LoiLATMP
TitreXII LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES: ART. 359, 359.1, 367 À 429.59, 450 ET 451
Section6. La révision ou révocation: art. 429.56
6.2 Motifs de révision
6.2.4 Vice de fond de nature à invalider la décision: art. 429.56 (3)
6.2.4.03 Manquement aux règles de justice naturelle
Titre du document6.2.4.03.3 Empêchement de présenter une preuve ou de soumettre des arguments
Mise à jour2011-11-01


NB : Voir la section 6.2.3.3.2 de ce titre sur l'empêchement de présenter une preuve ou de soumettre des arguments dans le contexte de l'impossibilité pour une partie de se faire entendre pour des raisons jugées suffisantes.

Constitue un vice de fond

La CSST allègue que la CLP lui a demandé d'écourter sa preuve, après avoir entendu le témoignage d'une ergothérapeute. Après avoir laissé entendre qu'elle était satisfaite de ce témoignage, la CLP laissait sous-entendre que la preuve était alors convaincante. Dans le cas où celle-ci entretenait encore des doutes sur la question de la capacité du travailleur à exercer son emploi prélésionnel, elle devait laisser la CSST terminer sa preuve ou à tout le moins permettre la réouverture d'enquête, afin qu'elle complète la preuve qu'elle avait à présenter. Il ne s'agit pas d'une question d'appréciation ou de pertinence d'une preuve, mais d'une décision de la CLP de mettre fin à la preuve présentée par la CSST, parce que le tribunal s'estimait satisfait de la preuve soumise par celle-ci. La décision du 31 mars doit être révoquée: Ahmed et Tricots Liesse 1983 inc., 166333-71-0108, 03-07-18, N. Lacroix, (03LP-131).

La commissaire n'a pas pris l'initiative de rechercher une preuve hors audience puisque la fiche d'identification de l'employeur, obtenue lors de sa recherche, faisait bien partie du dossier qui lui était destiné, sans toutefois que ce document soit inclus au dossier transmis aux parties. Le travailleur n'a donc jamais eu connaissance de ce document. Celui-ci a été utilisé pour contredire son témoignage et a porté atteinte à sa crédibilité. Or, il a produit, au soutien de sa requête en révocation, des documents établissant clairement la date de son entrée en fonction chez l'employeur et qui corroborent son témoignage et contredisent les informations que l'employeur a fournies à la CSST à ce sujet. Si le travailleur avait connu l'existence de ce document et avait pu le contredire par le dépôt des documents qu'il a produits dans le cadre de la présente requête, l'appréciation de sa crédibilité aurait pu être différente. Il a été privé d'une défense pleine et entière et n'a pas eu droit à une audition juste et équitable: Qamar et 90810946 Québec inc., 161030-72-0105, 03-12-19, M. Zigby, (03LP-257).

Si le décideur voulait adopter une méthode différente de celle présentée par les parties quant au pourcentage d'imputation, il devait leur fournir l'occasion de soumettre leurs observations, ce qui visiblement n'a pas été le cas et ce qui constitue une violation de la règle audi alteram partem: Mine Jeffrey inc. et Succession Victor Marchand, [2004] C.L.P. 1352.

Même si la jurisprudence reconnaît que la CLP a le pouvoir de soulever d'office le non-respect du délai de contestation prévu à l'article 359.1, puisqu'il s'agit d'une question préliminaire à l'exercice de sa compétence, elle doit d'abord en aviser les parties pour que celles-ci aient l'occasion de présenter une preuve et de soumettre des arguments sur cette question. Le défaut de le faire viole leur droit d'être entendues et constitue un manquement aux règles de justice naturelle qui justifie la révocation de la décision sans qu'il y ait lieu d'examiner si ce manquement a eu un effet déterminant sur le sort du litige: Esen et Lingerie Hago inc., 193051-72-0210, 04-07-15, C.-A. Ducharme, requête en révision judiciaire accueillie en partie sur un autre point, [2004] C.L.P 1841 (C.S.).

Malgré le fait qu'il ait transcrit une partie de l'argumentation de l'employeur, le premier commissaire a ignoré celle-ci, puisqu'il lui reproche un manque de diligence et décide de mettre le dossier en délibéré après avoir indiqué que l'employeur avait eu la possibilité de répliquer aux plaidoiries, ce qu'il n'avait pas fait. Il s'agit d'un vice de fond, puisque la preuve révèle que l'argumentation de l'employeur a été transmise à la CLP en décembre 2002. À la lecture de la décision, on en déduit que le commissaire considère que l'employeur a été négligent en ne répondant pas aux arguments du travailleur. On ne peut qu'en conclure qu'il n'a pas tenu compte de ces arguments pour rendre sa décision. Or, le droit d'être entendu est une règle fondamentale qui comprend l'obligation pour le tribunal de tenir compte de toute la preuve, des arguments des parties et également d'y répondre dans sa décision: Proulx et Osram Sylvania ltée, 142547-04B-0007, 04-09-01, L. Boudreault.

Lors de l'audience initiale, le premier commissaire n'a pas soulevé la question du hors délai. L'employeur n'avait donc aucune raison de croire que la question du délai pour déposer sa demande de partage des coûts allait être prise en considération par le tribunal dans sa décision étant donné que ni la CSST ni l'instance de révision n'avaient soulevé cette question. Comme le tribunal n'a pas soulevé la question du délai à l'audience, l'employeur n'a pas eu la possibilité de s'expliquer sur cette question. Le premier commissaire aurait dû, à tout le moins, lui offrir l'occasion de faire valoir ses arguments quant à la computation du délai et aux motifs justifiant son retard, le cas échéant. La décision doit donc être révoquée en partie parce qu'elle comporte un vice de fond de nature à l'invalider: Métallurgie Brasco Entretien inc., 178614-01A-0202, 04-11-18, M. Carignan.

La première commissaire a manifestement mal interprété la dernière lettre transmise par l'avocat de l'employeur en concluant que celui-ci avait renoncé à soumettre une preuve pour contredire ou compléter les nouveaux documents introduits par le travailleur. En effet, il ressort clairement des échanges et du témoignage de ce procureur à l'audience que celui-ci voulait obtenir une réponse à son objection avant de décider de la suite à apporter dans le dossier et de la preuve qu'il entendait faire. Il n'a pas été avisé du rejet de son objection et la commissaire a rendu sa décision sur le fond en tenant compte des nouveaux documents en question. En faisant cette interprétation des intentions du représentant de l'employeur, la première commissaire a commis un manquement aux règles de justice naturelle, privant l'employeur de faire valoir tous les moyens de preuve qui auraient pu être apportés afin de répondre à l'opinion du médecin traitant et aux nouvelles affirmations du travailleur. Il y a donc eu atteinte au droit d'être entendu et dans ce cas, le tribunal doit invalider la décision sans spéculer sur le sort de celle-ci, n'eût été ce manquement aux règles de justice naturelle: Sauvé et Glopak inc., 159147-63-0104, 05-01-14, L. Boudreault.

La première commissaire avait accepté de ne pas se prononcer sur la capacité du travailleur à exercer son emploi si elle concluait à la présence de limitations de classe 3. La CSST l'a informée que, dans la mesure où ces limitations fonctionnelles étaient retenues, elle voulait faire entendre la conseillère en réadaptation sur la capacité du travailleur à exercer son emploi. Étant donné que la première commissaire n'indique pas les raisons qui l'amènent à se prononcer malgré tout sur la question, on doit comprendre qu'il s'agit d'une erreur de sa part. Cette erreur fait en sorte que la CSST n'a pu faire entendre des témoins, ni soumettre une argumentation et qu'elle a été ainsi privée de son droit d'être entendue: Yaltaghian et Dassault Systèmes inc., 230501-71-0403, 05-02-11, C.-A. Ducharme.

Le fait d'avoir rendu la décision en révision sans avoir tenu compte de l'argumentation écrite du procureur du travailleur constitue une erreur manifeste bien qu'elle ait été commise de façon involontaire. En effet, une seule journée sépare la réception de cette argumentation et la décision qui a été rendue. De plus, le travailleur n'a jamais été informé que la CLP avait rendu une ordonnance, exigeant que cette argumentation soit déposée dans un certain délai. En raison d'un imbroglio administratif, le travailleur a été privé de son droit de présenter ses arguments: Azniga et Artitalia inc., 235881-71-0406, 06-07-25, A. Suicco.

La procureure de l'employeur a adressé à la CLP, le 19 décembre 2005, son argumentation écrite par télécopieur en avisant cette dernière que des éléments de preuve seraient transmis plus tard, lesquels documents ont été reçus à la CLP le lendemain. Mais le dépôt de ceux-ci a été refusé au motif que la première commissaire avait pris le dossier en délibéré. À cet égard, il ressort de la décision que l'absence de ces documents a été déterminante. S'ils avaient été produits, ils auraient pu donner lieu à une décision différente. Il est vrai que l'employeur a renoncé à la tenue d'une audience, mais, ce faisant, il n'a pas renoncé à faire valoir ses droits. La requête n'aurait pas dû être prise en délibéré avant que ces documents, annoncés et attendus, ne soient reçus. Or, non seulement la requête a été prise en délibéré avant la réception de ces documents, mais cette prise en délibéré a servi de motif pour en refuser le dépôt. Ce refus a porté atteinte au droit de l'employeur de se faire pleinement entendre: Jules & Henri Couvreurs ltée, 251490-71-0412, 07-01-25, M. Zigby.

Le témoignage du directeur du financement à la CSST ou la liste des employeurs inscrits qui faisaient l'objet de la citation à comparaître annulée par le premier juge apparaissent prima facie être non seulement pertinents, mais également essentiels pour permettre à la requérante de faire valoir ses moyens compte tenu du caractère bien particulier de ses prétentions. En effet, le témoin aurait apporté un éclairage sur l’absence d’inscription à la CSST des employeurs de la réserve, ce qui aurait permis d’expliquer les motifs pour lesquels la requérante croyait à tort qu’elle n’avait droit à aucune prestation de la CSST. Même s’il appartient au premier commissaire d’évaluer la pertinence de tous les éléments de preuve et de décider du sort de la citation à comparaître, en l’espèce, le refus de cette preuve a un tel impact sur l’équité du processus que l’on ne peut conclure autrement qu’à une violation des règles de justice naturelle. En effet, l'absence de cette preuve pertinente pourrait avoir un impact réel sur l’issue du processus et pourrait même être fatale à la réclamation de la requérante. Par ailleurs, il importe peu que le témoignage ou les documents demandés ne soient pas retenus, soient considérés non probants ou que leur contenu n’ait aucune influence comme telle sur le sort de la décision à rendre puisque le témoignage est pertinent et que le refus de l’entendre en annulant la citation à comparaître constitue un cas de violation des règles de justice naturelle: Jacob et Succession Kenneth McComber, [2008] C.L.P. 1032.

Même si la travailleuse disait s'être blessée au travail, sa réclamation a été traitée par la CSST sous l'angle d'une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle de mai 1993 et l'audience initiale devant la CLP a porté uniquement sur cette question. L'hypothèse d'un accident du travail n'a jamais été soulevée lors de l'audience. Le premier commissaire pouvait malgré tout aborder le litige sous cet angle, mais il devait alors en informer les parties et notamment la CSST, que ce soit lors de l'audience ou en cours de délibéré, afin de leur permettre de soumettre leurs arguments concernant cette hypothèse. L'omission du premier commissaire de permettre à la CSST de soumettre ses arguments concernant l'hypothèse de la survenance d'un accident du travail et l'application de la présomption de lésion professionnelle prévue à l'article 28 justifie d'accueillir la requête et de révoquer la décision: Charette et Kateri School, 287572-01A-0603, 08-01-25, C.-A. Ducharme, révision rejetée, 08-10-27, M. Carignan.

Il est évident à la lecture de la décision que le premier commissaire n'avait pas en mains la lettre transmise par l'employeur ni l'expertise de son médecin. Ces documents ne lui ont pas été remis. L'employeur avait indiqué dans sa lettre qu'il demandait un «partage de coûts selon l'article 326» et l'opinion de son médecin concernait la maladie intercurrente. Or, le premier commissaire a décidé d'une demande de partage de coûts selon l'article 329. Les critères d'application de l'article 326 n'ont donc pas été analysés par le premier commissaire. L'opinion du médecin de l'employeur avait précisément été demandée pour établir s'il y avait lieu d'accorder un partage de coûts selon les articles 326 et suivants. Cet avis était donc pertinent à la résolution du litige. Malheureusement, en raison d'un imbroglio administratif, l'employeur a été privé de son droit d'être pleinement entendu: Entreprises Sylvie Drolet inc. et Entreprises L. Daniel Morgan ltée (fermée), 321131-62A-0706, 08-11-06, S. Di Pasquale.

La Cour suprême du Canada dans l’affaire Ville de Montréal c. Syndicat canadien de la Fonction publique, déclarait qu’en l’absence d’un droit expressément reconnu à l’enregistrement, il fallait se demander, en l'absence de l’enregistrement, si le dossier était suffisant pour statuer convenablement sur la demande de révision. La CLP doit donc se demander si le dossier lui permet de statuer convenablement sur la demande de révision. Considérant l’ensemble du dossier, la CLP estime que nulle part il n’est fait mention que le travailleur savait, dès 1986, qu’il était possiblement atteint d’une maladie professionnelle. Le fait que l'otologiste ait suggéré au travailleur de se protéger les oreilles au travail n’était pas suffisant à lui seul pour conclure qu’il avait été mis au courant de la relation entre son travail et sa surdité. Comme la conclusion de la première commissaire repose essentiellement sur le témoignage du travailleur, que ce témoignage ne peut être vérifié compte tenu que l’enregistrement de l’audience est incomplet, le travailleur n’est pas en mesure de faire valoir pleinement ses moyens et le dossier dont dispose le tribunal n’est pas suffisant pour statuer convenablement sur sa requête. Le remède approprié est la révocation de la décision afin que l'affaire soit réentendue: Provencher et Capital Métal Industrie (Québec) Ltd, [2009] C.L.P. 1.

Bien qu’il aurait été préférable que le travailleur transmette son argumentation écrite avant le jour de l'audience, il n’en demeure pas moins qu’elle a été transmise au greffe du tribunal avant le début de l'audience. Ce document aurait dû être transmis au juge administratif présidant l’audience. Ce n’est qu’en raison d’un problème administratif que le document lui a été transmis après l’audience alors que la décision avait été rendue. Le travailleur a ainsi été empêché de soumettre des arguments, ce qui constitue un manquement aux règles de justice naturelle. La requête en révocation est donc bien fondée: Lahaie et Sonaca Canada inc., 291149-71-0606, 09-01-15, S. Di Pasquale.

L'objet de la contestation était de déclarer que la lésion professionnelle n'était pas consolidée le 8 juin 2006, que le diagnostic est celui déterminé par le médecin du travailleur et de retourner le dossier à la CSST pour une évaluation psychologique. Le travailleur n'a pas demandé de se prononcer sur l'existence d'une relation entre une lésion psychologique et la lésion initiale. Or, c'est ce que la première juge a fait alors que le médecin du travailleur ne s'était pas prononcé sur la question. Ainsi, la première juge n'ayant pas donné l'opportunité à l'employeur de produire une preuve adéquate, elle a commis un accroc au droit d'être entendu: Boily et Sablière Drapeau 1986 inc., 312450-02-0703, 09-06-04, J.-L. Rivard.

L'employeur a été privé de son droit d'être pleinement entendu. En effet, le premier juge administratif a rendu sa décision sans avoir permis à l'employeur de se faire entendre sur la question préliminaire qu'il a soulevée d'office soit le délai prévu à l'article 359 pour contester une décision. L'employeur n'a pas été avisé que cette question serait discutée et il ne lui a pas été permis de présenter un motif raisonnable pouvant le relever de son défaut. De plus, le procès-verbal de l'audience fait état de la prise en délibéré sur le fond et non sur une question préliminaire. Les règles de justice naturelle n'ayant pas été respectées, la requête en révocation est accueillie: Les Transports Summum inc., 356369-71-0808, 09-07-07, L. Boudreault.

Ne constitue pas un vice de fond

Le travailleur allègue que la CLP a refusé d'entendre son témoin principal, soit un expert médical, et a omis de considérer certains éléments de preuve, dont le témoignage de son médecin traitant. Le travailleur a mandaté un procureur pour le représenter et ce dernier a décidé que le témoignage de l'expert n'était plus nécessaire. Le travailleur aurait dû se dissocier de cette décision à l'audience s'il n'était pas d'accord avec la stratégie de son procureur. En gardant le silence, il a acquiescé à cette décision de son procureur. Il ne peut utiliser la requête en révision pour modifier rétroactivement la stratégie, car cela équivaudrait à lui permettre de bonifier sa preuve, allant ainsi à l'encontre de la stabilité juridique des décisions: Milette et Produits forestiers Bellerive Ka'n'enda inc., 87886-64-9704, 99-03-29, L. Couture.

La première commissaire n'avait pas l'obligation d'inviter, de manière expresse, l'employeur à présenter une preuve sur l'hypothèse de la survenance d'une récidive, rechute ou aggravation de la lésion professionnelle. Comme elle l'a indiqué, l'hypothèse d'une relation entre la lésion psychique de 2000 et la lésion physique de 1997 et, partant, de la survenance d'une récidive, rechute ou aggravation de cette lésion, a été documentée au dossier dès les premières consultations qui ont eu lieu après la tentative de suicide du 19 octobre 2000. De plus, elle est soutenue par le psychiatre qui a témoigné à la demande de la travailleuse. Lors de son argumentation, la représentante de l'employeur s'est montrée surprise du fait que le représentant de la travailleuse reliait la lésion psychique au phénomène de douleurs chroniques alors que ce n'était pas le cas initialement. Compte tenu de cette prétention, elle a alors soumis des arguments pour faire rejeter cette hypothèse en faisant notamment référence à deux décisions. L'employeur était donc au courant de l'hypothèse qui a été finalement retenue par la première commissaire et il ne peut maintenant lui reprocher de ne pas l'avoir invité à présenter une preuve sur celle-ci et avoir ainsi violé son droit d'être entendu si, lors de l'audience initiale, il n'a pas jugé bon de faire entendre des témoins: G. P. et Société Radio-Canada, 189641-71-0208, 05-09-08, C.-A. Ducharme, désistement 2011-10-14, C.S. Montréal, 500-17-027936-056.

Bien que le commissaire ait pu laisser l’impression qu’il avait déjà pris position en indiquant aux parties la lecture qu'il faisait du dossier, il a toutefois indiqué qu'il restait ouvert, qu’il demandait à être convaincu, ce qui constitue une invitation à faire valoir ses moyens. L’employeur n’ayant pas saisi cette occasion, la CLP considère qu’il a renoncé à faire valoir ses droits en temps utile et ne peut donc conclure que le premier commissaire n’a pas respecté ses obligations prévues à l’aliéna 2 de l’article 12 de la Loi sur la justice administrative: Transport R.M.T. inc. et Guénette, 246033-63-0410, 07-04-25, Alain Vaillancourt, (07LP-33).

L'employeur fait également valoir un manquement aux règles de justice naturelle en raison du refus de la commissaire de recevoir en preuve l'opinion médicale d'un oto-rhino-laryngologiste. Il est vrai que le refus d'admettre une preuve pertinente peut constituer une violation des règles de justice naturelle, mais il ne l'est pas automatiquement. En l'espèce, la décision de la commissaire repose notamment sur le caractère tardif du dépôt en preuve du document, sans aucun avis au tribunal ou aux autres parties. À cet égard, elle s'appuie sur les dispositions des Règles de preuve, de procédure et de pratique de la Commission des lésions professionnelles. La démarche de l'employeur apparaît davantage comme une tentative de reprendre l'audition et la preuve: Genfoot inc. et Gosselin, 245725-62-0410, 08-01-23, L. Nadeau.

Le fait pour un juge de déclarer son adhésion à un courant jurisprudentiel n'empêche pas une partie de faire sa preuve, comme le démontre, en l'espèce, la remarque du premier juge administratif qui fait référence à un courant jurisprudentiel majoritaire, tout en précisant son ouverture à entendre l'argumentation contraire de l'employeur. Ce commentaire démontre plutôt une certaine transparence dans la gestion de l'audience dans le but de permettre à une partie de bien faire sa preuve et de l'orienter vers les questions essentielles et percutantes. De plus, cela va dans le sens de l'article 12 de la Loi sur la justice administrative. En l'espèce, le premier juge administratif a même permis à l'employeur de produire les notes cliniques des consultations médicales de la travailleuse avant qu'elle ne produise sa réclamation, et ce, sans réserve ni commentaires. Enfin, sa décision est clairement motivée et il n'y a aucune erreur de fait ou de droit: Ballin inc. et Bouchard, 282624-63-0602, 09-02-17, Anne Vaillancourt.

Même si le droit d'être entendu est fondamental, les parties doivent prendre les moyens nécessaires pour exercer ce droit; il ne doit pas y avoir négligence de leur part. En l'espèce, le représentant de l'employeur aurait dû aviser le premier juge des documents à venir par la poste afin qu'il retarde son délibéré pour en prendre connaissance avant de rendre sa décision. Son silence à cet égard a incité le juge à conclure que le dossier était complet et il ne lui revenait pas de s'assurer que toute la documentation nécessaire avait été déposée. La prétention voulant que le premier juge ait rendu sa décision trop rapidement est également rejetée. La justice administrative se distingue par son accessibilité et sa célérité. L'article 429.51 traduit d'ailleurs cette préoccupation en imposant de courts délais pour la mise au rôle et la rédaction de la décision. En l'espèce, toute la preuve disponible a été considérée et la partie qui se plaint du non-respect de son droit d'être entendue est à l'origine de ce manquement: Provigo Distribution (Maxi & Cie), 359074-31-0809, 09-12-08, C. Racine.

Bien que la jurisprudence reconnaisse que l'empêchement de présenter une preuve ou de soumettre des arguments constitue un manquement aux règles de justice naturelle, il s'agit de situations où la partie qui se plaignait du manquement était présente, mais n'a pu faire valoir ses droits parce que le sujet en question n'avait pas été soulevé à l'audience. En l'espèce, le travailleur a choisi de ne pas se présenter et, ce faisant, il a renoncé à son droit d'être entendu et à faire valoir une défense sur des sujets qui pourraient être abordés lors de l'audience. L'article 377 prévoit que la CLP a le pouvoir de confirmer, modifier ou infirmer la décision contestée et, s'il y a lieu, de rendre la décision, l'ordre ou l'ordonnance qui aurait dû être rendu en premier lieu. Ce pouvoir fait en sorte qu'une partie peut introduire une nouvelle preuve: Château Taillefer Lafon et Vnuk, 349938-71-0805, 10-01-27, S. Di Pasquale.

En ce qui concerne le droit de l'employeur d'être entendu sur la question de l'obligation de diligence, celui-ci a tort de prétendre que l'objet du litige consistait à déterminer si le délai de prescription de trois ans prévu à l'article 2925 C.C.Q. s'appliquait à la demande de remboursement de l'IRR et de soutenir qu'il a été privé de ce droit parce qu'il n'a pas eu l'occasion de faire des commentaires et de déposer de la jurisprudence sur cette question. En effet, l'objet du litige concernait davantage l'existence d'un délai pour réclamer le remboursement prévu à l'article 126. Or, dans l'interprétation de cet article, la première juge n'était pas limitée aux arguments soumis par les parties et celle-ci a choisi une voie mitoyenne en retenant que l'employeur devait agir avec diligence. Cela faisait partie des hypothèses qui pouvaient être envisagées. Accepter la prétention de l'employeur pourrait conduire à la situation où un juge administratif ne serait jamais en mesure de rendre sa décision parce qu'il serait constamment appelé à informer les parties du résultat de son analyse des questions soulevées par le litige: S.T.M. et Succession Réal Théroux, 313961-63-0704, 10-04-16, C.-A. Ducharme.

Il n'y a pas eu violation des règles de justice naturelle. Si l'expert du travailleur disposait du rapport du médecin qui a charge, le travailleur y avait vraisemblablement accès. Donc, s'il considérait qu'il était incomplet, ce qui est rapporté par son propre témoin expert, il avait l'opportunité de déposer ce rapport afin de compléter sa preuve ou de faire des représentations à cet égard. Par son silence, il a choisi de ne pas le déposer et de ne pas en faire état dans le cadre de sa preuve ni de sa plaidoirie. Il a donc implicitement accepté ce que son médecin a rapporté en ce qui a trait à l'opinion du médecin qui a charge. En l'espèce, le travailleur ne peut prétendre être pris par surprise par la preuve médicale rapportée par son propre médecin expert; il a eu l'opportunité de la compléter et de la commenter: Doré et Rollerball, 355595-71-0807, 10-09-15, Monique Lamarre.

Concernant l'argument de l'employeur à l'effet que le premier juge aurait dû le contacter pour vérifier les motifs pour lesquels le complément de preuve attendu n'avait pas été produit dans le délai prévu, il s'avère que celui-ci a été informé qu'on lui accordait un délai pour transmettre un complément de preuve. Or, à l'échéance, il n'a fait aucune démarche pour demander une prolongation du délai. Le premier juge n'avait aucune obligation d'appeler l'employeur pour s'enquérir des motifs pour lesquels le document annoncé n'avait pas été reçu. La responsabilité de transmettre le document appartenait à l'employeur ou à son représentant. Que ceux-ci ne se soient pas entendus pour déterminer qui avait la responsabilité de transmettre le document, constitue une erreur qui ne peut certainement pas être reprochée au premier juge ou à la CLP. Il revenait à l'employeur ou à son représentant de vérifier si le document attendu avait été envoyé: Emballages Mitchel-Lincoln, 2011 QCCLP 681.

La travailleuse prétend que le fait qu'elle se représentait elle-même lors de l'audience obligeait le tribunal à réclamer l'administration d'une preuve que les parties n'offraient pas de leur propre initiative, soit le dossier complet de la lésion professionnelle de 2007. En l'espèce, la travailleuse n'a pas demandé la remise de l'audience et le premier juge s'est assuré qu'elle comprenait bien l'objet du litige soumis au tribunal. La travailleuse a déposé en preuve des documents, a témoigné elle-même sous serment, a convoqué un témoin, qui a été entendu, et a présenté sa plaidoirie. Le premier juge aurait largement dépassé les balises de son devoir de secours équitable et impartial s'il avait entrepris de faire la preuve requise, en lieu et place de la travailleuse. Le fait pour un travailleur de se représenter lui-même ne fait pas partie des circonstances justifiant l'intervention active du tribunal dans l'administration de la preuve. La requête en révision est rejetée. De Parada et Wal-Mart Canada, 2011 QCCLP 3303.