le Règlement sur la qualité du milieu de travail, le niveau de bruit continu ne peut dépasser 90 dBA pour un 8 heures d'exposition. L'étude versée en preuve par l'employeur pour tenter de renverser la présomption ne peut être retenue car il n'est pas démontré que les tests ont été faits en respectant les normes requises et elle n'est pas représentative de l'exposition réelle des travailleurs au bruit chez l'employeur. La présomption s'applique. Maladie reconnue: Délicana Nord-Ouest et Brousseau, [1995] C.A.L.P. 1740.
Préposé au service à la clientèle à bord d'un train. Utilisation par analogie, pour le niveau de bruit excessif, du Règlement sur la qualité du milieu du travail. Il n'y a pas d'exposition à un bruit excessif. La présomption ne s'applique pas. Maladie reconnue suivant l'article 30: Sheir et Via Rail Canada, [1995] C.A.L.P. 1755.
Un bruit ne sera considéré comme excessif que s'il dépasse les normes réglementaires (Règlement sur la qualité du milieu du travail)établies pour une période de temps ou une fréquence donnée. La présomption ne s'applique pas. Maladie non reconnue: Richard et Thomas O'Connell inc., 45917-62-9211, 95-02-28, J.-Y. Desjardins; maladie non reconnue: Fana Terrazo ltée et Barcarolo, [1995] C.A.L.P. 1807.
La LATMP ne définit pas le bruit excessif mais le Règlement sur la qualité du milieu du travailadopté en vertu de la LSST établit des normes maximales d'exposition au bruit, bien que son objet soit différent de la LATMP. Toutefois, il n'implique pas que tout travail fait à des niveaux de bruit légèrement inférieurs pour des périodes identifiées soit sécuritaire. En l'espèce, l'exposition sur une période de huit heures varie de 86 à 87 ou 89 dB(A) selon l'étude, niveau suffisamment élevé pour entreprendre des mesures de prévention, mais insuffisant pour que ces bruits soient qualifiés d'excessifs (90 dB(B) pour huit heures) et donnent naissance à la présomption prévue à l'article 29. Maladie non reconnue: Gauthier et Les industries Hancan inc., 45880-62-9210, 96-05-01, G. Robichaud, (J8-04-10)
La durée d'exposition au bruit est un critère qui doit être retenu aux fins de l'application de l'article 29, et ce, d'autant plus qu'il est spécifiquement prévu au règlement découlant du paragraphe 7 de l'article 223 LSST. En effet, selon le Règlement sur la qualité du milieu du travail, pour un niveau de bruit équivalant à 85dBA, le temps d'exposition permis est de 16 heures par jour. Il s'infère clairement, tant des évaluations environnementales effectuées par le CLSC que du règlement, que la dose d'exposition au bruit doit être calculée en fonction du nombre d'heures d'exposition par jour. La travailleuse n'a pas démontré avoir été exposée à des bruits excessifs durant tout le temps qu'elle a travaillé chez son employeur et elle ne peut ainsi bénéficier de la présomption de maladie professionnelle prévue à l'article 29: Roger-Bagg et Aliments Dare ltée, 230766-62-0403, 05-05-04, H. Marchand.
Les normes réglementaires ne s'appliquent pas
Le travailleur présente une perte auditive aux deux oreilles. Les tests de bruit continu varient entre 85 et 92dB. Le travailleur doit établir que son travail impliquait l'exposition à un bruit excessif. La loi ne définit pas cette notion. Le Règlement sur la qualité du milieu de travailne doit pas être appliqué à cet égard car son objet est d'imposer aux employeurs une limite pénale et une amende, ce qui est différent de l'objet remédiateur de la LATMP. Dans les circonstances, il serait déraisonnable d'appliquer la norme réglementaire qui prévoit la limite de bruit continu maximale permise dans un établissement à la notion de bruit excessif prévue à la loi. Il est clair qu'une exposition qui se situe entre 80 et 90dB peut causer une atteinte neuro-sensorielle. La notion de bruit excessif réfère à un niveau de bruit qui peut causer une atteinte neuro-sensorielle. Comme condition préalable à l'application de la présomption, le travailleur doit donc démontrer la présence d'une telle atteinte. L'employeur a lui-même considéré le niveau de bruit dans son établissement comme étant excessif et a mis en branle des mesures préventives: Rondeau et Bow Plastiques ltée, 29574-62-9106, 92-12-16, J. L'Heureux, (J5-02-07); J. Sirois électrique inc. et Blackburn, 73829-02-9510, 96-10-15, M. Carignan, (J8-09-15); Bond et BG Checo inc., [1999] C.L.P. 270.
Il serait inapproprié d'appliquer ipso facto la norme réglementaire, qui prévoit la limite de bruit continu maximale permise dans un établissement, à la notion de «bruit excessif» prévue à la loi. L'objet du Règlement sur la qualité du milieu de travail, soit d'imposer une limite légale du niveau de bruit, n'est pas le même que celui visé par la présente loi qui est de réparer les lésions professionnelles et ses conséquences. Il constitue néanmoins une norme utile pour se prononcer sur la notion de «bruit excessif» qui peut causer une atteinte neurosensorielle: Philipps Électronique ltée et Baron Caoutchouc ltée, 66210-64-9502, 96-06-13, B. Lemay; Lemieux et René G. Paré inc., [2007] C.L.P. 717, Léonard et CSSS Antoine-Labelle, 2011 QCCLP 1818, [2010] C.L.P. 894.
Policier exposé à des bruits d'impacts lors des séances de tirs au fusil. Les bruits d'impacts générés par les tirs de fusils dépassent les 140 dB sans les protections auriculaires, et même avec celles-ci, peuvent dépasser la norme réglementaire malgré que cette norme ne soit pas celle qui fixe le seuil minimum en application de la loi. De surcroît, lorsque les bruits d'impacts survenus au travail la dépassent, le bruit peut être qualifié de bruit excessif. Maladie reconnue: Sorel et Sûreté du Québec, 149595-07-0011, 01-12-20, M. Langlois.
La notion de bruit excessif prévue à la loi n'est pas définie par la norme prévue au Règlement sur la qualité du milieu de travail,puisque cette dernière a un tout autre objet que celui visé par la présente loi. L'objet de la loi étant la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent, la notion de bruit excessif réfère plutôt à un niveau de bruit qui peut causer une atteinte neurosensorielle, de telle sorte qu'un niveau inférieur à la norme réglementaire peut, selon le cas, être jugé excessif: Sweeney et Cartonniers Laval inc.,172387-61-0111, 02-04-19, G. Morin.
Aux fins d’application de la présomption de maladie professionnelle prévue à la LATMP, on ne peut importer une donnée inscrite à un règlement visant à établir des normes minimales de protection en regard de la santé et de la sécurité des travailleurs. Ces données ne peuvent servir à qualifier l’exposition au bruit subie par le travailleur d’excessive ou non. L’objet du Règlement sur la qualité du milieu de travail vise à définir des seuils maximaux d’exposition à des contaminants donnés, comme le bruit, alors que celui visé par la LATMP est la réparation des conséquences d’une lésion professionnelle. Ces deux concepts sont fort différents. Si le législateur avait voulu associer la notion de bruit excessif contenue à l'annexe I aux limites maximales de niveaux sonores contenues au règlement, il l’aurait clairement indiqué. En utilisant les termes «bruits excessifs», il a justement laissé place à une certaine appréciation ou discrétion qui doit être exercée tant par la CSST que par la CLP. En limitant l’application de la présomption de maladie professionnelle aux seuls cas où les niveaux sonores dépassent la norme prévue au règlement, la CSST a restreint la portée de cette présomption d’une façon qui n’est pas prévue à la LATMP: Brisson et Cité de Dorval, [2003] C.L.P. 417.
L'objet du Règlement sur la qualité du milieu de travail est de déterminer la limite maximale de bruit permise dans un établissement alors que la loi vise la réparation des lésions professionnelles et les conséquences qu'elles entraînent. La notion de «bruit excessif» prévue à la section IV de l’annexe 1 de la loi réfère à un niveau d’exposition au bruit susceptible de causer une atteinte neurosensorielle. Ainsi, un niveau d’exposition inférieur à la norme réglementaire peut être considéré comme excessif. Il faut malgré tout s’en remettre à des critères objectifs d’intensité et de durée d’exposition. Il revient au travailleur de démontrer qu'il a été exposé à un bruit pouvant être qualifié d'excessif par une preuve établissant les endroits où s’est exercé le travail, les sources de bruit environnantes, le temps d’exposition et surtout le niveau de bruit auquel il a été soumis: Commission scolaire des Navigateurs et Thibault, [2003] C.L.P. 623.
Aux fins d’application de la présomption de maladie professionnelle, on ne peut importer une donnée inscrite à un règlement visant à établir des normes minimales de protection en regard de la santé et la sécurité du travail. Les deux concepts sont fort différents. Si le législateur avait voulu associer la notion de bruit excessif contenu à l’Annexe I aux limites maximales de niveau sonore contenu au Règlement sur la qualité du milieu de travail, il l’aurait clairement indiqué. En utilisant les termes «bruit excessif», il a justement laissé place à une certaine appréciation et discrétion qui doivent être exercées tant par la CSST que par la CLP. En limitant l’application de la présomption de maladie professionnelle aux seuls cas où les niveaux sonores dépassent la norme prévue au règlement, l’on restreint la portée de cette présomption d’une façon qui n’est pas prévue à la loi: Vinconneau et Général Motors du Canada ltée, 223487-64-0312, 05-03-30, R. Daniel, (04LP-306).
Une exposition à des niveaux avoisinant 85 dBA peut constituer une exposition à un bruit excessif. Si le législateur avait voulu définir expressément la notion de bruit excessif et que celle-ci soit fixée à 90 dBA, il l'aurait fixée comme telle: Savoie et Hydro-Québec, 283658-64-0602, 08-01-29, R. Daniel, (07LP-255).
La jurisprudence a rappelé qu'il serait déraisonnable d'utiliser la norme réglementaire pour l'associer à la notion de bruit excessif aux fins de l'application de la présomption de maladie professionnelle prévue à l'article 29. L'objet du règlement est d'établir des normes minimales de protection, alors que l'objet de la loi est la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent. Une exposition à des niveaux avoisinant 85 dB peut constituer une exposition à un bruit excessif puisque cette notion n'est pas définie à la loi et laisse donc ainsi place à une certaine appréciation: Salvatore et Piquage Canada CQ ltée (Fermé), 2011 QCCLP 6471.
Nature et fardeau de la preuve
Le travailleur, pour faire la preuve qu'il a exercé un travail l'exposant à un bruit excessif, n'est pas obligé de produire une étude de bruit qui lui est spécifique. Il n'a qu'à faire une preuve raisonnable de reconnaissance générale du milieu de travail, en autant que cette preuve soit appuyée sur des données indépendantes reconnues et non seulement sur de simples allégations: Formco inc. et Albert, [1996] C.A.L.P. 1157, révision accueillie sur un autre point, 68668-04-9504, 96-09-13, P. Brazeau; Bond et BG Checo inc., [1999] C.L.P. 270; Gratton et Asbestos Erectors du Canada (fermé), 194107-61-0211, 03-03-31, G. Morin; Durocher et Transforce inc., [2004] C.L.P. 449.
Bien que le travailleur n'ait pas offert de preuve scientifique démontrant que son travail impliquait une exposition à un bruit excessif, la CSST et le bureau de révision ont accepté la demande d'indemnisation sur la base de leur connaissance d'office que l'environnement dans lequel évolue un conducteur de machinerie lourde ne respecte pas la norme acceptable de 90dB. À partir du moment où les employeurs étaient conscients du fait que ces instances décisionnelles s'en remettaient à leur connaissance d'office pour reconnaître le caractère professionnel de la lésion, ils devaient, s'ils désiraient contrer ce constat, prouver leurs allégations, ce qui n'a pas été fait: Les entreprises G.N.P. inc. et Cegelec Entreprises, [1996] C.A.L.P. 1273.
Le travailleur n'a pas apporté de preuve précise quant au niveau de bruit qui existe à l'intérieur des tunnels ou sur le chantier de construction pendant un nombre d'heures spécifiques durant les deux ans et demi passés. Cependant, il serait absurde d'exiger qu'un travailleur fasse une preuve scientifique spécifique quant aux conditions de travail remontant à plus de trente ans. Il serait injuste et irait à l'encontre de l'objet de la LATMP d'exiger d'un travailleur une preuve extrêmement difficile et coûteuse. La preuve faite par l'étude épidémiologique soumise répond de façon satisfaisante aux exigences de l'article 29: De Bonis et Formco inc., 78129-60-9603, 97-10-07, P. Capriolo.
Le seul témoignage du travailleur n'est pas suffisant pour établir la preuve de bruits excessifs bien qu'il ne soit pas mis en doute qu'il a exercé son métier d'électricien pendant de nombreuses années dans un milieu de travail bruyant et qu'il utilisait des outils bruyants: Lavoie et A.E.C.Q., 82463-03-9609, 97-11-19, M. Carignan.
Pour déterminer si un bruit est excessif, il faut s'en remettre aux normes édictées dans le Règlement sur la qualité du milieu de travail. Cependant, il ne faut pas exiger d'un travailleur qu'il fasse la démonstration qu'il exécute toujours un travail où l'exposition au bruit dépasse les normes édictées par ce règlement, ce qui serait un niveau de preuve trop exigeant: Commission des services électroniques et Deschamps, 100035-62-9803, 99-08-12, R. Hudon; Lechasseur et Général Motors du Canada ltée, 130674-64-0001, 02-04-04, T. Demers.
Le travailleur doit faire la preuve des endroits où il a travaillé, des sources de bruits environnants, du temps d'exposition et surtout du niveau de bruit auquel il était soumis: Thuot et Multi-marques distribution inc., 144647-61-0008, 01-01-17, B. Lemay; Commission scolaire des Navigateurs et Thibault,[2003] C.L.P. 623; Genfoot inc. et Gosselin, [2006] C.L.P. 574, révision rejetée, 245725-62-0410, 08-01-23, L. Nadeau; Les industries Méta-For inc. et Rotondo, 313132-61-0703, 08-11-20, G. Morin, (08LP-185); Richard et General Motors du Canada ltée, 392930-64-0910, 10-05-21, M. Lalonde.
En l'absence de preuve précise et objective concernant non seulement le niveau de bruit atteint, mais aussi la durée continue ou cumulative de l'exposition, il est impossible d'appliquer la présomption prévue par l'article 29 sans se livrer à des hypothèses et à des conjectures: Dufour et A.C.R.G.T.Q., 154215-32-0101, 02-08-28, G. Tardif, (02LP-99); Commission scolaire de la Seigneurie-des-Mille-Iles et Trudeau, 218838-64-0310, 05-10-17, R. Daniel, (05LP-171)
Pompier durant plus de 25 ans. Les sources principales d’exposition au bruit sont les moteurs de camion, la pompe, la sirène et l’utilisation d’outils, telles les scies à chaîne. Selon les seules évaluations quantitatives de l’intensité des bruits générés par l’équipement, soit les rapports de la Ville de Montréal et du département de santé communautaire de l’hôpital Sainte-Justine, l’intensité du bruit, dans certaines circonstances, est considérable, allant jusqu’à 121 dBA pour la sirène électronique. Cependant, la durée et les conditions d’exposition du travailleur sont beaucoup plus difficiles à établir étant donné les variables à prendre en considération. Notamment, la fréquence des sorties varie d’une caserne à l’autre, la durée d'une intervention varie selon la nature de l’événement, les conditions d’exposition varient aussi selon la tâche du travailleur lors d’un événement particulier et la durée de l’exposition au bruit de la sirène est fonction de la durée du trajet, qui prend généralement de 5 à 15 minutes, mais aussi de l’utilisation qui en est faite. Ainsi, l’exposition spécifique du travailleur est virtuellement impossible à quantifier précisément. Cependant, la preuve démontre que le travailleur est exposé à des bruits intenses, mais que ce n’est que sporadiquement et pour de courtes durées. Or, même s’il n’est pas du tout certain que, pondérée sur huit heures, l’exposition du travailleur soit supérieure à 85 dBA, seuil au-delà duquel un bruit peut être considéré comme excessif selon la jurisprudence, il demeure que certains bruits auxquels il est occasionnellement exposé sont d’une intensité telle que le règlement prohibe une telle exposition. La CLP ne peut donc conclure autrement qu’à une exposition à un «bruit excessif» et le travailleur bénéficie de la présomption prévue à l’article 29: Ville de Laval et Pilon, [2005] C.L.P. 830.
En ce qui concerne le critère de l’exposition à des bruits excessifs dans l’application de la présomption de l’article 29, le témoignage du travailleur sur la protection personnelle et le fait qu’il était exposé six heures par jour au bruit de l’outillage doit être pondéré. En effet, il est plus que probable que le travailleur portait une protection personnelle auditive intermittente depuis longtemps. De plus, selon l’horaire type, il enseigne tout au plus 17 périodes par semaine. Chaque période d’enseignement est de 75 minutes et est espacée d’au moins une pause de 20 minutes ou de 70 minutes pour le dîner. Le travailleur n’est donc jamais exposé de façon continue pour plus de 75 minutes. Par ailleurs, la preuve n’établit pas qu’en tout temps, durant les pauses et la période du dîner, le travailleur procède à la préparation de matériel ou à la récupération avec des élèves en difficulté et utilise constamment l’outillage mentionné. Il n’est donc pas exposé de façon continue sur une période de temps importante. En ce qui concerne le niveau de bruit, selon une étude d’un hygiéniste industriel, les mesures rapportées au niveau ambiant oscillent entre 68 et 96 dBA, selon la position du travailleur durant le cours lorsque les appareils sont en marche. Toutefois, comme le travailleur demeure tout au plus exposé à ces niveaux durant 4 périodes de 75 minutes par jour, périodes qui sont systématiquement espacées dans le temps et donc non continues, on ne peut conclure à une exposition à des bruits excessifs. Il est donc impossible d’appliquer la présomption prévue par l'article 29: Commission scolaire de la Seigneurie-des-Mille-Iles et Trudeau, 218838-64-0310. 05-10-17, R. Daniel, (05LP-171).
Il revient au travailleur de démontrer qu'il a été exposé à un bruit pouvant être qualifié d'excessif par une preuve établissant les endroits où s'est exercé le travail, les sources de bruit environnantes, le temps d'exposition et surtout le niveau de bruit auquel il a été soumis. On doit se rattacher à certaines données objectives ayant trait, par exemple, au niveau de bruit généré par certains outils ou au niveau de bruit prévalant dans des entreprises du même genre que celle où le travailleur a exercé un travail de nature à engendrer la surdité. Il faut également une preuve sur la durée d'exposition. Le tribunal ne peut, aux fins d'appliquer la présomption de maladie professionnelle, simplement se baser sur la «commune renommée» pour établir les niveaux de bruit ayant pu exister durant les années auxquelles réfère le travailleur. Bien que l'entreprise ciblée soit fermée depuis de nombreuses années, il aurait été possible de rechercher certaines données relatives aux niveaux de bruit généré par les outils tels que ceux utilisés par le travailleur à l'époque ou par le type de travail que celui-ci a exercé. En l'absence de preuve de données objectives permettant de situer le niveau d'exposition auquel le travailleur a été soumis, la présomption de maladie professionnelle ne peut s'appliquer: Frappier et Acier N.G.P. inc., 264072-62-0506, 06-09-25, L. Couture.
Le travailleur n’a soumis aucune preuve directe et précise du niveau de bruit auquel il a été exposé et de la durée de cette exposition. Il témoigne que son environnement de travail a toujours été bruyant, il parle des outils utilisés, mais sans en préciser le modèle ou la marque exacts, ni leur durée d’utilisation, alors qu’une telle recherche aurait pu être faite. Une mesure du niveau de bruit prévalant dans l’atelier du principal employeur ainsi que sur un ou deux chantiers usuels aurait pu être prise. Une étude de bruit concernant des couvreurs et des ferblantiers travaillant dans des conditions comparables aurait également pu être produite, de même qu’un rapport d’un spécialiste en matière d’exposition au bruit ou d'atteinte auditive. Selon la jurisprudence, le travailleur n’est pas obligé de produire une étude de bruit qui lui soit spécifique, mais sa preuve ne peut être constituée que de simples allégations de sa part ou n’être basée que sur la «commune renommée» quant au bruit auquel il était exposé dans son travail. En l'absence de preuve de l'exposition du travailleur à un bruit excessif, la présomption de maladie professionnelle ne peut s'appliquer: Lemieux et René G. Paré inc., [2007] C.L.P. 717.
Il est bien établi qu'un travailleur n’est pas obligé de produire une étude de bruit qui lui soit spécifique, mais il n’en demeure pas moins que sa preuve ne peut pas être constituée de simples allégations ou n'être basée que sur la «commune renommée» quant au bruit auquel il était exposé dans son travail. Il lui revient de démontrer qu'il a été exposé à un bruit pouvant être qualifié d'excessif et, pour ce faire, il doit offrir une preuve établissant les endroits où s’est exercé le travail, les sources de bruit environnantes, le temps d’exposition et surtout le niveau de bruit auquel il a été soumis, et ce, à partir de données objectives et fiables. En l'espèce, en l'absence d'une telle preuve, le tribunal ne peut appliquer la présomption sans se livrer à des hypothèses et à des conjectures. Maladie non reconnue: Kolostat inc. et Thérien,[2009] C.L.P. 537.
La loi ne renferme aucune définition de l'expression «bruit excessif». Selon la jurisprudence majoritaire, la norme prévue au Règlement sur la santé et la sécurité du travailne correspond pas à la définition de bruit excessif de la loi, puisque cette norme réglementaire vise un autre objectif que celui visé par la loi. Ainsi, une exposition en deçà de cette norme peut tout de même représenter une exposition à un bruit excessif. En l'absence de définition légale, il faut se référer au sens commun des termes. Ainsi, «excessif» signifie «qui dépasse la mesure souhaitable», «qui est trop grand ou trop important». Aucune référence donc à une norme précise ou prédéterminée. Ainsi, selon la jurisprudence, au stade de l'application de la présomption, le travailleur n'a pas à prouver une durée spécifique d'exposition à un bruit excessif ni un niveau sonore auquel son travail l'expose. En effet, ce serait ajouter aux exigences considérées suffisantes pour son application. L'effet recherché par le législateur en édictant une telle présomption est de faciliter au travailleur la preuve de la relation entre son travail et sa lésion. Comme il a maintes fois été rappelé, la loi doit recevoir une interprétation large et libérale. Pour l'application de la présomption d'une atteinte auditive causée par l'exposition à un bruit excessif, de simples allégations ou de vagues impressions subjectives dépourvues d'u minimum d'éléments objectifs ne peuvent suffire. Cependant, une fois la preuve faite des éléments qui permettent la mise en application de la présomption, il appartient à l'employeur de la renverser: Corporation Zedbed international inc. et Pellerin, 379729-04-0905, 10-03-01, J. Degré.
Pour démontrer une exposition à un bruit excessif, le travailleur n’a pas à produire une étude de bruit qui lui est spécifique. La preuve raisonnable de connaissance du milieu de travail suffit dans la mesure où cette preuve s’appuie sur des données indépendantes reconnues et non sur de simples allégations. En l'espèce, la preuve permet de conclure que le travailleur a été exposé à un bruit excessif dans le cadre de son travail de mécanicien dans le domaine de l'automobile. En effet, la preuve de bruit excessif repose, d'une part, sur une étude de l’IRSST qui met en lumière des niveaux de bruit variant entre 83,2 dB et 104,3 dB émis lors de l’utilisation de différents outils par les mécaniciens dans le domaine de l’automobile. Cette étude reflète de façon raisonnable le milieu de travail du travailleur. D’autre part, le témoignage du travailleur permet également au tribunal de conclure qu’il a été exposé à un bruit excessif. Il confirme que les outils faisant l’objet de l’étude de l’IRSST sont ceux qu’il utilise sur une base quotidienne. De plus, la façon de communiquer avec ses collègues, en criant ou encore en donnant une tape sur l’épaule, représente pour le tribunal une preuve d’un environnement de travail où les niveaux sonores sont élevés. La présomption s'applique. Maladie reconnue: Lévesque et Gestion Famille Bucci inc., 396137-63-0911, 10-06-11, P. Bouvier, révision rejetée, 2011 QCCLP 2057.
Technicien ambulancier depuis 34 ans. Considérant les carences et limites de l’évaluation environnementale déposée par l’employeur; considérant que la sirène n’est pas la seule source de bruit à laquelle sont exposés les ambulanciers; considérant les autres bruits auxquels ces derniers sont aussi exposés dans le cadre de leur travail; considérant le type de véhicule utilisé par le travailleur durant la majeure partie de ses années de service (moteur bruyant, insonorisation déficiente, absence de climatisation); il y a lieu de conclure que le travailleur a très probablement été exposé à un niveau de bruit excessif durant sa carrière. Maladie reconnue: Weller et Corporation Urgences-Santé, 383524-71-0907, 10-08-19, M. Zigby.
Un travailleur, pour faire la preuve qu’il a exercé un travail l’exposant à un bruit excessif, n’est pas obligé de produire une étude de bruit qui lui est spécifique. Il n‘a qu’à faire une preuve raisonnable de reconnaissance générale du milieu de travail, en autant que cette preuve soit appuyée sur des données indépendantes reconnues et non seulement sur de simples allégations. Cette preuve n'a pas été faite et le tribunal ne peut se fonder sur la «commune renommée» pour établir les niveaux de bruit ayant pu exister durant les années concernées. Le seul témoignage d’un travailleur, même s’il est crédible, est insuffisant pour faire la preuve de l’exposition à des niveaux de bruit excessif, car la perception subjective de celui-ci n’est pas une mesure fiable pour évaluer le niveau de bruit auquel il a été exposé: Tremblay et Ciment St-Laurent (Fermé), 2011 QCCLP 4192.
Même si les courbes audiologiques ne démontrent pas une remontée typique dans les hautes fréquences, une atteinte auditive causée par le bruit a tout de même été établie. Une application trop restrictive équivaut à exiger du travailleur la démonstration d'un lien de causalité entre cette atteinte auditive et l'exposition au bruit, ce que veut éviter le législateur par l'instauration d'une présomption. Les rapports des audiogrammes démontrent une surdité bilatérale et presque symétrique et aucune procédure d'évaluation médicale n'a été entreprise afin de contester le diagnostic de surdité neurosensorielle bilatérale: Ville de Québec et Duhamel, 2011 QCCLP 5127
Le travailleur a subi une aggravation de sa surdité professionnelle dans l'exercice de son travail de papetier, de 2006 à 2010, puisque la preuve démontre qu'il a été exposé à un bruit excessif comme par les années passées où la CSST lui a reconnu une surdité professionnelle et des RRA à plusieurs reprises. De plus, comme le travailleur portait des appareils auditifs numériques depuis 2006, il devait, plusieurs fois par jour, les utiliser en mode «normal» afin de parler à des collègues, après avoir enlevé ses coquilles, ce qui l'exposait à des bruits supérieurs à ceux notés dans une étude sonométrique:
Lévesque et F.F. Soucy inc., 2011 QCCLP 6843.
Norme ISO
Le travailleur doit démontrer qu'il a été exposé à un bruit pouvant être qualifié d'excessif par une preuve établissant les endroits où s'est exercé le travail, les sources de bruit environnantes, le temps d'exposition et le niveau de bruit auquel il a été soumis. Le respect de la norme ISO constitue un élément des plus utiles pour décider si un travailleur a été exposé à un bruit excessif. L'intégration des mesures de bruit selon la norme ISO serait plus appropriée pour prévenir les risques d'atteintes auditives par le bruit étant donné que les mesures de bruit effectuées conformément à la norme OSHA, sur laquelle le Règlement sur la qualité du milieu de travailest basé, sous-évalueraient le niveau d'exposition au bruit quotidien moyen auquel est exposé un travailleur pendant un quart de travail. Ainsi, le risque de développer une surdité professionnelle est accru pour les travailleurs exposés à un niveau de pression acoustique continu équivalent pondéré de 85dBA et plus pour 8 heures d'exposition, avec un facteur de bissection de 3dB et un seuil d'intégration de 80dBA, alors que le règlement prévoit qu'aucun travailleur ne doit être exposé à un niveau de bruit continu de 90dBA pendant une période de temps plus longue que 8 heures: Cournoyer et Q.I.T. Fer et Titane inc., 210744-62B-0306, 04-02-26, Alain Vaillancourt.
Afin de déterminer si le travailleur a été exposé à un bruit excessif, il faut examiner l'intensité de l'exposition au bruit à son travail ainsi que sa durée. Un audiologiste et un ingénieur ont procédé à des études de bruit à l'école où le travailleur enseignait. Le tribunal retient les résultats de l'étude effectuée par le premier. Tout d'abord, celui-ci est audiologiste et il a évalué le risque d'atteinte à l'audition attribuable à l'exposition au bruit en utilisant la méthode ISO de même que la conformité des doses de bruit avec la réglementation en vigueur au Québec en utilisant la méthode OSHA. L'ingénieur, quant à lui, a évalué les niveaux de bruit et les a comparés aux normes prescrites par le Règlement sur la santé et la sécurité du travail en se servant de la méthode OSHA uniquement. Dans un article, après avoir mentionné qu'il y a consensus scientifique, législatif et dans le réseau public de santé du Québec pour utiliser le facteur de la méthode ISO, les auteurs citent deux études effectuées par l'IRSST. Les auteurs concluent que les hygiénistes du travail du réseau public de santé ont unanimement choisi l'approche ISO comme étant la plus adéquate. La plupart des pays et quelques provinces canadiennes autres que le Québec utilisent la méthode ISO, en plus d'avoir des limites d'exposition plus restrictives. Une autre raison pour retenir l'étude sonométrique de l'audiologiste est que la norme nationale du Canada indique de suivre la méthode ISO; Hansen et Commission scolaire Riverside, [2010] C.L.P. 717.
La présomption de maladie professionnelle s'applique puisque le travailleur a une atteinte auditive causée par le bruit et qu'il a été exposé à des bruits excessifs dans le cadre de son travail de mécanicien-assembleur de moteurs d'avions. Certaines mesures réalisées chez l'employeur jusqu'en 1994 sous-estiment l'exposition réelle du travailleur, car elles ont été effectuées avec un facteur de bissection de Q=5, selon la norme OSHA, alors que si ces études avaient été faites avec la norme ISO, dont le facteur de bissection est de Q=3, les niveaux de bruits seraient plus élevés, norme que privilégie le tribunal: Pratt & Whiyney Canada et Émond, 2011 QCCLP 4313, [2011] C.L.P. 248.
Travailleur à la retraite
Travailleur à la retraite qui a déjà été mineur et a travaillé avec divers appareils dont le niveau sonore est très élevé et qui n'a jamais porté d'équipement de protection auditive. Diagnostic de surdité d'origine industrielle. Le travailleur a exercé durant de nombreuses années des fonctions impliquant une exposition à des bruits excessifs. La présomption s'applique. Maladie reconnue: Ville de Windsor et Leclerc, 11007-05-8901, 91-03-27, F. Poupart, (J3-11-18).
Opérateur de rebobineuse de 1944 à 1985, à la retraite. Le travailleur ne souffrait pas de surdité professionnelle au moment de sa retraite. On ne peut conclure que la baisse de l'acuité auditive puisse être attribuable à l'exposition aux bruits industriels puisqu'il n'est pas exposé depuis 1985. Il est prouvé qu'une surdité due aux bruits cesse d'évoluer lorsque cesse l'exposition: Toupin et Stone-Consolidated inc., 50485-04-9304, 95-01-20, J.-G. Roy.
Électricien-câbleur dans l'industrie de la métallurgie pendant 33 ans. Un an et demi après sa retraite, il présente une réclamation pour une surdité professionnelle. La progression de la surdité ne cesse pas du jour au lendemain après le retrait du travailleur du milieu de travail où il a été exposé à des bruits excessifs: Duclos et Q.I.T. Fer et titane inc., [1996] C.A.L.P. 884
Travailleur à la retraite depuis 1977. Des audiogrammes faits avant sa retraite démontrent que le niveau d'atteinte auditive n'était pas compensable. En 1991, il produit une réclamation pour surdité professionnelle, les courbes auditives démontrant une progression de son atteinte. Il ne faut pas confondre l'existence de la maladie professionnelle et le droit à une indemnité pour dommages corporels. Bien que les courbes soient compatibles avec une presbyacousie qui est un phénomène de vieillissement normal qui survient progressivement, cela n'est pas suffisant pour écarter l'effet de la présomption. La presbyacousie a des conséquences graves sur la vie quotidienne d'un travailleur déjà partiellement handicapé par une déficience de l'audition: Hydro-Québec et Yelle, 56532-62-9401, 96-01-11, L. Thibault.