LoiLATMP
TitreXII LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES: ART. 359, 359.1, 367 À 429.59, 450 ET 451
Section4. La preuve
4.3 La recevabilité de la preuve
Titre du document4.3 La recevabilité de la preuve
Mise à jour2011-11-01


NB : Cette section ne contient que des décisions ou des jugements rendus depuis le 1er avril 1998.

Voir la section 4.4 de ce titre sur l'appréciation de la preuve.
Voir la section 4.3.1.1 de ce titre sur la pertinence de la preuve.
Voir la section 4.3.2 de ce titre et ses sous-sections sur les règles de justice naturelle pour connaître les limites à la recevabilité de la preuve d'expert.

Pour disposer d’un litige, la CLP, qui est investie des pouvoirs des commissaires enquêteurs, peut accepter toute preuve pertinente selon tout mode de preuve qu’elle juge utile pour les fins de la justice. La CLP note que les passages que le travailleur voudrait voir retranchés concernent des faits dont l'enquêteur affirme avoir une connaissance personnelle et qui sont pertinents à l’appréciation de la question en litige. Par ailleurs, ils sont utiles à la solution du litige du fait qu’ils font référence à des situations que la CLP n’a pu constater elle-même. Si l’enquêteur cherche à livrer une opinion sur la capacité du travailleur de prendre soin de lui-même ou d’effectuer sans aide les tâches domestiques qu’il effectuerait normalement, il débordera du cadre du témoignage ordinaire pour se livrer à un témoignage d'opinion. La CLP pourra alors déclarer un tel témoignage inadmissible. Le rapport d’enquête est admissible en preuve dans son intégralité, sous réserve d’en apprécier la force probante: Bouchard et Charles-E. Bédard ltée, [1998] C.L.P. 989, requête en révision judiciaire rejetée, C.S. Québec, 200-05-010673-981, 99-01-25, j. Barakett.

Le témoignage de la membre issue des associations syndicales visant à contredire les constatations de fait du commissaire placerait la CLP dans une situation portant atteinte aux exigences d'honneur, de dignité et d'intégrité qui s'attachent à l'exercice de sa fonction de membre. Son témoignage est irrecevable puisqu'il porte atteinte à l'article 62 des dispositions transitoires de la Loi instituant la Commission des lésions professionnelles et modifiant diverses dispositions législatives, L.Q., 1997, c. 27, et constitue une transgression grave au Code de déontologie. Par ailleurs, son rôle consistait à formuler son opinion en donnant son avis, ce qu'elle a fait en exprimant une opinion dissidente de celle émise par le membre issu des associations d'employeurs. La crédibilité du tribunal serait grandement affectée si on lui permettait de venir contredire la constatation des faits du commissaire, et ce, une fois que la décision est rendue et qu'elle a eu l'occasion d'exprimer son avis comme le prévoit la loi: Bouchard et Bois & Placages généraux ltée, 92738-62-9712, 00-04-18, D. Lévesque, (00LP-17) (décision sur requête en révision).

Il n'y a pas de dispositions législatives exigeant la présence d'un expert à l'audience afin que son rapport puisse être accepté à titre de preuve. D'autre part, et comme le stipule l'article 429.20, en l'absence de dispositions applicables à ce cas particulier, le tribunal peut suppléer par toute procédure compatible avec la présente loi et ses règles de procédure. La présence ou l'absence d'un expert à l'audience peut avoir pour conséquence d'augmenter ou de diminuer la force probante de son expertise. Cependant, écarter une expertise au seul motif que son rédacteur est absent de l'audience aurait pour conséquence d'assujettir la portée de la preuve médicale prépondérante à la seule présence à l'audience des experts et ainsi limiter grandement le concept de preuve prépondérante: Bouchard et Presse (La), 100175-72-9803, 00-12-05, R. Langlois, requête en révision judiciaire rejetée, [2001] C.L.P. 162 (C.S.).

La CLP refuse d'entendre le témoignage d'un médecin appelé comme témoin par la travailleuse et qui l'avait examinée dans le cadre d'une sentence arbitrale et avait rendu une décision en conséquence. Il est devenu functus officio après avoir exercé le pouvoir qui lui est attribué par la convention collective liant les parties et par le Code du travail du Québec: Chrétien et Ville de Verdun, 142691-72-0007, 02-07-11, P. Perron, (02LP-69).

La question soulevée par l’employeur ne concerne pas le fait que le pneumologue réponde aux critères pour la reconnaissance de la qualité d’expert, mais concerne plutôt son indépendance et son autonomie professionnelle du fait qu'il a siégé au Comité des maladies professionnelles pulmonaires dans le dossier du travailleur. Cette question ne constitue pas un facteur pertinent à la détermination de sa qualité de témoin expert, mais relève plutôt de la question de la crédibilité et de la valeur probante à accorder à l'opinion donnée. Le témoignage du pneumologue est admissible puisque son rôle auprès de la CSST s’est limité à un niveau consultatif, qu’il n’a pas rendu de décision dans le dossier, les décisions ayant été rendues par la CSST: Unimin Canada ltée et Labelle, [2003] C.L.P. 678, révision accueillie sur un autre point, [2004] C.L.P. 910.

Même si le DSM-IV constitue une preuve par ouï-dire, une telle preuve est admissible en droit administratif, mais il appartient au tribunal de déterminer la valeur probante à lui attribuer. Or, ce document est un volume de référence connu et reconnu tant par la CLP que par les spécialistes en médecine, principalement en médecine concernant les troubles mentaux, et le tribunal lui accorde donc une grande valeur en terme de référence médicale: Beaulieu et Service correctionnel du Canada, 174708-62A-0112, 03-09-12, D. Rivard, (03LP-148).

La CLP possède la compétence pour entendre une partie de la preuve concernant les faits entourant les griefs de la travailleuse soumis à l’arbitrage. Même si ces griefs sont de la compétence exclusive de l'arbitre de grief, les faits qui en sont à l’origine, comme les autres faits sur lesquels s’appuie la travailleuse, dans la mesure où ils peuvent éclairer le tribunal sur l’origine du trouble d’adaptation, relèvent également de la compétence exclusive de la CLP qui doit, en l'espèce, déterminer si la travailleuse a subi une lésion professionnelle: Létourneau et Aéroports de Montréal, [2004] C.L.P. 63, révision rejetée, 164550-72-0106, 06-03-29, M. Zigby, (05LP-300).

La recevabilité d’un élément offert en preuve ou son admissibilité doit être distinguée de sa force probante. Notamment, la partialité d’un expert, fût-elle prouvée, n’est pas pertinente à la recevabilité de son témoignage ou de son rapport écrit, mais concerne plutôt l’appréciation de sa force probante. Pour être recevable, la preuve d’expert doit être pertinente, nécessaire et apportée par une personne qui se voit reconnaître le statut d’expert. En l’espèce, l’opinion du médecin est pertinente étant donné l’objet du litige, soit le lien entre la lésion diagnostiquée et le travail exercé par la travailleuse. Ce rapport est également nécessaire pour aider le tribunal à comprendre les faits, du moins sur le plan médical et à apprécier la preuve à cet égard. Il porte entre autres sur des sujets qui dépassent les connaissances habituelles d’un décideur qui n’est pas lui-même médecin diplômé. Enfin, la CLP reconnaît à ce médecin spécialiste en orthopédie le statut d'expert en raison de sa formation académique et de son expérience clinique. Le rapport d’expertise en cause satisfait dès lors aux exigences relatives à son admissibilité en preuve: Fortugno et Laliberté Associés inc., [2004] C.L.P. 792.

La CLP rejette l'objection préliminaire du travailleur visant à ne pas permettre le témoignage du médecin de l'employeur notamment parce qu'il n'a pas produit d'expertise médicale écrite. La lecture de la loi et des Règles de preuve ne permet pas d'y retrouver une obligation, pour un témoin expert, de présenter au tribunal un rapport écrit. En accordant au travailleur un délai pour commenter ou contredire ce témoignage, la CLP estime que non seulement elle garantit la protection des droits et l’égalité des parties, mais elle assure aussi l’accessibilité de la justice administrative, en appliquant, compte tenu des circonstances, le traitement le plus simple, le plus souple et le plus rapide possible de la demande soumise par le travailleur: Yergeau et Cascades Conversion inc., [2004] C.L.P. 642, requête en révision judiciaire accueillie, [2005] C.L.P. 365 (C.S.), appel accueilli, [2005] C.L.P. 1739 (C.A.).

Rien dans la loi ou les règles de preuve n’oblige un expert à avoir examiné le travailleur pour soumettre une opinion, et ce, même lorsque l’expert produit un rapport. L’expert donne son opinion sur la base d’une histoire bien documentée au dossier. Son avis n’aura peut-être pas la même force probante que l’opinion d'une personne qui a examiné le travailleur, mais il s’agit là d’une question d’appréciation de la preuve qui ne concerne pas la recevabilité du témoignage: Bélanger et 2643-2187 Québec inc., 207544-62B-0305, 05-06-13, Alain Vaillancourt, (05LP-41).

Bien que les règles de preuve en droit administratif soient plus souples qu’en droit judiciaire et qu’elles permettent l’admission d’une preuve par ouï-dire, il faut cependant que cette preuve ait une valeur probante suffisante pour être retenue et constituer une preuve valable. En l’espèce, les témoignages des représentants des parties au sujet du consentement du syndicat à l’entente constituent une preuve par ouï-dire et la CLP a admis cette preuve. Cependant, étant donné que la validité même du contrat est remise en cause, alors que l’échange de consentements valables entre chaque cocontractant constitue un élément fondamental de la formation même du contrat, la valeur probante de la preuve par ouï-dire pour établir cet élément essentiel est trop faible pour qu’elle soit retenue. La preuve en question est tellement indirecte qu’elle ne permet pas, dans les circonstances, d’établir de façon prépondérante avec suffisamment de fiabilité que le syndicat avait effectivement donné son consentement: Commonwealth Plywood ltée et Kellow, [2006] C.L.P. 209, requête en révision judiciaire rejetée, [2007] C.L.P. 323 (C.S.).

Les documents visés par la requête en irrecevabilité, bien que pertinents aux litiges dont le tribunal est saisi, n'offrent pas une garantie suffisante de fiabilité dans leur forme actuelle. Cependant, la CLP, afin de répondre à sa mission qui est de rechercher la vérité pour rendre une décision dans le cadre d'un processus de contestation de novo, ordonne à la CSST de déposer au greffe du tribunal, dans les quinze jours de la décision, l’exemplaire original complet, non expurgé et exempt de toute rature ou autre moyen ayant pour effet d’en masquer un quelconque extrait, ou une copie certifiée conforme en tous points audit exemplaire original, de tous les documents dont la recevabilité en preuve a été contestée par le travailleur. Aux fins de protéger la confidentialité de tout renseignement personnel, les documents ne seront pas numérisés, mais seront conservés sous enveloppe scellée à titre d’objet de preuve: Lavoie et Construction Hors-Pair inc., [2006] C.L.P. 953.

La requête de la CSST demandant à un expert de produire devant la CLP certains documents qu'il a confectionnés concernant des travailleurs décédés et pour lesquels il n'y a aucun représentant à l'audience est accueillie. L'objection du procureur des autres successions invoquant le privilège de la communication est rejetée. Le privilège de la communication faite dans le but de régler un litige n’est pas visé par l’article 2858 du Code Civil, ni par l’article 11 de la Loi sur la justice administrative, ni par la Charte des droits et libertés de la personne. Il ne s’agit donc pas d’un principe d’ordre public mais plutôt d’ordre privé. Pour que cette règle soit sanctionnée, une objection doit donc être formulée par une partie ayant un intérêt à ce sujet. Or, ce privilège existe au bénéfice du client de l'avocat, c’est-à-dire de la partie elle-même. Donc, seules les quatre successions concernées auraient l’intérêt juridique pour soulever une telle objection, ce qu'elles n’ont manifestement pas fait étant donné leur absence à l’audience. En conséquence, ni le procureur ni ses clients actuels n’ont l’intérêt pour présenter une telle objection puisqu'ils n’ont pas démontré que la production des documents demandés par la CSST affecte leurs intérêts et le sort des dossiers qui les concernent. Par ailleurs, la CLP ne peut intervenir d’office pour sanctionner les infractions aux règles régissant la recevabilité des procédés de preuve, sauf exceptions qui sont absentes en l’espèce. Parce que la règle de preuve dont on demande la sanction a pour objet la protection d'intérêts privés, le tribunal n’a pas à l’invoquer d’office et la partie bénéficiaire peut y renoncer. À défaut d'objection recevable et valable faite en temps utile, la preuve devient recevable: Succession Lucien Tremblay et Alcan Aluminium ltée, [2006] C.L.P. 1086.

Il ressort de la Loi sur les commissions d'enquête, de la LATMP et des Règles de preuve, de procédure et de pratique de la Commission des lésions professionnelles qu'une enquête comprend l'audience — incluant les témoignages et documents qui y sont déposés — et la preuve documentaire qui est colligée de différentes façons, notamment par la production de documents après l'audience. Dans l'affaire Smith et Nephew inc. et Owens, la CLP a rappelé que lorsqu'un délibéré est suspendu, cela signifie que l'enquête est toujours en cours et qu'il est loisible aux parties de produire des commentaires ou arguments additionnels. Tel est le cas en l'espèce. Il était donc loisible aux parties de demander la permission de produire un document sans nécessiter la réouverture d'enquête puisque cette enquête était toujours en cours quant à la preuve documentaire. En conséquence, la demande du travailleur doit être interprétée comme une nouvelle demande pour produire des documents, nommément un rapport d'expertise sur dossier, plutôt qu'une requête en réouverture d'enquête. Or, cette possibilité est prévue à l'article 12 des Règles de preuve et il y est mentionné qu'un commissaire peut autoriser la production tardive d'un rapport d'expert aux conditions qu'il détermine. Dans la présente affaire, une telle production est permise: St-Onge et Domtar - Usine Lebel-sur-Quevillon, 267983-08-0507, 06-02-06, J.-F. Clément.

Lorsqu’un représentant fait des représentations dans le cadre de la révision administrative et qu’il s’agit de faits et non d’une plaidoirie, une telle déclaration devient totalement opposable à la partie qui l’a faite ou qui a délégué un mandataire pour la faire. En l'espèce, la déclaration du représentant du travailleur relativement à une douleur qu'aurait ressentie le travailleur à une certaine date est un aveu au sens du C.c.Q, puisqu'elle est défavorable au travailleur, et cette preuve est recevable devant la CLP: Poulin et Parenteau & Caron inc., 228290-04B-0402, 06-04-13, J.-F. Clément, (06LP-5).

Il y a lieu de faire une distinction entre les notions de témoin expert, de recevabilité d'un élément de preuve et de force probante d'un élément de preuve. La reconnaissance de la qualité d'expert fait appel aux qualifications, aux compétences et à l'expérience de la personne citée à comparaître en regard de la question sur laquelle elle s'apprête à livrer son opinion. En l'espèce, l'ergonome a déposé son curriculum vitae et il a témoigné sur ses qualifications, ses compétences et son expérience dans le domaine de l'ergonomie. De plus, son rapport et son témoignage portent sur des sujets au coeur de sa compétence, à savoir l'aménagement du poste de travail, les gestes requis pour accomplir le travail et la sollicitation des différentes structures anatomiques résultant de la combinaison de ces deux facteurs. L'ergonome peut donc être reconnu à titre d'expert en ergonomie. Le fait qu'il soit le conjoint de la travailleuse ne le disqualifie pas. Il faut faire une distinction entre la recevabilité d'un élément de preuve et sa force probante. Comme il a été mentionné dans l'affaire Fortugno, la partialité d'un expert, fût-elle prouvée, n'est pas pertinente à la recevabilité de son témoignage ou de son rapport écrit mais concerne plutôt l'appréciation de sa force probante. Pour être recevable, la preuve d'expert doit être pertinente, nécessaire et apportée par une personne qui se voit reconnaître le statut d'expert. En l'espèce, le rapport et le témoignage de l'ergonome étant pertinents, ils sont donc recevables en preuve, sous réserve d'en vérifier la force probante: Université de Montréal et Daigle, 229613-71-0403, 06-04-24, C. Racine.

De façon préliminaire, le tribunal a autorisé les parties à déposer des argumentations écrites avec droit de réplique. Avec l'accord de l'employeur, il a autorisé la travailleuse à produire une réplique à l'argumentation écrite de ce dernier. Cependant, le document reçu ne constitue pas une réplique mais plutôt un complément par son médecin expert avec littérature à l'appui. Or, le tribunal n'a jamais autorisé la production de tels documents et il n'y a pas eu de demande de réouverture d'enquête. Or, une réplique à l'argumentation préparée par un procureur doit consister en un document préparé par le représentant de l'autre partie pour contrecarrer les arguments avancés au soutien d'une thèse. Il ne s'agit pas d'une occasion de parfaire sa preuve ou de déposer une nouvelle preuve. C'est pourtant ce que la travailleuse a fait en l'espèce puisque cette prétendue réplique a été préparée par son médecin expert qui a déjà témoigné deux fois et a donc bénéficié de l'occasion de dire tout ce qu'il avait à dire. Si ses prétentions sont qu'il a été mal cité par le procureur de l'employeur, c'est au représentant de la travailleuse de le faire remarquer au tribunal par une réplique. Enfin, le document produit par le médecin expert de la travailleuse n'apporte rien de nouveau et n'a pas pour effet de changer l'avis du tribunal quant au fond du dossier: Coderre et Aliments Prince, 223440-04B-0312, 06-11-28, J.-F. Clément.

Le défendeur a le droit de recevoir une copie de la transcription de l’audience de 22 jours devant la CLP. Dans la preuve qu’il entend faire, l’employeur veut démontrer, par l’opinion de deux médecins experts, que le défendeur est atteint d’un trouble délirant de type persécution. Or, ces deux médecins, dans leurs affidavits, disent qu’ils en sont venus à considérer le défendeur comme quérulent après avoir, entre autres, pris connaissance des témoignages entendus par la CLP. Le défendeur a le droit de poser des questions aux deux psychiatres sur leur référence à ces 3 500 pages, référence introduite par l’employeur dans une procédure où il attaque le défendeur dans son droit d’ester en justice et dans son patrimoine. Il a donc droit à ces documents aux frais de l’employeur: Cascades inc. c. Larochelle, C.S. Saint-François, 450-17-001598-052, 06-12-01, j. Bellavance, (06LP-238).

Il serait contraire à l’intérêt de la justice de recevoir le témoignage du médecin du travailleur, à titre d'expert, et de lui donner l’occasion de ne pas honorer son engagement auprès du Collège des médecins, soit de «ne plus faire d’évaluation médicale (expertise) sous quelque forme que ce soit pour fins médico-légales ou médico-administratives à partir du 9 mai 2005». La CLP déclare non recevable le témoignage de ce médecin en tant qu’expert et ne permet pas qu’il témoigne à ce titre: Bell Canada et Marion, [2007] C.L.P. 1045.

L’admissibilité d’une preuve présentée par des tiers au litige à l'égard de faits similaires doit, lorsqu’elle vise à établir un comportement fautif ou inapproprié du défendeur, être analysée en fonction de certains critères. Le tribunal doit notamment vérifier si cette preuve a une valeur probante et s’avère utile et pertinente, c'est-à-dire si elle peut contribuer par inférence à démontrer l’un des éléments ou des faits en litige: Société canadienne des postes et Lauzon, [2007] C.L.P. 921.

La déclaration faite au téléphone par le travailleur à son épouse constitue sans aucun doute du ouï-dire, ce qui habituellement n’est pas admissible en preuve devant les tribunaux. Toutefois, les règles de preuve en droit administratif sont plus souples qu’en droit judiciaire et permettent l’admission d’une preuve par ouï-dire à certaines conditions. À ce sujet, la CLP, dans l’affaire Grandmont et P.P.G. Canada inc., indiquait qu’une telle preuve était admissible dans la mesure où elle offrait des garanties suffisantes de fiabilité et où, conformément aux règles de justice naturelle, l’autre partie avait la possibilité d’y répondre. Par conséquent, la CLP rejette l’objection de l’employeur et déclare admissible en preuve la déclaration en question. Cependant, cette preuve devra avoir une valeur probante suffisante quant aux faits rapportés afin d’être retenue et valable: Succession Fernand Brisson et Félix Huard inc., [2007] C.L.P. 1399, révision rejetée, 257429-01A-0503, 08-09-17, C.-A. Ducharme.

Dans le cadre de l’exercice de sa compétence, la CLP procède de novo, c’est-à-dire qu’elle se prononce en considérant non seulement le dossier constitué par la CSST, mais également toute autre preuve additionnelle qui s’avérerait pertinente. De nombreux éléments présents dans les dossiers constituent du ouï-dire chaque fois que leur auteur ne témoigne pas devant la CLP, ce qui est la règle plutôt que l'exception. Néanmoins, dans la mesure où ces résumés, ces notes et ces rapports sont faits dans le cours habituel de leur travail par leurs auteurs, que ces auteurs n’ont pas d’intérêt à altérer les faits apparaissant à leurs documents, et en l’absence de faits prouvés démontrant que ces éléments de preuve par ouï-dire ne sont pas fiables, il n’y a pas lieu de les écarter: David et Industries Savard inc., [2008] C.L.P. 602.

L’article 2 du Règlement sur la preuve et la procédure de la Commission des lésions professionnelles prévoit que la CLP n’est pas tenue à l’application des règles de procédure et de preuve civiles, ce qui inclut la règle concernant le ouï-dire. Étant maître de ses règles de preuve et de procédure, elle peut admettre une preuve par ouï-dire. La valeur probante des notes de la conversation tenue entre la conseillère en réadaptation et le médecin traitant reste à apprécier: Ouellet et Michael Rossy ltée, 329021-61-0710, 08-07-11, L. Nadeau, (08LP-109).

S’il est vrai que la lettre signée par un témoin de l’événement constitue une preuve par ouï-dire, elle n’était pas inadmissible en preuve pour autant. Selon l’article 2 du Règlement sur la preuve et la procédure de la Commission des lésions professionnelles, la CLP n’est pas tenue d’appliquer les règles de preuve civiles, ce qui inclut le ouï-dire, et à différentes reprises, la jurisprudence a reconnu qu’une preuve par ouï-dire était admissible: Constructions E.D.B. inc. et Cloutier, 305875-02-0612, 09-03-06, C.-A. Ducharme, (08LP-241) (décision sur requête en révision).

Le simple fait pour l’ergothérapeute d’avoir déjà agi pour la travailleuse ne la disqualifie pas comme témoin expert de la CSST. Certes, comme l’oblige le Code de déontologie des ergothérapeutes, elle devra s’assurer que son témoignage ne viole pas son obligation de respecter le secret professionnel et il lui appartiendra ainsi qu’aux parties de faire preuve de vigilance à cet égard. Compte tenu de la difficulté que cette exigence peut représenter, la CLP souligne qu’il aurait été préférable qu’elle s’abstienne d'accepter un mandat de la CSST concernant le dossier de sa patiente. De même, il aurait été préférable que la CSST choisisse un expert n’ayant jamais traité médicalement la travailleuse auparavant. Le mandat de thérapie de la travailleuse et celui de l’évaluation de son poste de travail sont des mandats différents faisant appel à des informations ou à des données différentes. Quoi qu’il en soit, la CLP décidera, subséquemment, de la valeur probante de l’opinion de l’ergothérapeute: Lavoie et Sabourin & Tessier inc., 338771-63-0801, 09-03-17, D. Gruffy, (08LP-237).

Sur la question de la preuve par ouï-dire, il est important de se rappeler que le débat a été tenu devant un tribunal administratif qui, conformément aux articles 351, 353, 378, 429.18, 429.21 et à l'article 2 du Règlement sur la preuve et la procédure de la Commission des lésions professionnelles, permet que le débat respecte les objectifs d'accessibilité, de célérité et de déjudiciarisation. Vouloir appliquer la règle de la meilleure preuve aurait pour effet de tenter d'organiser un défilé de la multitude d'intervenants impliqués dans le traitement d'un dossier d'accidenté du travail. Or, il est toujours possible de procéder à des aménagements, lorsque les parties le requièrent, afin de faire entendre les personnes qui se sont prononcées en utilisant un autre média que les témoignages, ce que l'employeur n'a pas fait devant la première juge: Angers et Coloride inc.. 299480-04-0609, 09-03-04, P. Simard (décision sur requête en révision).

Dans Succession Tremblay et Alcan Aluminerie ltée, une formation de trois juges a effectué une analyse détaillée des diverses composantes de la problématique qui impliquait le même employeur qu'en l'espèce. Bien que le présent tribunal ne soit pas lié par cette décision, il lui accorde une autorité indéniable et il adhère aux principes qui y sont énoncés par souci de cohérence décisionnelle, laquelle répond à un besoin de sécurité des justiciables et à un impératif de justice. D'autre part, la formule utilisée pour calculer la probabilité que le cancer pulmonaire du travailleur soit d'origine professionnelle a été déposée par l'employeur et communiquée à la succession. Aucune objection n'a été formulée à l'endroit du dépôt de ce document de sorte qu'il y a lieu de lui accorder une valeur probante permettant de l'utiliser pour les fins du présent litige: Succession Claude Larocque et Groupe Alcan Métal Primaire, 272175-02-0509, 09-04-17, R. Bernard.

Le rapport déposé soit un rapport d'intervention préparé par un psychologue est un élément de preuve valable qui explique le point de vue d'une intervenante, les démarches et le vécu du groupe de travail. Un rapport d'expertise doit être considéré avec les arguments de fond pour en déterminer la force probante et non la recevabilité. Or, une partie importante de ce rapport vise à éclairer sur la dynamique du groupe, sur les motifs d'intervention ainsi que sur les méthodes adoptées et démarches effectuées pour tenter de résoudre les problèmes de relations interpersonnelles. Ainsi, ce n'est qu'après analyse de la preuve factuelle qu'il sera possible de décider de la force probante de l'opinion du psychologue: Otis et Hydro-Québec, 207579-09-0305, 10-06-10, D. Sams.

À la suite d'une demande du tribunal, le médecin expert de l'employeur a produit de la littérature médicale au soutien de ses prétentions. Deux de ces articles proviennent de sites Internet qui ne sont pas ceux d'une association professionnelle ou d'un organisme de recherche et leur valeur probante est remise en question. La Toile Internet constitue certes une source d'information illimitée. Toutefois, la facilité avec laquelle on peut y déposer des textes impose au lecteur la plus grande prudence, surtout lorsqu'il s'agit d'utiliser cette information en preuve devant un tribunal. Il est d'ailleurs étonnant que de tels extraits aient été déposés en preuve par un expert en chirurgie orthopédique. Cette portion de la preuve est, par conséquent, écartée, vu son absence de force probante: Société de protection des forêts contre le feu,2011 QCCLP 738.

Le droit au secret professionnel de l’avocat appartient au client et seul celui-ci peut relever son avocat de l’obligation de ne pas dévoiler ce qui a été l’objet de leurs échanges. Les tribunaux reconnaissent que le mandat confié par un avocat à un expert est un prolongement de son propre mandat. Par contre, lorsque la partie allègue le document au soutien de ses procédures, il y a renonciation à la confidentialité de ce document jusque-là couvert par le secret professionnel. En l’espèce, lorsque la travailleuse demande la remise de l’audience au motif qu’elle requiert la présence d’un expert et le dépôt d’une expertise, elle allègue l’expertise au soutien de sa réclamation et la CLP ne l'a pas obtenue en contravention du privilège du secret professionnel: Kacorri et Agence d'emploi El Rey, 2011 QCCLP 1126 (décision sur requête en révision), révision judiciaire rejetée, 2012 QCCS 1074.

Le tribunal rejette la requête en irrecevabilité de l'employeur concernant une preuve provenant d’un compte Facebook. D’une part, cette preuve est un document technologique au sens de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information, et il appartient à la partie qui en conteste la recevabilité d’établir qu’il y a eu atteinte à l’intégralité du document, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. D’autre part, le dépôt d’un document provenant d’un compte Facebook ne viole pas les dispositions de la Charte des droits et libertés de la personne, puisque ce qui s'y retrouve ne fait pas partie du domaine privé bien qu’un commentaire écrit sur ce réseau social est fait à titre personnel: Landry et Provigo Québec inc., 2011 QCCLP 1802, [2010] C.L.P. 879.