Rapports subséquents liant la CSST
La CSST est liée par des rapports subséquents fournis par un autre médecin après une rechute survenue la journée du retour au travail et elle ne pouvait s'en tenir au rapport final du premier médecin du travailleur pour décider de la date de consolidation de la lésion initiale: Coderre et Fer ornemental Roy inc., [1991] C.A.L.P. 126.
La CSST peut reconsidérer une décision rendue à partir du rapport final du médecin du travailleur lorsque celui-ci modifie son opinion: Gaudet et Lenet, [1992] C.A.L.P. 569; Jean et Les Fenêtres A.G.M. inc., 70468-02-9506, 96-01-25, C. Bérubé.
Il peut se produire des circonstances qui justifient le médecin qui a charge du travailleur de compléter un rapport qui modifie le rapport final. Tant que la lésion n'est pas consolidée, le médecin du travailleur peut modifier un rapport final pour y apporter des corrections. Cette modification au rapport final autorise le médecin du travailleur à procéder à une nouvelle évaluation du travailleur: Hôpital de l'Enfant-Jésus et Desmeules, [1992] C.A.L.P. 848, requête en révision judiciaire rejetée, [1992] C.A.L.P. 1411 (C.S.).
La CSST est liée par la dernière opinion finale du médecin du travailleur rédigée après que celui-ci a obtenu les résultats d'une évaluation neuro-psychologique: Chicoine et Ministère Agriculture Canada, [1993] C.A.L.P. 1035.
Un second rapport final, rédigé à la suite de la transmission au médecin du travailleur d'un rapport d'enquête de la CSST et ne comportant aucune inscription quant à l'atteinte permanente ou aux limitations fonctionnelles, ne doit pas être écarté au motif que la CSST se serait ingérée illégalement dans le processus d'évaluation médicale en envoyant copie du rapport de son enquêteur au médecin du travailleur: Maynard et Location Pro-Jean inc., 25324-61-9011, 93-04-27, A. Leydet, (J5-13-08).
Un rapport final ne peut être modifié que pour corriger une erreur matérielle manifeste ou en raison d'une situation inattendue, en l'espèce, une amélioration exceptionnelle de l'état du travailleur, de nature à faire disparaître les limitations fonctionnelles que son médecin avait prévues antérieurement: Lab Chrysotile inc. et Dupont, [1996] C.A.L.P. 132.
Le médecin du travailleur produit un rapport final attestant que le travailleur n'a pas d'atteinte permanente et que ses limitations fonctionnelles sont pour une période de trois mois. Après cette période, il émet d'autres rapports destinés à d'autres organismes gouvernementaux, attestant que le travailleur ne peut pas exercer son travail. Il ne produit toutefois aucun autre rapport à la CSST à cet effet. Le travailleur fait deux réclamations pour deux rechutes qui seront rejetées par la CALP. Entre temps, il demande la reconsidération de son dossier à la CSST, alléguant avoir un DAP à la suite de sa lésion professionnelle initiale. La CSST refuse. Le médecin du travailleur a confirmé dans des rapports subséquents à son rapport final que le travailleur était incapable d'occuper son emploi. Ce fait nouveau aurait dû inciter la CSST à reconsidérer le dossier du travailleur: Ménard et Verger Roger Côté enr., [1996] C.A.L.P. 337.
D'autres situations, à part l'erreur d'écriture du médecin du travailleur ou le changement d'opinion de ce médecin fondé sur une évolution inattendue de la pathologie, peuvent faire en sorte que de nouvelles consultations médicales aient lieu postérieurement à la consolidation de la lésion professionnelle et donnent lieu à un nouveau rapport final. La travailleuse consulte un autre médecin après l'émission du rapport final de son médecin traitant pour donner suite aux recommandations de son employeur qui lui avait conseillé de requérir des traitements et refusait de la laisser reprendre son travail: Promotions sociales Taylor-Thibodeau et Battista, [1998] C.L.P. 418 (décision accueillant en partie la requête en révision).
Même si le médecin du travailleur modifie son avis à partir d'une réévaluation des mêmes données médicales, on ne peut refuser de revoir et de modifier le rapport de ce médecin quant au pourcentage de DAP relié à la fracture du fémur du travailleur. Ce médecin fonde ses nouvelles conclusions sur le fait qu'il mesure non plus l'ensemble du membre, mais les fragments proximal et distal. Il s'agit d'une admission implicite d'une erreur commise dans la lecture et l'interprétation des radiographies. Le travailleur ne doit pas avoir à supporter une telle faute et les conséquences importantes qui en découlent quant à l'évaluation des séquelles qu'il conserve: Couture et Ferme Jacmi Senc, 162026-03B-0105, 01-11-16, G. Marquis.
Le médecin du travailleur avait égaré un protocole radiologique important lors du premier rapport final et avait demandé une autre radiographie lui permettant de modifier ce premier rapport. Le rapport modifié lie la CSST: Teinturerie Perfection Canada inc. et Mbokila, 167421-72-0108, 02-05-23, D. Lévesque, (02LP-45).
La CLP déclare que la lésion professionnelle du travailleur subie le 26 février 1996 n'entraîne plus de limitations fonctionnelles à compter du 16 juillet 2004 en raison notamment de plusieurs années d'entraînement spécifique du site lésé. La CSST devait examiner la demande du travailleur visant la levée des limitations fonctionnelles puisque la production d’un deuxième rapport final indiquant que la lésion professionnelle s’est significativement améliorée et que, par conséquent, le médecin qui a charge prévoit procéder à une nouvelle évaluation, suffit pour permettre la réouverture du dossier, non pas pour une rechute, récidive ou aggravation, mais pour vérifier à quel point la condition de l’épaule droite du travailleur s’est améliorée et entraîne des conséquences pour ce dernier: Lévesque et C. H. Robert Giffard, 250754-32-0412, 05-10-13, L. Langlois, (05LP-160).
La CSST n'est pas liée par les erreurs d'interprétation du barème faites par le médecin qui a charge du travailleur. Le rapport du médecin du travailleur n'est pas conforme au barème, étant sommaire et incomplet. L'évaluation réalisée par un médecin aux fins de déterminer les séquelles résultant d'une lésion professionnelle doit comprendre un examen clinique complet avec questionnaire du travailleur aux fins de déterminer l'histoire de la maladie. Les séquelles doivent être décrites afin qu'elles puissent être évaluées suivant les critères prévus au barème. L'évaluation des séquelles se fait suivant les éléments retrouvés à l'examen clinique et non sur la seule base de l'imagerie médicale. Les conséquences des séquelles retrouvées, telles les limitations fonctionnelles, doivent être décrites par le médecin, s'il y a lieu. Devant les lacunes du rapport de son médecin, le travailleur n'a eu d'autre choix que d'obtenir un nouveau rapport d'évaluation médicale qui lui permettait d'obtenir une juste évaluation des séquelles de son accident. C'est ce rapport qui lie la CSST conformément à l'article 224: Polymos inc. et Morin, 280182-71-0512, 06-11-13, F. Juteau.
En l'espèce, le médecin qui a charge a produit un rapport d'évaluation médicale dans lequel il concluait à un DAP de 6,25%. Dans un second rapport d'évaluation médicale, un autre spécialiste a retenu les mêmes pourcentages, mais il a ajouté des pourcentages pour des séquelles que son confrère avait omis d'évaluer. Le médecin qui a charge a reconnu son erreur et a signé une déclaration très claire à ce sujet. La CSST a toutefois refusé de tenir compte de la nouvelle évaluation entérinée par le médecin qui a charge au motif que le travailleur ne pouvait contester les conclusions de son propre médecin. La CSST a mal apprécié les faits et a erronément interprété les dispositions de la loi. Le travailleur ne désirait pas contester les conclusions de son médecin, mais plutôt apporter une correction que ce médecin avait expressément reconnue comme juste. La loi, et en particulier la présomption énoncée à l'article 224, ne doit pas être interprétée comme créant un piège qui a pour effet de forcer le travailleur à accepter les conclusions de son médecin en toute circonstance, même lorsque ces conclusions sont erronées ou qu'elles ne sont pas conformes au Règlement sur le barème des dommages corporels. On le priverait ainsi des indemnités auxquelles il a droit. Si le médecin a commis une erreur, il doit pouvoir la corriger. C'est ce que le médecin qui a charge a voulu faire en signant une déclaration explicite à l'endos du second rapport d'évaluation médicale: Vallières et Muga Fab inc., 296947-64-0608, 07-07-03, F. Poupart.
Des circonstances exceptionnelles, soit l’évolution particulière de la cicatrice du travailleur et l’erreur commise par le médecin traitant, permettent un accroc à la règle fondamentale selon laquelle un travailleur ne peut contester l'opinion de son médecin qui a charge. Comme ce médecin peut corriger une erreur commise dans un premier rapport et que ce nouveau rapport lie la CSST, le tribunal, en vertu des articles 351 et 377, écarte le rapport du 11 mai 1994 pour retenir celui du 26 août 2009 et accorde au travailleur un préjudice esthétique de 3%: Théroux et Fer & métaux américains S.E.C., 376049-31-0904, 09-09-30, J.-L. Rivard, (09LP-130).
Compte tenu de l'évolution inattendue de la condition du travailleur, il y a lieu de reconsidérer la décision de la CSST et de déclarer qu'il ne subsiste plus de limitations fonctionnelles en relation avec la lésion professionnelle de 2004, et ce, à compter du 31 mai 2008, date de l'examen médical motivé du nouveau médecin traitant. Ce fait essentiel nouveau était inconnu lors de la décision initiale de la CSST faisant suite à l'avis du médecin ayant déterminé les limitations fonctionnelles en 2005: Hartl et Via Rail Canada inc., 2011 QCCLP 3528.
Il est parfois possible pour le médecin qui a charge de modifier une opinion médicale émise dans un rapport qu'il a produit. La survenance d'un fait nouveau qui motive la production d'un second rapport final ou d'un second rapport d'évaluation médicale doit inciter la CSST à reconsidérer le dossier d'un travailleur. Même si le médecin modifie son avis à partir d'une réévaluation des mêmes données médicales, on ne peut refuser de revoir et de modifier son rapport s'il est établi qu'il résulte d'une erreur qu'il a commise. Le travailleur ne doit pas avoir à supporter une telle faute ni les conséquences importantes qui en découlent quant à l'évaluation des séquelles qu'il conserve. Il faut se pencher sur les circonstances entourant l'ajout de la limitation fonctionnelle et déterminer si cet ajout ne résulte pas de la complaisance du médecin à l'égard de son patient. En l'espèce, le médecin qui a charge ne semblait pas être complètement informé des tâches que le travailleur devait exécuter dans l'exercice de son emploi. À la suite des précisions apportées par le travailleur à cet égard, il a changé d'opinion, étant d'avis que celui-ci n'était plus en mesure d'exécuter l'emploi d'assembleur intercalaire à la suite de sa RRA et que l'exercice de cet emploi était même la cause de la RRA. C'est sur la foi des informations communiquées par le travailleur que le médecin qui a charge a corrigé son rapport d'évaluation médicale et a ajouté une limitation fonctionnelle. La CSST était liée par le rapport d'évaluation médicale corrigé: Bruneau et Les Industries April inc., 2011 QCCLP 6919 (retenu pour publication au C.L.P.).
Rapports subséquents ne liant pas la CSST
NB : Voir la section 2.2.4 de ce titre sur les médecins consultés à la demande du médecin du travailleur.
On ne doit pas tenir compte d'un rapport du médecin de la travailleuse modifiant un premier rapport indiquant qu'il n'y avait pas d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique et obtenu par la travailleuse après une décision de la CSST lui refusant le droit à la réadaptation: Talbot et C. H. La Pieta, [1991] C.A.L.P. 492.
La CSST est liée par le premier rapport du médecin du travailleur sur les limitations fonctionnelles plutôt que par le second décrivant des limitations moindres et obtenu par le travailleur qui désirait retourner travailler chez son employeur: Molson Outaouais ltée c. CSST, D.T.E. 92T-491 (C.S.).
Le médecin du travailleur consolide sa lésion sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles. Le jour fixé pour la consolidation, le travailleur consulte un autre médecin qui mentionne dans son rapport que celui-ci se dit incapable de travailler mais il n'indique aucune nouvelle date de consolidation et le réfère à son spécialiste. Le travailleur prétend que la CSST est liée par l'opinion de ce deuxième médecin. Ce médecin ne peut être considéré comme étant le médecin en charge du travailleur puisqu'il n'a assuré aucun suivi médical ni prescrit aucun traitement et qu'il n'a fait que diriger le travailleur vers la CSST et un autre médecin. Il s'agit d'un simple rapport de complaisance qui ne lie pas la CSST: Laverdière et Garde côtière canadienne, 50540-03-9304, 94-09-14, M. Carignan, révision rejetée, 95-02-07, M. Beaudoin, requête en révision judiciaire rejetée, [1995] C.A.L.P. 1935 (C.S.).
La CSST est fondée de retenir le rapport final du premier médecin qui a clairement indiqué l'absence d'atteinte permanente et de limitations fonctionnelles et précisé qu'il n'y aurait pas d'évaluation par un autre médecin. De son propre chef, le travailleur consulte ensuite un autre médecin. L'avis de ce médecin ne peut être retenu puisque le rapport final du premier médecin est conforme à l'article 203: Geoffroy et Coopérative fédérée de Québec, [1996] C.A.L.P. 643.
Rien de nouveau ou d'exceptionnel n'a été, en l'espèce, démontré pour justifier que le médecin de la travailleuse révise son opinion contenue dans un premier rapport final quant à l'existence d'une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles: Polaszek et Hôpital Reine Élisabeth, 69046-60-9505, 96-07-30, B. Lemay
Le médecin de famille ne peut être considéré comme étant le médecin qui a charge de la travailleuse aux fins de l'émission du rapport final puisqu'il fut consulté après que le médecin ayant charge de la travailleuse a fait parvenir son rapport final à la CSST et que celle-ci eut refusé la réclamation de la travailleuse. En application de l'article 203, le rapport final émis par un médecin ayant charge ne peut être modifié par un autre médecin ou contesté par la travailleuse après avoir été dûment produit à la CSST: St-Germain et Outillage de précision Drummond, 72260-04-9508, 96-10-07, P. Brazeau.
La travailleuse obtient un premier rapport final de son médecin attestant qu'elle n'a pas subi d'atteinte permanente ni de limitations fonctionnelles à la suite de sa lésion professionnelle. La CSST entérine ces conclusions. Trois mois après la date du premier rapport final, la travailleuse en obtient un autre du même médecin établissant qu'elle a subi une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles. La CSST n'est pas liée par ce deuxième rapport qui ne constitue pas une correction apportée à une erreur d'écriture commise dans le premier rapport final et qui n'a pas été émis à la suite d'un changement d'opinion fondé sur une évolution inattendue de l'état de la travailleuse. Il n'a été rédigé qu'afin de permettre à la travailleuse de faire annuler le premier rapport final: Soucy et Les Outils Fuller ltée, 60914-60-9407, 96-03-05, J.-Y. Desjardins; Lamontagne-Maguire et C.L.S.C. Samuel de Champlain, 87804-62-9704, B. Lemay, 98-02-25; Fata et Pavage CCA inc., [1997] C.A.L.P. 1102, révision rejetée, 84456-60-9612, 98-02-25, T. Giroux.
Le travailleur est vu par différents médecins, dont des spécialistes, et sa condition est traitée et investiguée pendant près d'un an, sans que l'on puisse trouver une explication organique à ses douleurs. L'un de ses médecins consolide sa lésion sans atteinte permanente, ni limitations fonctionnelles et le déclare apte à reprendre son travail. La CSST entérine cet avis et le travailleur, qui conteste cette décision, consulte alors un autre médecin, lequel modifie le diagnostic et le réfère à un orthopédiste qui prescrit de la physiothérapie. Le travailleur dépose alors une réclamation pour une rechute de sa lésion initiale. On ne peut conclure que le rapport du premier médecin concernant l'absence d'atteinte permanente et de limitations fonctionnelles n'est qu'un simple rapport d'évolution et ce, compte tenu du contexte dans lequel ce rapport a été signé. Il s'agit d'un rapport qui lie la CSST: Glave et André Ultramar, 56569-60-9401, 96-03-18, L. Thibault, révision rejetée, 97-03-27, S. Di Pasquale.
La CSST est liée par le rapport d'évaluation médicale initial du médecin du travailleur décrivant l'atteinte permanente plutôt que par le rapport amendé produit un mois plus tard par ce médecin et qui modifiait considérablement le premier. Cette façon de procéder constitue une manière détournée pour le travailleur de contester l'opinion de son médecin, ce que la loi interdit: Boissonneault et Imprimerie Interweb inc., [1998] C.L.P. 220.
Le médecin du travailleur ne peut modifier les limitations fonctionnelles qu'il avait antérieurement établies en se basant sur l'examen d'un autre médecin, sans avoir lui-même réexaminé le travailleur et en l'absence d'une aggravation de sa condition: Ibrahim et Transformateurs Dynamiques DT. inc., 110532-71-9902, 99-08-20, M. Zigby.
Les nouvelles limitations fonctionnelles retenues par le médecin traitant après qu'il a produit son rapport final devaient être écartées, car il ne s'agissait pas de correction d'erreur d'écriture ni d'un changement d'opinion médicale fondé sur une évolution inattendue de l'état de santé du travailleur: Larocque c. CLP, C.S. Hull, 550-05-011759-027, 02-06-25, j. Isabelle, (02LP-55); Lanciault et Tricots Maxime inc., 170601-63-0110, 02-06-13, F. Juteau, révision rejetée, 03-07-25, G. Godin.
Le premier rapport final du médecin traitant ayant un caractère définitif quant à l'état de santé du travailleur, il ne pouvait être modifié que pour corriger une erreur matérielle manifeste ou en raison d'une situation inattendue, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisque le médecin du travailleur a émis un nouveau rapport final en se basant sur les impressions laissées par deux rencontres fortuites avec le travailleur. Avant de poser un jugement ou d'émettre une opinion, le médecin traitant doit s'assurer d'avoir en main toutes les données pertinentes et nécessaires à l'évaluation d'une question puisque le travailleur ne peut contester son avis: Bouchard et Nettoyage Docknet inc., [2003] C.L.P. 1240.
On ne peut conclure à une erreur matérielle justifiant le médecin qui a charge de corriger son rapport d'évaluation médicale quatorze ans plus tard. Un simple changement d'opinion, sans nouvel examen, basé sur les mêmes constats médicaux que ceux à l'appui du premier rapport ne constitue pas une correction d'une erreur matérielle. Le médecin du travailleur n'explique aucunement les motifs profonds justifiant la correction du premier rapport, si ce n'est pour accommoder le travailleur dans sa réclamation. La requête du travailleur voulant qu’il soit incapable d’effectuer son emploi depuis 1990 à la suite de l'ajout d’une limitation fonctionnelle par le médecin qui a charge en mars 2004 est donc rejetée: Lachance et Gestion Loram inc., [2004] C.L.P. 1015, révision rejetée, 214050-64-0308, 05-05-20, L. Boucher.
Dans un rapport final, le médecin traitant a indiqué que la lésion était consolidée, avec une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles qu'il a précisées dans son rapport d'évaluation médicale. Toutefois, dans une lettre ultérieure, après avoir pris connaissance du rapport d'enquête ainsi que des vidéocassettes que lui avait transmis la CSST à la suite d'une enquête sur la capacité de la travailleuse, il a modifié son rapport d'évaluation médicale pour conclure que la lésion n'entraînait aucune limitation fonctionnelle. La CSST a rendu une décision déclarant que la travailleuse était capable d'exercer son emploi. Si la CSST s'interrogeait sur l'existence ou l'étendue de l'atteinte permanente et des limitations fonctionnelles et, en conséquence, sur la capacité de la travailleuse, elle devait suivre et respecter la procédure énoncée aux articles 204 et suivants et soumettre le dossier à un médecin désigné qui, après avoir examiné la travailleuse, pouvait émettre une opinion portant des divergences vis-à-vis les conclusions du médecin qui a charge. Ce n'est qu'après cette étape que la CSST pouvait s'adresser à ce dernier en lui acheminant le rapport du médecin désigné et en lui permettant de le commenter et, le cas échéant, de modifier ses conclusions dans un rapport complémentaire. Or, la CSST s'est servie du rapport d'enquête, lequel n'est pas un rapport émis par un professionnel de la santé ni par un médecin désigné en vertu de l'article 204. Elle a invité le médecin qui a charge à en prendre connaissance et à le commenter. La CSST s'est servie de sa lettre et d'un appel téléphonique pour rendre sa décision sur la capacité de la travailleuse. Cette décision est le résultat d'une démarche non conforme à la loi. Elle est prématurée et illégale. En conséquence, la CSST demeure liée par le rapport final ainsi que le rapport d'évaluation médicale émis par le médecin qui a charge: Baldonado et Tricots Lela inc., 266164-72-0506, 06-03-15, J.-D. Kushner.
La CSST n'est pas liée par un deuxième rapport final émis par le médecin qui a charge du travailleur afin de modifier un premier rapport final de ce même médecin établissant l'absence de limitations fonctionelles chez le travailleur. Il ne s'agit pas d'un cas où le médecin qui a charge a admis avoir commis une erreur, ou encore d'un cas où une solide preuve médicale obtenue après le premier rapport final permettrait de justifier un changement complet d'opinion de la part du médecin qui a charge. Le second rapport émis par le médecin qui a charge n'a été rédigé qu'afin de faire annuler le premier rapport final, et ce, à l'insistance du travailleur et de son médecin de famille intervenu au dossier après la consolidation de la lésion et cinq mois après l'accident: Gérald Paquette Entrepreneur Électricien & Associés et Gauthier, 237681-64-0406, 06-05-11, J.-F. Martel.
Si le médecin traitant avait été d’avis, lorsque le médecin régional de la CSST lui a demandé des précisions sur les limitations fonctionnelles du travailleur, qu’il ne pouvait les établir compte tenu de l'évolution de la condition personnelle du travailleur, il aurait pu réserver son opinion en le mentionnant à ce médecin ou dans son rapport médical corrigé. En acceptant de produire un rapport d’évaluation médicale établissant l’absence de limitations fonctionnelles en lien avec la lésion professionnelle, il donnait son avis sur cette question et cet avis produisait des effets. La CSST était donc bien fondée à rendre la décision qu’elle a rendue et elle n’avait pas à se sentir liée par les rapports subséquents modifiant la détermination des limitations fonctionnelles: Beaulieu et Marché Sabrevois inc., 272835-62-0510, 06-10-24, L. Couture, (06LP-165).
La CSST était fondée de soumettre le dossier au BEM même si le médecin qui a charge s'est dit d'accord avec les conclusions du médecin désigné. L'article 204 stipule que le travailleur doit être examiné par un professionnel de la santé que la CSST désigne. Si le neurochirurgien désigné par la CSST a examiné le travailleur, une première fois, il en est autrement lorsqu'il a révisé son opinion à la suite du visionnement de bandes vidéo obtenues à la suite d'une filature commandée par la CSST. Il s'appuie non pas sur un rapport médical d'un professionnel de la santé pour réviser son opinion, mais sur l'analyse de bandes vidéo. Un rapport d'enquête ne constitue pas un rapport d'un professionnel de la santé. Dans un tel cas, le professionnel désigné aurait dû procéder à un nouvel examen avant de rendre son nouvel avis. Ce nouvel avis, appuyé sur un nouvel examen, aurait pu être transmis au médecin qui a charge qui aurait pu alors émettre un avis complémentaire en toute connaissance de cause: Chopra et Vêtements de Sports Gildan inc., 251356-71-0412, 06-11-02, N. Lacroix.
Le médecin traitant peut produire un nouveau rapport final uniquement pour corriger une erreur manifeste, ou encore pour émettre une nouvelle conclusion médicale fondée sur une évolution exceptionnelle et inattendue de l'état du travailleur et qui a pour effet, notamment, d'entraîner une modification des limitations fonctionnelles déjà reconnues. La production d'un nouveau rapport final par le médecin traitant ne doit pas constituer un moyen utilisé par le travailleur pour faire indirectement ce que la loi ne lui permet pas, soit contester l'opinion de ce médecin. De la même façon, la production d'un tel rapport médical ne doit pas non plus constituer un moyen utilisé par l'employeur pour faire indirectement ce que la loi ne lui permet pas, soit contester l'opinion du médecin traitant du travailleur par un autre moyen que celui spécifiquement prévu par la loi. En l'espèce, c'est ce que l' employeur essaie de faire en demandant que l'analyse de la capacité de travail du travailleur se fasse en tenant compte de la seconde limitation fonctionnelle décrite par le médecin traitant après la production de son rapport final. Le document comportant cette limitation ne peut pas remplacer le rapport final valablement produit. Le médecin traitant a répondu à la demande de l'employeur par laquelle il était invité, contre rémunération, à modifier son opinion première, et ce, à la lumière de l'opinion contraire émise par le médecin désigné par l'employeur. Connaissant déjà l'opinion de son médecin désigné, l'employeur aurait plutôt dû recourir à la procédure d'évaluation médicale prévue par la loi pour contester la conclusion du médecin traitant: Multi-Marques inc. et Massé, 296035-61-0608, 07-03-01, G. Morin.
Le médecin en charge de la travailleuse a rédigé deux rapports finals dans lesquels il indiquait clairement que la travailleuse conservait une atteinte permanente, mais aucune limitation fonctionnelle. Le médecin traitant peut produire un nouveau rapport final uniquement pour corriger une erreur manifeste ou pour émettre une nouvelle conclusion médicale fondée sur une évolution exceptionnelle et inattendue de l'état du travailleur qui a notamment pour effet d'entraîner une modification des limitations fonctionnelles déjà reconnues. La production d'un nouveau rapport final par le médecin qui a charge ne doit pas constituer un moyen utilisé par le travailleur pour faire indirectement ce que la loi ne lui permet pas de faire, soit contester l'opinion de ce médecin. Il faut procéder à une analyse des faits et des circonstances qui ont conduit le médecin à modifier son rapport final pour bien apprécier la validité de sa nouvelle opinion. Cette modification doit reposer sur des éléments sérieux démontrés par la preuve et non pas sur une quelconque complaisance à l'égard de celui qui réclame une nouvelle opinion. En l'espèce, le document complémentaire rédigé par le médecin qui a charge, dans lequel il reconnaît l'existence de limitations fonctionnelles, ne peut remplacer le rapport final qu'il avait préalablement produit. En modifiant son rapport, le médecin qui a charge n'a pas indiqué qu'il s'agissait de corriger une erreur manifeste commise lors de ses premières évaluations et rien n'indique qu'il a tenu compte d'une évolution exceptionnelle et inattendue de la condition de la travailleuse. La CSST n'était pas liée par le dernier rapport du médecin qui a charge: Centre Petite Enfance la Salopette et Binet, 2011 QCCLP 1080.
On ne peut tenir compte du rapport final amendé du médecin qui a charge modifiant les limitations fonctionnelles du travailleur. En aucun temps, il n’indique ou n’explique avoir commis une erreur dans l’appréciation de l’état du travailleur ou lors de la rédaction de son rapport d'évaluation médicale. Comme l’ajout de limitations fonctionnelles en juillet 2010 est basé sur les mêmes constats médicaux qu'en février 2010, il ne s'agit pas de circonstances exceptionnelles ou de cas particuliers:
Fournier et Habitations HPR inc., 2011 QCCLP 4933.
Rapport final modifié lors de l'audience devant la CLP
Il était manifestement déraisonnable pour la CLP de ne pas écarter le rapport final du médecin du travailleur, compte tenu du témoignage qu'il avait rendu à l'audience alors qu'il avait admis s'être trompé et avoir été influencé par l'opinion d'un autre médecin: Desruisseaux c. CLP, [2000] C.L.P. 556 (C.S.).
La décision de la CLP doit être révisée. Elle comporte un vice de fond de nature à l'invalider puisqu'en vertu de ses pouvoirs, selon l'article 377, la CLP procède de novo et doit tenir compte des développements nouveaux survenus jusqu'à l'audience. Le commissaire aurait dû tenir compte du nouveau diagnostic posé par le médecin traitant après une résonance magnétique et du fait que tous les médecins au dossier ont reconnu que la travailleuse avait subi une hernie discale lors du fait accidentel, et non pas retenir comme liant le diagnostic d'entorse lombaire initialement posé par le médecin traitant: Metellus et Agence des douanes et du revenu du Canada, 137129-71-0003, 01-06-22, C.-A. Ducharme, (01LP-51).
Le diagnostic de bronchospasme léger et d'intoxication mixte aux substances contenues dans les fumées et les poussières a été précisé au moment de l'audience. Le médecin ayant charge doit, conformément à l'article 199, produire un rapport médical faisant état, entre autres, de son diagnostic. Ce faisant, il devient dès lors possible, pour l'employeur, de se prévaloir de l'article 212 et de requérir l'avis du BEM. Le tribunal doit cependant porter une attention particulière au droit de l'employeur de pouvoir étayer sa preuve médicale compte tenu du nouveau diagnostic établi par le médecin du travailleur. Dans ce contexte, le tribunal a mis fin à l'audience et a permis à l'employeur d'obtenir une expertise médicale à l'encontre du diagnostic établi par le médecin du travailleur. L'employeur a par ailleurs fait entendre son expert lors de la seconde journée d'audience. Par conséquent, le droit de l'employeur d'être entendu a été sauvegardé et celui-ci a eu tout le loisir de présenter une preuve complète: Lambert et Fonderies Bibby Ste-Croix inc., 89897-04-9707, 01-07-13, M. Cusson, révision rejetée, 02-08-14, P. Simard.
La possibilité pour un médecin traitant de modifier son rapport final doit être examinée avec beaucoup de sérieux. Le sérieux de la démarche vise à éviter d'ébranler inutilement le principe de la stabilité juridique des décisions considérant que l'opinion du médecin traitant fonde les décisions de la CSST puisque cet organisme est lié par cette opinion. Il vise également à éviter de permettre au travailleur de faire de façon détournée ce que la loi ne lui permet pas de faire, soit de contester l'opinion de son médecin traitant. Seules des circonstances exceptionnelles peuvent permettre un amendement au rapport médical émis par le médecin traitant, notamment lorsque le médecin traitant admet avoir commis une erreur. En l'espèce, le médecin du travailleur admet, dans une lettre produite à l'audience, avoir commis une erreur lors de la rédaction de son premier rapport médical final en raison d'une mauvaise compréhension de la notion de limitations fonctionnelles. Les éléments consignés par le médecin traitant dans cette lettre sont corroborés par le témoignage crédible du travailleur qui indique que son médecin lui avait rapporté être peu familier avec les documents de la CSST. Ce dernier ajoute avoir indiqué l'absence de limitations fonctionnelles en raison du fait que le travailleur était en mesure d'exercer un travail de façon générale. Celui-ci confirme avoir discuté de cela avec son médecin qui lui a précisé qu'il ne pouvait exercer un travail dans le même milieu malgré sa capacité à exercer un travail. Ces éléments de la preuve sont cohérents avec les agissements du travailleur de façon contemporaine à l'émission du rapport final par son médecin traitant. L'ensemble de la preuve permet de conclure que le travailleur ne cherche pas une façon détournée pour contester l'opinion de son médecin traitant mais cherche plutôt à faire valoir la nature réelle de son opinion. L'opinion émise par le médecin traitant dans sa lettre produite à l'audience est également cohérente avec le type de lésion subie par le travailleur et avec la suite de son dossier qui démontre la survenance d'une récidive, rechute ou aggravation en raison d'un retour au travail dans le même milieu qui l'a exposé à une situation similaire au premier traumatisme: Vandette et Habitation Terrasse St-Michel ltée,284515-71-0603, 07-04-18, F. Juteau.