Loi
LATMP
Titre
IX FINANCEMENT: ART. 281 À 331
Section
6. Imputation des coûts: art. 326 à 331
6.4 Imputation qui obère injustement l'employeur: art. 326, al. 2
Titre du document
6.4.1 Généralités
Mise à jour
2011-11-01
Généralités
Pour déterminer si une imputation a pour effet d'obérer injustement un employeur il y a lieu de s'en remettre au sens ordinaire des mots. Obérer signifie charger, accabler de dettes. Un employeur n'est pas obéré injustement par l'imputation du coût des prestations dues en raison d'une lésion professionnelle subie par un travailleur qui n'était pas déjà handicapé, bien que celui-ci ait été porteur d'une condition personnelle qui a pu être un facteur contributif à la survenance ou à la période de consolidation de cette lésion:
Howard-Bienvenu inc. et
Fournier
,
07209-08-8804, 90-02-27, R. Brassard, (J2-01-19);
Transport Cabano Expéditex et
Lessard
,
[1991] C.A.L.P. 459 (décision accueillant la requête en révision);
Protection incendie Viking ltée et
Prairie
,
51128-60-9305, 95-02-02, J.-C. Danis, révision rejetée, 95-11-15, N. Lacroix.
L'employeur doit faire la preuve que l'imputation des prestations versées au travailleur lui impose une lourde charge financière:
Transport Cabano Expéditex et
Lessard
,
[1991] C.A.L.P. 459 (décision accueillant la requête en révision);
Constructions E.D.B. inc. et
Dubois
,
55369-05-9311, 95-03-31, J.-C. Danis, requête en révision judiciaire accueillie, [1995] C.A.L.P. 1911 (C.S.), appel accueilli, [1998] C.L.P. 1456 (C.A.)
.
Afin d'éviter que les employeurs ne soient injustement obérés pour des lésions professionnelles, il faut rechercher un souci d'équité et donner un sens au terme «injustement». Par ailleurs, les nuances apportées par la jurisprudence ne doivent pas avoir pour effet de s'écarter du principe général en financement qui veut que les coûts de la lésion professionnelle soient imputés au dossier financier de l'employeur. C'est pourquoi il faut prendre garde à une interprétation trop large qui ferait en sorte que, chaque fois que des particularités surviennent, un transfert d'imputation serait accordé:
CSST et Le Groupe de sécurité Garda
inc.
,
[1999] C.L.P. 17.
C'est la même loi qui chapeaute tant le régime d'indemnisation que le régime de financement. L'appréciation de ce qui est juste ou non doit s'effectuer dans ce contexte en analysant les dispositions législatives les unes par rapport aux autres. L'application d'une disposition législative, soit l'article 65, ne peut être interprétée comme obérant injustement l'employeur:
Ville de Drummondville et
CSST
,
[2003] C.L.P. 1118 (décision accueillant la requête en révision), requête en révision judiciaire
rejetée,
[2004] C.L.P. 1856 (C.S.).
Lorsqu'il y a matière à application de l'article 326 alinéa 2, la totalité du coût des prestations ne doit plus être imputée à l'employeur. Il ne saurait être question de ne l'imputer que d'une partie du coût. C'est, en quelque sorte, tout ou rien:
Groupe Admari inc. et
CSST
,
178321-01A-0202, 03-03-31, L. Desbois.
L'employeur ne peut invoquer le fait qu'il a pu être obéré injustement puisqu'il s'agit d'un cas de maladie professionnelle alors que l'article 326 ne s'applique qu'aux cas d'accidents du travail:
Ciment Québec
inc.
197501-32-0212, 03-11-12, M.-A. Jobidon.
Même si la travailleuse n'était à l'emploi de l'employeur que depuis très peu de temps et dans le contexte d'une période de formation préembauche, son statut au sein de l'entreprise ne saurait être pris en compte pour établir s'il est injuste d'imputer au dossier financier de son employeur le coût des prestations exclusivement générées par un accident du travail qui demeure complètement associé à des risques inhérents aux activités spécifiques de l'employeur:
Inter-Beauce
,
218140-03B-0310, 04-03-03, P. Brazeau.
L’article 326 permet un transfert du coût des prestations, et ce, aux employeurs d’une, de plusieurs ou de toutes les unités afin de prévenir que l’employeur ne soit obéré injustement. Cela implique, comme dans le cas de l’article 327, qu’il y a transfert de coût et non partage. Ainsi, lorsque l’alinéa 2 de l’article 326 s'applique, la totalité du coût des prestations ne doit plus être imputée à l’employeur, un transfert devant être fait. Il ne saurait être question de ne l’imputer que d’une partie du coût:
Les systèmes Erin ltée et CSST,
[2005] C.L.P. 1247.
L'article 326 ne permet pas le partage d'imputation des coûts engendrés par une lésion professionnelle, mais se limite à préciser quel employeur doit assumer la totalité des coûts. Seul l'article 329 prévoit un partage des coûts. Qui plus est, l'employeur n'a pas démontré qu'il serait obéré injustement du seul fait qu'il doit assumer la totalité des coûts de la lésion professionnelle de la travailleuse qui, en raison de conditions médicales personnelles, n'a pu poursuivre l'assignation temporaire:
Sécurité Kolossal inc. et Demers,
261919-62-0505, 06-09-01, G. Godin, (06LP-117).
Délai
L'article 326 ne prévoit pas deux modes de computation du délai selon que l'employeur allègue que l'accident est attribuable à un tiers ou qu'il allègue qu'il est obéré injustement. Le délai court toujours de la date de l'accident et la demande doit être soumise dans l'année suivant la date de l'accident:
Service de sécurité André
Saint-Germain
,
189835-71-0208, 03-01-27, C. Racine.
Lorsque le législateur réfère, au dernier alinéa de l'article 326, à l'année suivant la date de l'accident, il réfère nécessairement à la notion d'accident du travail, spécifiquement mentionnée au second alinéa de cet article, et non à celle de rechute, récidive ou aggravation:
R.S.S.S. M.R.C. Maskinongé et
CSST
,
193470-04-0210, 03-07-28, S. Sénéchal, (03LP-118).
Le délai prévu à l'article 326 n'est pas respecté. Cependant, la CSST a rendu une décision sur le fond de la demande de l'employeur et, au stade de la révision administrative, la CSST a maintenu sa décision. Il y aurait donc lieu de considérer que la CSST a implicitement relevé l'employeur de son défaut d'avoir respecté le délai prévu au troisième alinéa de l'article 326:
Ville de
Drummondville
,
183570-04B-0205, 04-06-02, S. Sénéchal.
Même si la CSST ne s'est pas prononcée sur la question de la production tardive de la demande de partage de coûts en vertu de l'article 326, la CLP doit intervenir quant à une question de hors délai, compte tenu de son devoir d'application d'une loi d'ordre public:
Gareau Auto inc.,
249412-02-0411, 06-02-27, R. Deraiche.
Si le législateur a prévu un délai d’un an à compter de la survenance de l’accident initial pour présenter une demande de transfert de coûts, la concordance doit s’effectuer lorsque cette demande est faite en lien avec des faits liés à une rechute, récidive ou aggravation. On doit donc comprendre qu’en pareil cas le délai commence à courir à compter de cette nouvelle lésion professionnelle qui constitue un prolongement de l’accident initial. Si le législateur a jugé qu’il était bon d'accorder à un employeur un délai d’un an à compter d’un accident pour évaluer s’il y avait obération injuste découlant de cet accident ou de ses conséquences, pourquoi en irait-il autrement lorsque l’obération injuste survient dans le cadre d’une rechute, récidive ou aggravation?:
Duchesne & fils ltée,
283437-04-0602, 06-11-03, J.-F. Clément, (06LP-170).
Le délai prescrit à l'article 326 n'est pas respecté.
Toutefois, c'est en recevant une mise à jour du dossier que l’employeur a pu prendre connaissance de la lettre d'un médecin dans laquelle il explique que le retard à effectuer la chirurgie du travailleur est dû, non pas aux délais d’attente connus dans nos hôpitaux, mais plutôt à une absence d’équipement adéquat pour une chirurgie à l’épaule et que ce retard est tout à fait inacceptable. L’employeur a démontré un motif raisonnable permettant de le relever de son défaut d'avoir agi dans le délai prescrit par la loi. Sa demande de transfert de coûts est donc recevable:
Maintenance Blanchette,
298912-04-0609, 07-10-30, D. Lajoie.
La demande de transfert des coûts de l'employeur en vertu du troisième alinéa de l'article 326 est irrecevable. L'article 326 ne supporte pas l'interprétation que le délai doive être calculé à partir du moment où la notion de RRA est évoquée légalement pour la première fois parce qu'il est question de la date de l'accident et non de celle de la reconnaissance de la lésion professionnelle résultant de l'accident du travail ou de la RRA. Même en adoptant une des diverses interprétations de la jurisprudence comme point de départ de la prescription de un an, soit à partir de la date de l’accident, à partir de la date de la RRA ou encore à partir du moment où l’employeur a connaissance d’une cause ayant pour effet de l'obérer injustement, sa demande est hors délai et il n'a pas présenté de motif raisonnable pour être relevé de son défaut:
Charl-Pol Saguenay inc.,
367118-02-0901, 09-08-03, C.-A. Ducharme, (09LP-80).
Le délai, pour une première demande de transfert d’imputation, est celui prévu à l’article 326. Il n’y en a pas d’autres et
le délai prévu à l’article 3 du
Règlement sur la nouvelle détermination de la classification, de la cotisation d'un employeur et de
l'imputation
ne s’applique pas lorsqu’il s’agit d’une première demande de transfert comme c’est le cas en l’espèce. Pour utiliser le délai prévu au règlement et l’appliquer, par analogie, lors d’une première demande prévue à l’article 326, encore faut-il s’appuyer sur l’intention du législateur. Or, si celui-ci avait voulu permettre à un employeur de présenter une première demande de transfert dans un délai raisonnable de six mois de la découverte d’un fait essentiel, comme c’est le cas à l’article 3 du règlement, il l’aurait mentionné à l’article 326. Mais il ne l’a pas fait et transposer, par analogie, les dispositions du règlement vers l’article 326, c’est ajouter au texte. Le seul remède, concernant le délai prévu à l’article 326, réside dans l’application de l’article 352. Ainsi, advenant qu’un employeur soit à l’extérieur du délai d’un an prévu à l’article 326, la loi lui permet de présenter un motif raisonnable pour se voir relevé de ce défaut:
Fer & Métaux Américains S.E.C.,
403245-61-1002, 10-12-06, L. Boucher.
Formalisme
La demande visée au deuxième alinéa de l'article 326 n'exige pas une forme particulière pour autoriser la CSST à en examiner le bien-fondé. Pourvu que les motifs au soutien de la demande de transfert soient exposés et que le délai soit respecté, ces conditions suffisent pour respecter l'exigence de l'article 326
: C.S.H.L.D. René-Lévesque,
174844-62-0112, 02-07-02, L. Vallières, (02LP-58).
La demande de partage de coûts de l'employeur, dans laquelle il réclamait l’application de l’article 329, ne peut être considérée comme une demande générale de partage de coûts et, ainsi, comme une demande concernant également l’alinéa 2 de l’article 326. En effet, la demande de l’employeur n’invoque aucun des faits permettant l’application de l’article 326 alinéa 2 et est, au contraire, très spécifique sur les faits pouvant donner ouverture à l’application de l’article 329. Le troisième alinéa de l’article 326 exigeant explicitement qu’un écrit contenant l’exposé des motifs soit soumis dans l’année suivant la date de l'accident, la demande ne peut être considérée comme répondant à ces exigences:
S.E.P.A.Q. (Division des parcs)
,
243834-01B-0409, 05-01-14, L. Desbois.