La présomption n'est pas renversée
Il faut prendre la personne humaine comme elle est avec son âge, ses faiblesses et ses vicissitudes. Prédisposition aux troubles lombaires: Chaput c. S.T.C.U.M., [1992] C.A.L.P. 1253 (C.A.), requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée, 93-03-04, (23265); prédisposition aux hernies ombilicales: Kamyr Entreprises inc. et Bonneau, [1993] C.A.L.P. 1318; légère spondylarthrose: Fuoco et Sûreté du Québec, [1993] C.A.L.P. 873; condition diabétique: Laramée et Soreltex International inc., 20651-62-9007, 92-10-13, G. Robichaud, (J4-18-19); Société canadienne de la Croix-Rouge et Sabourin, 81536-60-9608, 97-09-30, G. Robichaud.
On doit prendre le travailleur dans l'état où il se trouve au moment de l'accident: Moisan et Produits forestiers Canadien Pacifique, 30101-04-9106, 93-05-07, R. Chartier, requête en révision judiciaire continuée sine die, C.S. Québec, 200-05-001773-931; la présence d'une condition préexistante n'est pas un élément propre à renverser la présomption. Entorse lombaire, radiculopathie de la colonne lombaire: Morissette et Gaz Métropolitain inc., 52396-02-9307, 95-05-23, C. Bérubé; Laliberté & associés inc. et Vavick, 75821-61-9601, 96-10-02, B. Lemay; Whittom et Académie François Labelle, 118832-63-9906, 00-07-13, H. Rivard.
Le seul fait que le travailleur présente une condition personnelle d'arthrose n'est pas suffisant pour repousser la présomption. Entorse lombaire: Iannuccilli et Samuelsohn ltée, 45331-60-9209, 95-06-01, S. Lemire; entorse lombaire, arthrose préexistante: Therrien et Société canadienne des postes, 35656-63-9112, 95-07-06, S. Di Pasquale.
Le fait qu'un travailleur soit porteur d'une condition personnelle peut le rendre plus vulnérable que d'autres travailleurs à certaines blessures, mais ce fait ne peut écarter l'application de la présomption car, malgré cette fragilisation, il y a bel et bien une blessure qui se rajoute à cette condition personnelle et qui doit être considérée comme lésion professionnelle: Super C et Consigny, 92631-03-9712, 98-08-03, G. Godin; Béton Provincial ltée et Cloutier, 118800-01B-9906, 01-11-02, R. Arseneau.
L'existence d'une condition personnelle préexistante n'empêche aucunement qu'un travailleur puisse subir une lésion professionnelle aggravant sa condition au travail, sauf s'il n'y a aucune relation entre le travail et la lésion alléguée comme étant professionnelle. En l'espèce, la preuve d'une condition personnelle prédisposante et préexistante n'est pas faite et aucune preuve médicale n'est apportée attestant qu'il n'y avait pas de relation entre l'entorse dorsale légère et le fait pour le travailleur de s'étirer pour ouvrir une porte de four alors qu'il est en équilibre instable: Milewski et Bombardier inc. Aéronautique, 109187-72-9901, 99-09-24, G. Robichaud.
C'est au stade du renversement de la présomption que l'absence d'un mécanisme de production jugé compatible avec la lésion diagnostiquée peut être considérée. La condition personnelle préexistante du travailleur pourra, elle aussi, être appréciée le moment venu de décider si l'effet de la présomption légale a été contré. Pour contrer la présomption, il ne suffit pas de prouver qu'une condition personnelle a pu causer la lésion, ou même qu'elle a effectivement contribué à son apparition. Or, les médecins de l'employeur n'affirment pas que l'entorse lombaire ne résulte aucunement du travail. Ils ne nient pas que les nombreuses entorses lombaires subies par le travailleur auparavant ont pu, par leur effet cumulatif, affaiblir les structures de son dos et le rendre ainsi plus fragile, au point de provoquer une nouvelle lésion ou un nouvel épisode aigu à partir d'un événement peut-être anodin et sans conséquence pour un sujet sain, mais dommageable pour lui. Pourtant, telle fragilisation, consécutive à six entorses lombaires dont quatre ont été reconnues à titre de lésion professionnelle, apparaît tomber sous le sens commun. En application de la règle du «crâne fragile», cette condition de fragilité ne saurait faire échec à la compensation. L'employeur n'a pas réussi, dans le présent cas, à vaincre la présomption opérant en faveur du travailleur: Bergeron et Hôpital Sacré-Coeur de Montréal-QVT, 194505-64-0211, 04-01-16, J.-F. Martel.
Les motifs ne permettant pas de renverser la présomption sont l’absence d’événement imprévu et soudain, l’existence d’une condition personnelle en soi et le seul fait que les gestes posés au travail étaient habituels, normaux et réguliers: Boies et C.S.S.S. Québec-Nord, 2011 QCCLP 2775, [2011] C.L.P. 42 (formation de trois juges administratifs); Benoît et Suncor Énergie inc., 2011 QCCLP 5790.
La présomption est renversée
Le diagnostic initial d'entorse doit être écarté et celui qui doit être retenu est un syndrome de l'angulaire de l'omoplate du côté droit. Un tel syndrome peut être causé par plusieurs facteurs différents. En l'espèce, on doit écarter la possibilité qu'il soit traumatique puisqu'il n'est intervenu aucun facteur extérieur pouvant provoquer une telle lésion et que les gestes effectués par la travailleuse ne l'ont pas été de façon violente ou susceptible de causer une telle lésion. La travailleuse a souffert d'une condition personnelle qui s'est manifestée au moment où elle était au travail mais qui n'est pas en relation avec son travail. Lésion non reconnue: United Parcel Service Canada ltée et Jodoin, 85101-61-9612, 97-12-08, L. Thibault.
Pour que la présomption puisse être renversée, il faut analyser si le geste décrit peut avoir engendré la lésion diagnostiquée, soit s'il y a une relation médicale entre la lésion diagnostiquée et l'événement allégué. Or, le mécanisme habituel pour qu'il y ait une déchirure méniscale est un mouvement de torsion au niveau du genou alors qu'il y a rotation du fémur sur le tibia pendant que le pied est fixé au sol avec une mise en charge et une flexion. Ce n'est pas le cas en l'espèce. De plus, la travailleuse est atteinte d'une pathologie personnelle qui était présente avant l'événement. Le ménisque était déjà déchiré, tel que l'atteste l'analyse anatomo-pathologique des tissus prélevés ainsi que la présence d'un kyste de Baker témoignant d'une dégénérescence au niveau de l'articulation du genou. Lésion non reconnue: Corbin et C.H.R.T.R., 88193-04-9705, 98-12-03, A. Gauthier.
L'employeur a repoussé la présomption de lésion professionnelle en démontrant l'absence de relation causale entre la blessure, soit une déchirure du ligament croisé antérieur et une déchirure méniscale, et le fait pour la travailleuse de se retourner pour saluer une collègue de travail et une cliente. Il s'agit de la manifestation d'une condition personnelle au travail car ce n'est pas le fait de se tourner qui a provoqué la blessure, mais plutôt le fait que son genou, de façon tout à fait personnelle, a tordu: C.A. réadaptation Le Bouclier et Ouellet, 129875-73-0001, 00-09-29, P. Perron, (00LP-131).
Le geste effectué au travail est banal, a été posé dans une position tout à fait ergonomique et n’est pas susceptible de provoquer une entorse lombaire. Le travailleur est porteur d’une condition personnelle dégénérative. En présence d’un geste susceptible de produire une entorse lombaire, il va de soi que la condition personnelle du travailleur ne constitue pas un élément pour repousser la présomption. Toutefois, la démonstration par l’employeur de ces deux facteurs permet de reconnaître qu’il s’est déchargé de son fardeau de repousser la présomption établie par l’article 28: Sabeau et Le groupe Jean Coutu PJC inc., 201671-72-0303, 03-10-31, P. Perron.
Le travailleur a été symptomatique de sa maladie du sinus qui a entraîné ses étourdissements et sa perte de conscience. S'il est vrai qu'il s'est blessé à la tête en tombant, on ne peut conclure que le milieu de travail a contribué à aggraver les conséquences prévisibles d'une telle chute. Les conséquences de la chute sont celles que le travailleur aurait pu s'infliger en tombant chez lui. C'est donc une maladie préexistante, sans aucun lien avec le travail et qui n'a pas été aggravée par celui-ci, qui a causé la chute et les blessures. Comme la perte de conscience et la chute résultent de la simple manifestation d'une condition personnelle sur les lieux du travail et que la cause des blessures est étrangère au travail, la présomption de lésion professionnelle est renversée: Les Poudres Métalliques du Québec ltée et Laforest, 240310-62B-0407, 05-05-26, Alain Vaillancourt.
L’employeur a réussi à renverser la présomption à l’aide de l’opinion de son médecin désigné. Bien que le travailleur ait subi une torsion de son genou droit alors qu’il marchait dans l'entreprise, cette torsion et l’entorse qui a suivi résultent de la manifestation au travail d’une condition personnelle sans que le travail ou l'environnement ait eu quelque influence que ce soit. Le seul fait de marcher normalement sans glissade ou chute, dans un contexte calme et sans urgence, n'apparaît nullement correspondre à un mécanisme pouvant entraîner une entorse du genou qui résulte ici plutôt de la simple présence d’une condition préexistante qui s’est manifestée par hasard au travail comme elle aurait pu se manifester sur la rue ou à la résidence du travailleur. La théorie du crâne fragile ne s’applique pas en l’absence d’un événement inhabituel ou extraordinaire survenu dans le cadre du travail qui aurait pu causer une lésion à n’importe quel travailleur: St-Onge et Domtar - Usine Lebel-sur-Quévillon, 267983-08-0507, 06-11-30, J.-F. Clément, (06LP-211).
Les motifs permettant de renverser la présomption sont, d'une part, l’absence de relation causale entre la blessure et les circonstances d’apparition de celle-ci et, d'autre part, la preuve prépondérante que la blessure n’est pas survenue par le fait ou à l’occasion du travail ou provient d’une cause non reliée au travail: Boies et C.S.S.S. Québec-Nord, 2011 QCCLP 2775, [2011] C.L.P. 42 (formation de trois juges administratifs).