LoiLSST
TitreXVII L'INSPECTION: ART. 19, 20, 24, 49 À 67, 177 À 194, 216 À 219, 221 ET 236
Section5. La révision et la contestation devant la CLP: art. 20, 191.1, 191.2 et 193
5.5 Effet d'une décision: art. 20, 24, 191 et 192
Titre du document5.5.1 La nature d'une décision d'un inspecteur: art. 191.1
Mise à jour2011-11-01


En vertu de l'article 191.1, c'est l'ordre ou la décision d'un inspecteur qui constitue la matière révisable. Or, une décision tranche un litige, y apporte une solution et commande de poser des actes visant à solutionner un litige ou à apporter une solution à un problème mis en lumière par une enquête. Il faut distinguer entre l'identification du problème et la solution qu'on veut y apporter. En l'espèce, l'inspecteur a conclu de l'enquête que le manque d'entretien préventif du système de freinage était la cause de l'accident impliquant un camion citerne de l'employeur. Il a donc émis des rapports d'inspection enjoignant l'employeur d'adopter des solutions visant à éviter la répétition de l'accident. Ces rapports et les ordres qu'ils contiennent constituent la décision de l'inspecteur, laquelle est révisable. Comme l'employeur ne conteste pas les rapports d'inspection mais le rapport d'enquête, le bureau de révision n'était pas saisi d'une demande de révision d'une décision de l'inspecteur et n'avait pas compétence: Entreprises Lagacé (1982) inc. et CSST, [1989] C.A.L.P. 997.

La partie à qui s'adresse un avis de correction doit s'y conformer dans le délai imparti et, à défaut de ce faire, est passible d'une amende. L'avis de correction constitue donc une décision selon la LSST. En l'espèce, l'inspecteur a décidé, après avoir fait des vérifications, que le matériel utilisé par les travailleurs n'était pas sécuritaire. Il a donc donné un délai de vingt jours pour corriger le problème. Il a porté un jugement et imposé à l'employeur un comportement particulier. Il a rendu une décision, laquelle est exécutoire. Par ailleurs, la possibilité que la décision puisse être inappropriée ou incomplète, puisque l'inspecteur n'indique pas à l'employeur les moyens pour corriger la situation, ne lui enlève pas son caractère de décision. Une décision, qu'elle soit motivée ou pas, reste toujours une décision: Teamsters C.C. 91 et Pepsi Cola Canada ltée, [1991] C.A.L.P. 1166, requête en évocation rejetée, [1991] C.A.L.P. 1232 (C.S.).

Ne constitue pas une décision de l'inspecteur la partie du rapport d'intervention qui ne fait que constater ce qui a été convenu entre les travailleurs et l'employeur: Association des pompiers de Montréal inc. et Service de prévention des incendies, [1998] C.A.L.P. 231.

En demandant que soit retirée du rapport d'intervention toute référence à un autre accident survenu chez lui, l'employeur se trouve à contester le rapport d'enquête de l'inspecteur. La CLP n'a pas compétence sur cette question puisqu'il ne s'agit pas d'une décision de ce dernier: Hydro-Québec et Construction Arno inc., 111711-05-9903, 99-09-17, Alain Vaillancourt.

Dans le cadre d'une demande d’assistance dans l’application d’un règlement, l'intervention de l'inspecteur a consisté uniquement à donner aux parties l’information requise. L'inspecteur n’a rendu ni ordonnance ni décision. Or, il ressort des articles 20 et 191.1 que seule une décision ou une ordonnance d’un inspecteur peut faire l’objet d’une demande de révision. La demande de révision déposée à l'égard du rapport d'intervention était donc irrecevable: Syndicat du transport de Montréal et Société de transport de la Communauté urbaine de Montréal, 161199-71-0105, 02-03-06, M. Zigby.

Le rapport d'intervention de l'inspecteur ne comporte aucun ordre et l’inspecteur n’a pas non plus rendu une décision en indiquant dans son rapport d’intervention que l’employeur a commis une infraction à la LSST. Il donne simplement son opinion sur des faits en litige après avoir fait enquête. Son opinion sur cette question n’a pas de valeur juridique et il n’a pas l’autorité pour trancher la question. Il appartient au Tribunal du travail de décider si l’employeur a ou non commis une infraction à la LSST. En l'espèce, l'inspecteur s'est formé une opinion sur la culpabilité de l'employeur, mais comme il ne lui appartient pas d'en juger, malgré ses vastes pouvoirs, on ne peut dire qu'il en a décidé. Son opinion sur cette question n'a pas de valeur juridique et il n'a pas l'autorité pour trancher la question. L'inspecteur n'ayant rendu aucune décision, le contenu de son rapport d'intervention ne peut être révisé: Industries Océan inc. et CSST, 161413-32-0105, 02-11-25, G. Tardif, (02LP-148).

La lecture du rapport d'intervention de l'inspecteur ne porte pas à croire qu'il a porté un jugement ou a adopté une conclusion définitive sur un point ni qu'il a apporté une solution définitive au problème, encore moins qu'il a commandé quelque chose ou enjoint à une action quelconque. Ce rapport ne constitue que le résultat d'une enquête prévue à l'article 183 et l'inspecteur n'a émis aucun avis de correction comme l'article 182 le lui permettait. Le rapport ne pouvait faire l'objet d'une demande de révision selon l'article 191.1 puisqu'il ne constitue pas un ordre ou une décision et la CLP décline donc compétence: Centres hospitaliers affiliés du Québec (CHAQ) et Fournier, [2003] C.L.P. 1651.

La doctrine du functus officio doit être interprétée avec souplesse lorsqu’il s'agit de tribunaux administratifs ou de fonctionnaires chargés de veiller à l’application d’une loi et qui peuvent exercer les pouvoirs d’un commissaire nommé en vertu de la Loi sur les commissions d’enquête. L’intervention de 1996 (alors que l'inspecteur confie aux parties le fardeau de régler entre elles leurs divergences sur certains sujets et de prendre en charge leur milieu pour élaborer la solution qu'elles pourraient juger adéquate eu égard aux circonstances) ne peut avoir eu pour effet de décharger l’inspecteur de sa fonction quant à la résolution de cette question. Par la suite, les parties ayant été dans l’impossibilité pendant plus de deux ans d’en venir à une entente sur cette question, l’inspecteur pouvait de nouveau intervenir et déposer un avis de correction. Cette interprétation de la doctrine du functus officio dans le contexte particulier de la Loi sur la santé et la sécurité du travail et dans le contexte des circonstances propres à ce litige, était à la fois motivée et non déraisonnable, voire raisonnable: Association des pompiers de Montréal c. C.L.P., [2003] C.L.P. 1833 (C.A.).

Interventions d'une inspectrice concernant le mode de fonctionnement du système de communication radio de la police. Pour que le rapport d'intervention d'un inspecteur soit une décision, on doit y retrouver le jugement qu'il porte en regard d'une situation litigieuse. Il ne peut s'agir de pures constatations puisque la décision ainsi rendue affecte les droits des parties et oblige d'apporter des corrections dans un délai précisé sous peine de sanction prévue à la LSST. En l'espèce, bien que l'intervention de l'inspectrice ait visé une problématique bien précise à la suite de la demande du syndicat, l'approche alors privilégiée a été d'assister l'employeur et le syndicat dans l'élaboration d'un plan d'action. L'inspectrice n'a donc pris aucune décision aux rapports d'intervention du 10 avril 2001. Par contre, son rapport d'intervention du 12 septembre 2002 témoigne d'un jugement porté à l'égard d'une question litigieuse soulevée par une partie. Le syndicat a, au cours d'une période donnée, colligé des faits relatifs aux interventions effectuées par ses membres en zones mortes et problématiques. Il a estimé que la procédure de travail était inapplicable et a demandé l'intervention de l'inspectrice. Celle-ci a procédé à son enquête en tenant compte de la version du représentant des travailleurs et des données colligées par le syndicat. Bien qu'elle n'ait pas utilisé des termes précis, elle a conclu que la procédure mise de l'avant était toujours applicable et ne comportait pas ou que peu de danger. Elle a aussi demandé à l'employeur de modifier un formulaire qu'elle considérait incomplet. Cette décision est donc révisable en vertu de l'article 191.1 et l'audience est reportée quant au fond: Fraternité des policiers de Joliette inc. et Police région Joliette, 172508-63-0111, 03-03-21, D. Beauregard.

L’autorité de la chose jugée doit être appliquée avec prudence en droit administratif, particulièrement en inspection. Or, un inspecteur n’agit pas comme un juge et ne rend pas un jugement. En matière d’inspection, avant de conclure qu’une décision d’un inspecteur a acquis un caractère final et irrévocable liant le tribunal, il faut faire preuve d’une grande prudence. À la lumière des principes émis par la Cour d’appel au sujet de de la notion de functus officio dans l’affaire Association des pompiers de Montréal c. C.L.P., la CLP ne s'estime pas liée par la décision de 1997 qui ne concernait pas la même catégorie de travailleurs. De plus, la survenance d’un accident en 1999 constitue une circonstance nouvelle qui justifie une nouvelle intervention et fait en sorte qu’une décision ayant été rendue avant ces circonstances n’est pas opposable. L’inspecteur a choisi, comme mesure correctrice, d’ordonner à l’employeur de faire un plan d’action et d’en faire le suivi, ce qui a donné lieu à six interventions comportant des recommandations, commentaires et décisions. Le syndicat a manifesté, dès le départ, son intérêt à contester cette méthode et n'a pas renoncé à sa contestation. L’exercice des droits de contestation ne doit pas être un casse-tête pour les parties. De même, les agissements de l’administration dans ses décisions, même prises de bonne foi, ne doivent pas avoir pour effet de placer les parties dans un labyrinthe. La CLP doit privilégier une interprétation souple et large de sa compétence plutôt qu’une interprétation technique et restrictive, ce qui aurait pour effet de faire perdre des droits. En matière d’inspection, les situations, étant souvent évolutives, justifient et font en sorte qu’il peut y avoir plus d’une intervention sur le même sujet: C.S.N. et CHUM (Pavillon Notre-Dame), [2004] C.L.P. 129.

Dans le cadre d'un plan d'action de remise aux normes élaboré par l'employeur concernant le réaménagement d'une caserne de pompiers, l'inspecteur précise en acceptant ce plan que l'employeur devra respecter les échéanciers qui y sont prévus. Il ne s’agit pas d’un simple constat de ce qui a été convenu entre les parties, mais d’un ordre non équivoque intimé à l’employeur au sens de l’article 191.1: Association des pompiers de Montréal inc. et Ville de Montréal, [2004] C.L.P. 966.

La CSST ne peut prétendre que sa lettre refusant d'intervenir au motif que le travailleur a déclaré fonder son recours sur la convention collective plutôt que sur la loi, ne constitue pas une décision. Elle ne peut décider sans appel qu’un de ses écrits n’est pas une décision. Elle se trouverait à empêcher illégalement les parties d’exercer leur recours. Ainsi, la CLP a compétence pour se saisir de la requête de l’employeur quant au fond et décider si le travailleur a exercé un droit de refus en vertu de la LSST: Société de transport de Montréal et Meunier, 202372-71-0303, 04-04-08, B. Roy, requête en révision judiciaire rejetée, C.S. Montréal, 500-17-020674-043, 05-11-04, j. Crête.

Le 8 novembre 2001, l’inspecteur concluait que l’éradication des plants de cannabis représentait un travail dangereux et que l’organisation déficiente du travail et le manque d’effectifs pour la surveillance accroissaient le niveau de danger. La Procédure d’éradication de juillet 2002 est un élément nouveau qui s’inscrit dans l’évolution de la problématique en santé et sécurité opposant l’employeur et les policiers qui justifiait une nouvelle intervention de l’inspecteur. On ne peut opposer la chose jugée à la décision du 24 juillet 2002, puisque ce nouvel élément n’existait pas lors de la décision du 8 novembre 2001. Devant l’impossibilité des parties à s’entendre en 2002 sur l’élaboration d’une procédure d’éradication de cannabis conforme à la LSST suivant le droit de refus exercé légitimement par les policiers en 2001, l’inspecteur de la CSST était fondé d’intervenir le 24 juillet 2002 et de décider de la conformité à la LSST de la procédure d’éradication soumise par l’employeur : Morin et Sûreté du Québec, [2005] C.L.P. 1369.

En s’abstenant d’intervenir à la suite du refus des travailleurs d'exécuter un travail, l’inspecteur a rendu une décision. La CLP est compétente pour se saisir de la question: R.E.T.A.Q. et Corp. Urgences-Santé région Mtl, [2005] C.L.P. 1461.

Rapport d'intervention de l'inspecteur sur les circonstances et causes d'un accident du travail ayant entraîné un décès. La LSST crée une distiction entre les rapports d’enquête et les rapports d’inspection ou les avis de correction tout en soulignant, à grands traits, ce qui constitue un ordre ou une décision d’un inspecteur. Le rapport d’enquête n’est pas un ordre ou une décision au sens de la loi. Il peut précéder l’émission de tels ordres ou de telles décisions mais il ne constitue pas la matière appelable et ne peut donc faire l'objet d'une demande de révision: Les entreprises d'électricité Gaétan Marcil ltée et Aéroport de Montréal-Dorval, 300960-71-0610, 07-05-31, C. Racine, révision rejetée, 08-10-15, S. Di Pasquale.

Le document produit par l'inspecteur le 10 mars 2006 demeure un rapport d’intervention dans lequel il constate, ou prend acte, de l’entente entre les parties sur certains éléments dont la maîtrise d’œuvre et la question du chantier de construction unique. Si le maître d'oeuvre était en désaccord avec le rapport d’intervention concernant la question du chantier de construction unique ou n’importe quel autre élément, il devait contester ce rapport, qui constitue une décision, dans les 10 jours suivants en vertu de l’article 191.1 LSST: Ministère des Transports du Québec et Dessau-Soprin/Génétique, 317876-02-0705, 08-05-09, M. Sauvé, (08LP-45).

L’inspecteur a rendu une décision lorsqu’il a indiqué dans son rapport d’intervention que le fait de laisser un camion-flèche sans surveillance était une contravention à la réglementation en vigueur. Il ne s’agit pas d’un simple rappel des dispositions régissant cette situation et, comme l'indique son rapport, cette décision pouvait être contestée dans le délai de 10 jours de sa notification conformément à l’article 191.1: Grues Métro inc. et Canada Spas Service inc., 363685-63-0811, 09-03-09, M. Gauthier.

L’article 182 accorde à l’inspecteur un pouvoir discrétionnaire lui permettant d’émettre un avis de correction s’il l’estime opportun. Le fait pour l’inspecteur de ne pas émettre d’avis de correction dans le cadre des pouvoirs que lui confère cet article n’est pas assimilable au fait de rendre une décision. En effet, l’inspecteur bénéficie d’un pouvoir d’enquête et d’inspection sans avoir obligatoirement à rendre un ordre ou une décision. Si l’exécution de sa discrétion doit être assimilée dans tous les cas à rendre une décision, cela revient à ignorer cette discrétion qui lui est accordée. Le rapport d’intervention doit toutefois être transmis aux personnes concernées, conformément à l’article 183, mais il ne peut faire l’objet d’une contestation: S.E.A.B. et Aluminerie de Bécancour inc., 332086-04-0711, 09-04-20, D. Lajoie, (09LP-43).

Exposition au béryllium. L’inspecteur décide que les vêtements portés par les travailleurs comme couche extérieure sont contaminés et doivent être lavés par l’employeur. Cependant, à l’égard des vêtements portés sous une veste ou une chemise, l’inspecteur refuse d’émettre un avis de correction avant l’obtention de plus amples informations. Cette dernière situation se distingue de celles où des inspecteurs refusent ou omettent de formuler des avis de correction alors que la situation le commande. En l’espèce, l’inspecteur n’a pas terminé son processus d’analyse. Le tribunal retourne le dossier à l’inspecteur plutôt que d’utiliser son pouvoir selon l’article 377 LATMP. La CLP accorde 30 jours à l’inspecteur pour rendre sa décision: Syndicat des Métallos (local 9700) et Aluminerie de Bécancourt inc., 2011 QCCLP 4494, révision rejetée, 2012 QCCLP 3135, requête en révision judiciaire pendante, C.S. Québec, 200-17-016502-122.

Alors que 17 rapports d’intervention ont précédé ceux en litige, l’inspecteur modifie la détermination du maître d’œuvre, à la suite d’une rencontre avec celui-ci et à sa demande. Tenant compte des enseignements de la Cour d’appel dans CSST et Hydro-Québec,le tribunal est d’avis qu’il est possible pour l’inspecteur de prendre en considération des situations factuelles, nouvelles et postérieures à l’ouverture du chantier afin de modifier le statut de maître d’œuvre d’un entrepreneur. Cependant, les larges pouvoirs qui lui sont dévolus ne vont pas jusqu’à lui permettre de revoir sa décision sans que la situation ait présenté un caractère évolutif. Il peut se prononcer de nouveau sur la question du maître d’œuvre en cours de chantier si des faits sont suffisamment sérieux et déterminants pour témoigner d’une réelle évolution de la situation. En l’espèce, pour certaines situations déjà analysées, l’inspecteur était functus officio, puisque des avis de correction avaient déjà été émis et qu’aucune situation évolutive n’a été constatée en lien avec celles-ci. Pour les autres situations, sur lesquelles l’inspecteur n’avait jamais émis d’avis de correction, il n’est pas établi que les faits étaient déterminants et sérieux au point de justifier la modification de l’identification du maître d’œuvre: Ministère des Transports du Québec et Simard-Beaudry Construction inc.,2011 QCCLP 6891.