LoiLATMP
TitreXII LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES: ART. 359, 359.1, 367 À 429.59, 450 ET 451
Section4. La preuve
4.2 Le fardeau de la preuve
Titre du document4.2.1 La règle de la prépondérance des probabilités
Mise à jour2011-11-01


NB : Cette section ne contient que des décisions ou des jugements rendus depuis le 1er avril 1998.

La CALP n'a pas rendu une décision juridique mais a risqué une décision scientifique, ce qui n'est pas de son domaine et constitue en soi un excès de juridiction. La CALP a imposé à la requérante un fardeau de preuve qui est illégal, indu et injuste. Elle a exigé de la requérante une preuve scientifique que même la communauté médicale est incapable de faire. Devant un tribunal, comme la CALP, ce n'est pas la règle du «hors de tout doute raisonnable» qui s'applique mais bien la règle de la probabilité. Or, selon la preuve, il y a un ensemble de faits graves, précis et concordants qui permettent de croire que le rapport de causalité est probable. À partir de ce moment, il appartenait à la CSST de démontrer qu'il n'y avait pas de rapport de causalité entre la lésion professionnelle et la fibromyalgie, ce qui n'a pas été fait: Chiasson c. CALP, [1998] C.L.P. 1086 (C.S.), appel rejeté, [2001] C.L.P. 875 (C.A.); Côté et P. Bélanger et C. Ranger Pharmaciens, [2001] C.L.P. 95; nécrose avasculaire des hanches: Richard et Scieries Chics-Chocs, [2002] C.L.P. 487.

La CLP ne pouvait obtenir de preuve irréfragable dans un domaine aussi controversé que la fibromyalgie et elle aurait dû se contenter de probabilités en tenant compte de tous les faits mis en preuve. Or, elle a fait fi du fait le plus important qui était révélé par le témoignage de la travailleuse, soit que les douleurs ont débuté de façon contemporaine à l’exercice de l’emploi de décoratrice. En exigeant que la travailleuse fasse une preuve scientifique que même la communauté médicale est incapable de faire, la CLP a violé les règles de justice naturelle. Il existe au dossier un ensemble de faits graves, précis et concordants qui permettent de croire au lien de causalité recherché. En omettant d’en tenir compte, la CLP a excédé sa compétence: Gratton c. CLP, [1999] C.L.P. 187 (C.S.).

Différentes études épidémiologiques ont été déposées dans le but d'établir et/ou de contester la relation entre le travail et un syndrome du canal carpien. On constate que le monde médical n'a pas réussi à faire l'unanimité sur le caractère possible, plausible ou probable d'une telle relation. Par ailleurs, le débat semble avoir glissé à l'encontre de la validité et/ou de la valeur probante de ces études épidémiologiques, favorables à l'une ou l'autre position. Or, il ne relève pas de la compétence de la CLP de se prononcer sur la valeur de telle ou telle étude épidémiologique, et cela d'autant plus qu'au fil des années, l'évolution de la recherche médicale permet de modifier, de valider et/ou d'infirmer les conclusions d'études qui, jusqu'alors, pouvaient encore servir d'autorité. Ainsi, le tribunal qui n'entend pas conclure sur la valeur probante des études et constatations faites et colligées doit cependant procéder à l'analyse de l'ensemble des éléments de la preuve testimoniale et documentaire qui concerne le volet factuel et médical de cette preuve, pour se prononcer, dans les limites de sa compétence, sur les questions qui lui sont soumises: Les Industries Mailhot inc. et Lefrançois, 81760-63-9608, 99-07-30, C. Bérubé.

Le fardeau de preuve imposé à la travailleuse n'est pas celui de la causalité scientifique, mais bien celui de la causalité en droit qui doit être établie selon la prépondérance des probabilités. Enfin, de nombreux documents médicaux, éditoriaux, recherches médicales et études épidémiologiques ont été déposés et largement commentés ou critiqués dans le but de prouver ou de contester le lien existant entre le travail de la travailleuse et un syndrome du tunnel carpien. À cet égard, la CLP endosse les propos tenus dans l'affaire Les Industries Mailhot inc. et Lefrançois. La CLP avait alors estimé, dans un cas de divergence d'opinions du monde médical sur le caractère possible, plausible ou probable d'une relation, que sa compétence ne lui permettait pas de se prononcer sur la valeur de telle ou telle étude, mais qu'elle devait plutôt analyser l'ensemble des éléments de la preuve médicale et factuelle afin de se prononcer sur les questions qui lui étaient soumises: Aliments Small Fry inc. et Lester, [2000] C.L.P. 960.

Le commissaire a-t-il commis une erreur manifestement déraisonnable en exigeant du requérant une preuve convaincante et déterminante. Selon les dictionnaires courants, le mot «convaincant» a comme synonymes «concluant», «probant» et signifie «qui est propre à convaincre». Ici le tribunal ne voit pas de problèmes puisque effectivement toute preuve, sans égard au fait qu'on exige qu'elle soit prépondérante, doit convaincre l'autorité visée, que ce soit un arbitre ou un juge, de sa suffisance. Quant au qualificatif «déterminante», il signifie «essentielle», «décisive» ou «prépondérante». Ainsi, n'est-ce pas ce qui est prépondérant, et donc déterminant, qui justement fait la différence dans la balance des probabilités. En l'espèce, après l'analyse complète de la décision attaquée, il appert que même si le commissaire a utilisé les mots «convaincante et déterminante» en parlant de la preuve, on ne peut conclure qu'il a exigé un fardeau de preuve plus lourd que la simple balance des probabilités: Morissette c. CLP, [2000] C.L.P. 311 (C.S.).

La CLP n'a pas appliqué la règle de preuve de la balance des probabilités, mais plutôt celle de la preuve hors de tout doute raisonnable, ce qui représente une erreur manifestement déraisonnable. Dans le cas d'une rechute, récidive ou aggravation, si le travailleur démontre la probabilité d'un lien de causalité, le fardeau de preuve est renversé. Or, en l'espèce, aucune preuve de la partie adverse n'a été présentée: Thifault c. CLP, [2000] C.L.P. 814 (C.S.).

L'affirmation selon laquelle la rareté d'un cas sur le plan médical doit inciter à une plus grande prudence et à ainsi accroître la rigueur de la preuve va à l'encontre des principes déjà retenus à l'égard du type de preuve requis. En effet, la CLP ne peut exiger une preuve que même la communauté scientifique ne peut apporter et son rôle se limite à questionner la prépondérance de la preuve: Larose et Réparation de soupape Varennes (1984) ltée, [2000] C.L.P. 931.

La prépondérance de la preuve n'exige pas un niveau de preuve scientifique ni hors de tout doute raisonnable, elle signifie tout de même plus qu'une possibilité. À défaut de pouvoir se prononcer de façon certaine, l'hypothèse de la relation doit être plus probable que les autres. Ainsi, un degré raisonnable de certitude signifie un degré de probabilité supérieur à 50%. Même si la CLP admettait que le cancer du rein peut avoir été causé par l'exposition à l'amiante, la succession n'aurait pour autant pas rempli son fardeau de preuve car cette hypothèse n'en exclut pas d'autres, tout aussi probables, soulevées au cours de l'audience: Succession Maurice Lemieux et Acmé Asbestos, [2000] C.L.P. 1087.

Malgré le fait que la CLP ne détient pas de certitude sur le mécanisme causal précis, et ce n'est pas là la règle applicable, le témoignage du plasticien apporte suffisamment d'hypothèses plausibles pour retenir la thèse d'un lien de causalité: Resto Casino inc. et Erbetta, [2000] C.L.P. 1107.

Devant des opinions médicales contradictoires, la CLP n'a pas à trancher un débat scientifique, mais doit plutôt apprécier l'existence d'une relation entre la lésion et le travail selon la prépondérance de la preuve ou la balance des probabilités. En effet, la Cour suprême, dans Snell c. Farrell, indique que, si les experts médicaux déterminent la causalité en terme de certitude, une norme inférieure est exigée par le droit. D'ailleurs, dans Société de l'assurance-automobile c. Viger, la Cour d'appel a récemment jugé que le Tribunal administratif du Québec avait commis une erreur révisable en exigeant une preuve de causalité avec la rigueur d'une preuve scientifique plutôt qu'une preuve prépondérante traditionnellement acceptée en matière de responsabilité civile: Cousineau et Société canadienne des postes, 119784-31-9907, 00-12-21, J.-L. Rivard, (00LP-120); Chartier et Mine Jeffrey inc., 166898-05-0108, 02-05-07, M. Allard, (02LP-22).

Le travailleur a le fardeau de démontrer, par prépondérance, une relation médicale entre l'événement de décembre 1995 et son état en août 1996. Il n'est pas nécessaire de conclure à une certitude scientifique, mais uniquement à une prépondérance. Cette preuve ne peut être uniquement une possibilité et doit permettre à la CLP de conclure que la relation médicale est probable et prépondérante: Ferjuste et Jet de sable Trans-Canada, [2001] C.L.P. 389.

Devant la CLP, l’analyse de la preuve se situe dans un contexte de prépondérance de preuve traditionnellement acceptée en matière de responsabilité civile et il doit y avoir une rationalité entre la preuve proprement dite et ce qu’un tribunal lui fait dire: Les Coffrages C.C.C. ltée c. CLP, [2001] C.L.P. 479 (C.S.).

Même si la décision de la CLP est entachée d'une erreur manifeste de droit puisque les expressions utilisées par le commissaire laissent croire qu'il a pu exiger un fardeau de preuve plus lourd que la prépondérance de preuve, cette erreur n'est cependant pas de nature à invalider la décision car elle n'est pas déterminante sur le sort du litige. Le commissaire dans son analyse a appliqué le fardeau de la balance des probabilités ou prépondérance de preuve, il n'a pas cru le travailleur et n'a pas considéré que sa version était plus probable qu'improbable: Les Industries Perform Air inc. et Rivard, 126208-72-9910, 01-02-21, L. Landriault, (00LP-166) (décision sur requête en révision).

Un tribunal administratif comme la CLP, en évaluant la prépondérance de la preuve, ne peut exiger la rigueur d’une preuve scientifique et doit s’en tenir à la preuve prépondérante traditionnellement acceptée en matière de responsabilité civile. Exiger, sur la foi du témoignage d’un médecin qui n’est pas spécialiste dans le domaine, qu’on prouve un lien de causalité scientifique, ce qui est difficile étant donné la nature même d’une maladie peu ou mal connue, alors qu’un lien juridique suffit et que l’on peut se trouver dans le 1% des cas qui ne peuvent être détectés par résonance magnétique, est manifestement déraisonnable. De même, le lien établi par l’urologue entre la vessie neurogène et l’injection intrathécale devrait permettre de décharger le travailleur de son fardeau de le prouver, alors que la CLP semble rechercher la certitude scientifique quant à la cause de cette lésion: Travailleur «A» c. CLP, C.S. Terrebonne (St-Jérôme), 700-05-010224-016, 01-07-18, j. Trahan, (01LP-72).

Le fardeau de preuve, dans le cadre d'une demande de recouvrement d'une somme obtenue de manière frauduleuse, appartient à la CSST qui doit démontrer, par preuve prépondérante, que la travailleuse est débitrice de cette somme. Au surplus, parce que la CSST motive sa réclamation sur la base d’une fraude, elle doit offrir une preuve qui s’apparente à celle exigée dans une poursuite de nature pénale. À ce sujet, les auteurs qualifient ce degré de preuve de «prépondérante plus». Or, la CLP ne possède pas une preuve de cette qualité pour faire droit aux prétentions de la CSST: Laferrière et C.L.S.C. Samuel de Champlain, 155609-62-0102, 01-12-20, L. Boucher, (01LP-144); Gauvin et Les Constructions S.L.E.M.K., 323530-64-0707, 08-04-16, R. Daniel, (08LP-197).

Les travailleurs ont établi de façon prépondérante que le cancer du poumon dont ils ont été victimes, et qui a entraîné leur décès, est une maladie reliée directement aux risques particuliers du travail dans les salles de cuves Söderberg, en raison de leur exposition aux C.T.P.V.s. Ils n'ont pas le fardeau de démontrer que leur tabagisme n'a pas causé le cancer pulmonaire. Il n'est pas opportun d'utiliser un modèle mathématique, quel qu'il soit, pour déterminer la probabilité que le cancer du poumon dont ils sont atteints soit relié aux risques particuliers de leur travail dans les salles de cuves. Une preuve statistique peut être utile à titre indicatif, mais n'est pas déterminante car, lorsqu'une telle preuve n'établit pas la causalité, celle-ci peut quand même exister si l'ensemble de la preuve étaye une telle conclusion: CSST et Succession François Tremblay, [2002] C.L.P. 102.

La relation entre la lésion initiale et la récidive, rechute ou aggravation alléguée ne peut être présumée et la partie qui veut prouver l’existence d’une telle relation causale doit donc le faire par une preuve prépondérante. Le degré de preuve requis pour prouver une réclamation en est un de prépondérance de preuve ou de balance de probabilités: Mercier et Les Entreprises forestières de l'Alverne inc., [2002] C.L.P. 503.

La CLP n'a pas à trancher entre les controverses scientifiques et ne doit pas se laisser entraîner sur cette voie, le niveau de preuve requis devant le tribunal administratif étant celui de la prépondérance de la preuve et non de la certitude scientifique: Mineault et Hull Volkswagen, [2002] C.L.P. 646, requête en révision judiciaire rejetée, C.S. Hull, 550-17-000736-031, 03-06-02, j. Tannenbaum.

Le fardeau de preuve qui incombe à l’employeur doit être défini en fonction de la pensée juridique et ne devrait pas être confondu avec la probabilité scientifique. Les experts médicaux concluent habituellement à l’existence d’un lien de causalité en terme de certitude, alors que le droit exige seulement une probabilité supérieure, soit 51%. À l’inverse, il ne faut pas confondre le domaine de la probabilité juridique avec le domaine des possibilités qui se situe en deçà du 51%: Cie d'Arrimage de Québec ltée, [2002] C.L.P. 819.

L'admissibilité de la preuve par présomption ne dégage pas pour autant la partie chargée du fardeau de la preuve d’apporter, par présomption, une preuve qui soit prépondérante. Le fait d’avoir adopté, pour reconnaître un accident du travail, le critère de la possibilité plutôt que de la probabilité constitue en l'espèce une erreur manifestement déraisonnable: Imprimerie Solisco inc. c. CLP, C.S. Beauce, 350-05-000133-015, 02-02-26, j. Bernard, (01LP-163).

La première commissaire a entendu le témoignage d’un contremaître adjoint, seule preuve concernant l'existence ou non d’amiante dans le milieu de travail, mais ne s’en est pas satisfaite parce qu’elle le juge non supporté par d’autres données objectives quant à la nature exacte des matériaux retrouvés sur le chantier. Or, en concluant ainsi, elle exige de l’employeur un fardeau de preuve plus lourd que ce qu’il doit supporter. L’exigence quant à la preuve est la balance des probabilités: Mofax Électrique ltée et Robert Martin Succession, 159077-61-0104, 02-11-21, D. Beauregard, (02LP-144) (décision accueillant la requête en révision).

La CLP n'a pas décidé conformément à la prépondérance de la preuve et a conclu à l'absence d'une telle prépondérance malgré des faits graves, précis et concordants la soutenant et l'absence d'une opinion contraire: Duchaine c. CLP, [2003] C.L.P. 327 (C.S.).

Lorsqu'on doit déterminer s'il existe un lien de causalité entre la lésion initiale et le diagnostic de la rechute soit la fibromyalgie, l'analyse de la causalité est tributaire de l'état actuel des connaissances médicales qui ne permet justement pas, à ce jour, d'identifier les causes de ce syndrome dont l'existence est toutefois reconnue par la communauté scientifique. Il ressort des principes établis par la jurisprudence qu'un décideur ne peut exiger un niveau de preuve scientifique aux fins de l'analyse du lien causal, en raison de l'étiologie inconnue du syndrome de fibromyalgie, puisque cela équivaudrait à exiger du travailleur qu'il fasse justement la preuve scientifique que la communauté médicale n'est pas en mesure de faire actuellement. Ce faisant, le fardeau de preuve exigé ne serait pas celui de la prépondérance de preuve, fardeau qui s'applique à tout travailleur présentant une réclamation. De plus, cela équivaudrait à refuser, à toutes fins pratiques, toute réclamation fondée sur ce diagnostic tant et aussi longtemps que l'évolution des connaissances médicales ne permet pas de mieux en identifier les causes. Toutefois, il faut aussi éviter la situation extrême contraire, c'est-à-dire qu'en raison de l'absence d'étiologie reconnue dans la communauté scientifique, un travailleur serait alors dispensé d'en établir la causalité par une preuve prépondérante. Ainsi que le mentionnait la Cour d'appel dans l'affaire Charpentier et Compagnie d'assurances Standard Life, l'ensemble de la preuve doit être analysé et discuté, que cette preuve soit scientifique ou profane. C'est par un exercice approfondi d'appréciation de la preuve que le tribunal pourra décider de reconnaître l'admissibilité d'une réclamation fondée sur un diagnostic de fibromyalgie: Dimarzio et Air Canada, 150828-72-0011, 03-02-18, Anne Vaillancourt.

La règle de la prépondérance de la preuve, connue également sous le nom de règle de la balance des probabilités, réfère à la notion même de «cause probable». Le commissaire a retenu la thèse de la travailleuse comme étant la plus probable en expliquant les raisons de son choix et le tribunal ne peut y déceler aucune erreur manifeste et déterminante: Kraft Canada inc. et Forget, [2004] C.L.P. 1503 (décision sur requête en révision).

Le niveau de la preuve de la relation causale dans le cas d'une lésion psychologique demeure aussi exigeant que celui en matière de lésion physique. Le seul témoignage du travailleur est donc insuffisant et il faut une preuve médicale dont la nature ne peut s’accommoder d’affirmations floues et générales. La preuve médicale doit ainsi revêtir un caractère de rigueur intellectuelle et scientifique et l’expertise psychiatrique présenter un tableau complet et analytique de la condition du travailleur afin de permettre au tribunal de disposer d’un éclairage adéquat et objectif. C’est dans ce contexte que la CLP a exigé et permis le dépôt de tous les documents médicaux pertinents au passé psychiatrique du travailleur. Cet éclairage rétrospectif est impératif en matière de lésion psychologique, car il permet d’évaluer avec justesse ce qui a changé avec l’événement rapporté comme étant la cause de la dépression majeure: Hallée et RRSSS Montérégie, [2006] C.L.P. 378.

Le travailleur, un concierge dans une entreprise de transbordement de différents types de grains céréaliers, est atteint d’une maladie professionnelle pulmonaire, soit un asthme professionnel aux poussières de grains de céréales. Bien que le résultat de tests de provocation spécifique soit à la limite du positif, la mince ligne entre la possibilité et la probabilité fut franchie par la très grande majorité des spécialistes, dont les membres du Comité des maladies professionnelles pulmonaires, à partir de l’étude de l’ensemble du cas impliquant différents facteurs d’imputabilité: Les Silos Port-Cartier et Chisholm, [2006] C.L.P. 867.

Bien que la CLP ne doive pas exiger une preuve hors de tout doute ou une certitude scientifique, elle ne peut pas non plus se contenter de spéculations, d'hypothèses ou de théories qui n’ont pas reçu un assentiment significatif du monde médical avec la conséquence qu’on ne peut les qualifier de probables. Même si le fardeau de preuve n’est pas celui de la certitude scientifique, encore faut-il que le travailleur convainque le tribunal par balance de probabilités du bien-fondé de ses prétentions et le fait de soulever une théorie non vérifiée n’est pas susceptible de l’aider dans cette tâche. Le fardeau de preuve qui incombe au travailleur doit être défini en fonction de la pensée juridique, qui exige une probabilité supérieure à 50%, et ne doit pas être confondu avec la probabilité scientifique qui parle en termes de certitude ou de quasi-certitude. À l’inverse, il faut se garder de confondre le domaine de la probabilité juridique avec le domaine des pures possibilités qui se situe en deçà de 50%: Hardy et Océan Construction inc., [2006] C.L.P. 1006.

L’utilisation d’études épidémiologiques pour fixer des seuils de compensation est une démarche qui n’offre pas toutes les garanties d’équité et de justice et ne laisse pas place à l’exercice du jugement critique nécessaire à l’analyse des cas particuliers selon le critère de la probabilité juridique et non de la certitude médicale. Pour conclure autrement, il faudrait que les modèles utilisés soient bien appuyés scientifiquement, ce qui n’est pas le cas en l’espèce puisque les modèles appliqués le sont indifféremment aux cas de fumeurs et de non-fumeurs: Tremblay et S.E.C.A.L., [2007] C.L.P. 432.

En présence de cofacteurs de risque, il sera possible de reconnaître le caractère professionnel d’une maladie dans la mesure où un risque professionnel est démontré et que ce risque a contribué de façon significative au développement de la maladie. Cette contribution significative doit être démontrée par une preuve prépondérante, on n’a pas à exiger une preuve de nature scientifique, et chaque cas doit être apprécié à son mérite. Selon la jurisprudence, un degré raisonnable de certitude signifie un degré de probabilité supérieur à 50%: Epm Multi-Services et Succession Richard Morin, [2007] C.L.P. 989, révision rejetée, 09-01-29, J.-L. Rivard.

Le fardeau de preuve qui incombe à la travailleuse est de démontrer, par une preuve médicale prépondérante, que le diagnostic de syndrome douloureux régional complexe (CRPS) doit être retenu, et ce, à la lueur des critères retenus par l'International Association for study of pain (IASP) en 1995. La recherche par le membre du BEM et le médecin de la CSST de tous et chacun des critères énoncés par l'IASP répond à une norme médicale établie par un groupe spécial, après consensus, et représente une exigence de quasi-certitude. Toutefois, les examens effectués par les différents experts établissent de manière prépondérante plusieurs signes permettant de répondre aux critères élaborés par l'IASP: Langlois et Aliments M & M, 313534-31-0703, 08-06-30, C. Lessard, (08LP-89).

Le médecin de la CSST estime qu’il n’est pas démontré que la détérioration de la condition dentaire du travailleur est reliée à la prise de la médication consécutive à sa lésion professionnelle et laisse entendre que son avis aurait pu être différent si le travailleur avait fait la preuve de l’état de sa dentition avant l'accident. Le tribunal considère que, ce faisant, la CSST a imposé au travailleur un fardeau de preuve démesurément lourd. La loi en effet n’exige qu’une preuve prépondérante au plan juridique, c’est-à-dire une démonstration qui rende la conclusion recherchée la plus probable, et ce, en vertu de la balance des probabilités, et non une preuve qui satisfasse au critère plus exigeant de la certitude scientifique: Vinette et Constructions Gaston Roberge inc., 336900-64-0712, 08-09-11, J.-F. Martel, (08LP-119), révision rejetée, 09-03-26, L. Boucher.

Le fardeau de preuve requis afin de prouver qu'on est atteint d'une maladie professionnelle au sens de l'article 30 n'est pas celui de la certitude mathématique ou scientifique. Le fardeau de preuve est celui de la balance des probabilités. En l'espèce, ce sont les parties elles-mêmes qui ont entraîné le tribunal sur le terrain des études épidémiologiques en y faisant abondamment référence. Il est donc vraisemblable de conclure qu'elles souhaitent que le tribunal tire des conclusions de cette preuve et décide de sa valeur probante: Succession Isabelle Richard et Centre Hospitalier Pierre Le Gardeur, 2011 QCCLP 3347. [2011] C.L.P. 140.